Nouvelle théorie monétaire 1/2
La nouvelle théorie de la monnaie se base sur le fait que monnaie peut désormais n'être attachée à aucune unité de valeur, physique comme l'or, ou une monnaie de référence comme le dollar, ou un panier de monnaies. Les états peuvent produire toute la monnaie qu'ils veulent pour faire fonctionner leur économie dans la limite de leurs ressources disponibles, via la fiscalité, et selon la volonté de leur population décidée par voie démocratique. Ce peut être une société avec un état minimum comme le veulent les américains, ou une société avec un état plus gros et plus redistributeur de richesses comme nous, ou carrément un état socialiste; mais à part le Vénézuela et la Corée du Nord il n'y en a plus pour le moment.
Du temps de l'étalon or (1870-1914), la souveraineté monétaire était contrainte par le stock d'or permettant les échanges internationaux. L'étalon or fut abandonné lors la 1ère guerre mondiale. Après la 2è guerre mondiale les échanges internationaux furent organisés par la conférence de Bretton Woods; les taux de change des monnaies étaient fixes et accrochés au dollar; le gouvernement des Etats-Unis garantissait aux états la conversion de leurs dollars en or au taux de 35$ l'once d'or. Ce système dura jusqu'en 1971 quand les Etats-Unis suspendirent unilatéralement la conversion (histoire).. Depuis 1971 tous les pays sont passés à la monnaie fiduciaire et à la monnaie scripturale ou électronique.
La monnaie fiduciaire est la monnaie légale que l'état crée pour faire ses dépenses et pour qu'on lui paie les taxes. Elle a pour caractéristiques essentielles:
- un taux de change flottant avec les autres monnaies - selon demande et offre sur le marché des changes - ce qui libère l'état de la nécessité d'avoir des réserves de change;
- l'état a un droit souverain de création monétaire;
- la monnaie n'a pas de valeur intrinsèque;
- elle est la seule monnaie utilisée pour payer les taxes et pour les dépenses publiques;
- en agissant sur les taxes soutirées de l'économie, et sur ses dépenses injectées dans l'économie, l'état peut gérer l'économie pour assurer le plein emploi et la prospérité.
Toute la monnaie existant à un moment dans le pays est détenue par les acteurs de la société: individus et ménages, les entreprises, l'état et ses différentes institutions nationales et locales , et le reste du monde.
Ces quatre catégories d'acteurs se partagent la production et la consommation de tous les biens et services produits pendant un espace de temps donné (l'année), lesquels s'échangent par les prix et la quantité de monnaie; les dépenses des uns sont les revenus des autres et réciproquement. Je montrerai plus loin que la somme des situations nettes, soldes des recettes et dépenses de ces secteurs, est égale à zéro, car c'est une identité comptable indiscutable. Ce qui est sujet à discussion au sein d'une société c'est la manière dont ces quatre secteurs interagissent entre eux pour assurer la prospérité et le bien-être.
Là est le débat politique, basé sur les connaissances et les idées. Les choix politiques d'organisation démocratique de la société dépendent de ces idées, d'économistes, de sociologues, de journalistes et d'experts de tous bords, mais aussi de l'histoire, de la géographie du pays, de ses ressources naturelles et agricoles et de leur évolution dans le temps, notamment la croissance de la population.
Qu'est ce que la monnaie aujourd'hui?
La monnaie est constituée par les pièces et billets en circulation, mais aussi et plus encore, par les comptes en banques, les comptes épargne. Les banques émettent de la monnaie en accordant des crédits (création monétaire). En accordant un crédit à un emprunteur - individu, ménage ou entreprise, la banque lui achète une promesse à rembourser le capital et payer un intérêt. Elle crédite le compte en banque de l'emprunteur du montant du prêt et l'inscrit à l'actif de son bilan. Et pour équilibrer son bilan elle inscrit le même montant à son passif comme ce qu'elle doit à l'emprunteur. Rien n'est produit, il s'agit d'une opération comptable. A la monnaie fiduciaire - billets et pièces - s'ajoute donc la monnaie scripturale qui représente aujourd'hui plus de 95% de la monnaie en circulation (voir graphique plus loin).
La monnaie créée par le crédit bancaire disparaît lors des remboursements des prêts, soit progressivement dans le cas des crédits immobiliers ou mobiliers - par remboursements partiels mensuels - soit à maturité du prêt c'est à dire à l'échéance. La monnaie en circulation est donc en continuelle variation. Mais la banque centrale en contrôle la masse par son taux d'intérêt qui fixe l'accès des banques commerciales aux réserves et aux taux des échanges entr'elles ainsi que par le ratio prudentiel réserves/crédits.
Les intérêts constituent les revenus des banques: ils couvrent leurs dépenses de fonctionnement et génèrent les bénéfices qui apparaissent dans l'actif net de leur bilan.
Mais le dépôt bancaire de l'emprunteur est très liquide; cette monnaie va se diffuser très vite dans l'économie, sous la forme d'achat de biens et de services, qui seront les revenus des vendeurs de ces mêmes biens et services et dont les montants seront crédités dans leurs comptes bancaires tandis que le compte bancaire de l'emprunteur sera débité des mêmes montants. Le montant du crédit va ainsi être distribué dans une multitude de comptes bancaires détenus dans plusieurs banques. Les détenteurs de ces comptes peuvent demander des retraits pour partie ou totalité de leurs comptes et la banque doit pouvoir les fournir. Là est le problème de la banque: avoir les liquidités en dépôt en quantité suffisante. Pour cela, les banques se prêtent entre elles - celles qui sont excédentaires prêtent à celles qui sont déficitaires; et si ça ne suffit pas, elles demandent à la banque centrale européenne. Tout ceci est expliqué dans ici de manière plus technique.
Les banques sont donc créatrices de la quasi totalité de la monnaie qui sert aux transactions entre les acteurs de l'économie ce qui constitue le produit intérier brut PIB. Mais leur moteur est le profit, ce qu'elles obtiennent par l'intérêt, et ce pour quoi elles veulent accorder des prêts. L'allocation de ces prêts se divise entre prêts pour des accroissements de production de l'économie, et prêts pour des acquisitions d'actifs existants, boursiers ou immobiliers. Ces derniers ne sont pas productifs et donc leur prix augmente; c'est l'inflation des actifs. Il en est de même pour les prêts à la consommation. Seuls les prêts à la production sont sans effet d'inflation.
Comprendre pour quoi la somme des situations nettes - ou soldes - est égale à zéro.
Le PIB produit intérieur brut est la mesure de toutes les transactions monétaires entre les quatre catégories d'acteurs - ménages, entreprises, état et reste du monde. Cet agrégat économique se mesure par la somme des transactions effectuées par les agents de ces 4 catégories, car elles sont suivies par la comptabilité nationale. Le PIB est l'aggrégat de toutes les valeurs ajoutées VA produites: VA = ventes moins valeur des produits achetés aux autres, ceci pour ne pas compter deux fois les mêmes productions.
Puisque le PIB est égal à la somme des transactions monétaires, il est bon de savoir quelle est la masse monétaire en circulation, car en principe, PIB et masse monétaire devraient être égales; la masse monétaire en circulation étant à la fois le reflet des flux de monnaie mais aussi des stocks d'épargne et de bons et obligations. Pour nous, la monnaie est l'Euro, monnaie commune de 17 pays de l'UE. A lire pour comprendre le graphique.qui suit.
Le graphique ci-dessous est établi sur les bases monétaires 2009: M1,M2 et M3 sont respectivement 4.5G€, 8.2G€ et 9.4G€. En avril 2021 ces chiffres sont respectivement 10.6, 14.0 et 14.8G€. (lien BCE).
Ce graphique est complété par l'examen du bilan de la BCE et son évolution.
Fin 2017, la masse monétaire M3 était de 11750 Milliards d'€; et la base monétaire M0 (billets et pièces, plus réserves des banques plus facilités de dépôts était de 3139 Milliards d'€; augmentation due aux réserves des banques suite aux achats d'actifs dans le cadre du Quantitative easing de la BCE. Ces réserves sont dans les comptes des banques à la BCE; elles ne servent à l'économie que si les banques prêtent aux acteurs économiques.
Le PIB de la zone euro en 2016 a été de 11860 Milliards d'€. On voit sur le graphique une masse monétaire M3 de 9400 milliards d'€ en 2009; le PIB en 2009 a été de 12900 milliards d'€.
PIB= consommation des ménages plus consommation des entreprises (investissements) plus dépenses de l'état plus exportations X moins importations M cad. ménages, entreprises, état et reste du monde X-M
ou en symboles: PIB=C+I+G+(X-M)
Mais on peut aussi retracer le PIB par l'emploi de ces productions; en final, leurs montants finissent dans les comptes des individus et des ménages qui consomment, épargnent et paient des taxes à l'état.
NB: la raison d'être de la monnaie souveraine est de payer les taxes; toute monnaie en circulation permet de s'acquitter des taxes imposées par l'état.
PIB= C+S+T consommation C + épargne S + taxes T
On écrit alors l'identité des deux par C+S+T = PIB = C+I+G+(X-M)
En supprimant C de chaque côté, on a alors
S+T = I+G+(X-M)
On peut alors exprimer cette identité de deux manières:
- (S-I) = (G-T) + (X-M)
- (S-I) + (T-G) + (M-X) = 0
- I-S investissement moins épargne est le solde du secteur privé, ménages et entreprises; il est en déficit (négatif) si l'investissement I dépasse l'épargne S; il est en surplus (positif) si l'épargne S dépasse l'investissement I.
- G-T dépenses de l'état moins les taxes, est le solde de l'état; il est en en déficit (négatif) si les dépenses G dépassent les taxes T; il est en surplus (positif) si les dépenses G sont inférieures aux taxes T.
- X-M exportations moins importations de biens et de services est le solde vis à vis du reste du monde: . il est en surplus (positif) si les exportations X dépassent les importations M; il est en déficit (négatif) si les importations M dépassent les exportations X.
Je retiens la deuxième expression de l'identité:
(S-I) + (T-G) + (M-X) = 0
En France le secteur public est en déficit; le solde vis à vis du reste du monde est en déficit; le secteur privé est donc en fort surplus pour couvrir le solde net négatif des dépenses publiques et vis à vis du reste du monde. Cela se fait par les emprunts de l'état sur les marchés financiers.
Les dépenses publiques prioritisées par les français depuis la 2è guerre mondiale, sont celles de l'éducation, de la santé, de la sécurité, de la défense, de la justice, et des infrastructures publiques. Ces dépenses sont les revenus de tous les fonctionnaires employés par l'état aux 3 niveaux - état, collectivités locales, hôpitaux. Soit près de 5.5 millions de personnes sur une population active de 29 millions. Les dépenses de l'état sont aussi les revenus de toutes les entreprises du secteur privé auxquelles l'état achète des produits et des services, revenus qui se retrouvent en finale dans les comptes bancaires de leurs employés et de leurs fournisseurs intermédiaires.
On comprend donc le caractère indiscutable de l'identité comptable (dans la mesure où l'on admet la comptabilité à partie double et le traçage par l'INSEE de la comptabilité nationale). Ce qui est discutable est comment réaliser les fonctionnements des secteurs pour atteindre le meilleur résultat en termes d'intérêt général et de prospérité: de croissance potentielle, croissance réelle, inflation et emploi - tout en respectant les choix démocratiques de la population lors d'élections.
C'est la suite de ce billet.
Nouvelle théorie monétaire 2/2
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