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Nouveau coronarovirus Covid-19. Les réflexions de Cyril Dion

 

Nouveau coronarovirus Covid-19. Tout le monde y va de sa réflexion - en plus des scientifiques épidémiologistes, spécialistes des maladies infectieuses seuls crédibles. Voici les réflexions de Cyril Dion célèbre collapsologue.

Qui aurait imaginé il y a seulement quinze jours que l’Italie serait « bouclée », toute une population mise en quarantaine, pour cause de coronavirus ? Au stade où nous en sommes, on ne peut s’empêcher de repenser au film Contagion, de Steven Soderbergh (2011) : une jeune femme, de retour de Hongkong, meurt d’une infection inconnue. Son jeune fils, contaminé, décède quelques heures plus tard.

C’est le début d’une épidémie à l’échelle mondiale une pandémie. Tandis que scientifiques et médecins tentent de trouver un remède, la panique se répand plus vite que le virus et les sociétés commencent à se désagréger… Comme en Italie aujourd’hui, où médecins et autorités ne savent plus comment arrêter cette psychose et où le système de santé est au bord de l’effondrement.

« L’effondrement ». L’expression est sur toutes les lèvres des commentateurs et experts qui défilent sur nos écrans quand ils parlent du prix du pétrole, de l’économie, du produit intérieur brut (PIB), des places boursières, des systèmes de santé… Mais aucun n’ose encore dire que nous sommes, peut-être, en train de vivre une sorte de répétition générale avant l’effondrement majeur d’un modèle qui a trouvé ses limites.

Car il ne s’agit pas de la fin du monde, comme le prétendent certains marchands d’apocalypse complaisamment relayés par des médias toujours enclins à la simplification - cela demande moins d’effort que l’explicitation de la complexité – mais de la fin d’un monde. Celui de l’hyper-mondialisation, au niveau si élevé d’interdépendance des infrastructures et des systèmes de production que des « perturbations », comme le coronavirus aujourd’hui ou des événements inédits liés au dérèglement climatique, demain, pourraient lui être fatals.

L’insupportable

Comme l’écrivent Pablo Servigne et Raphaël Stivens dans Comment tout peut s’effondrer (Le Seuil, 2015), nous faisons face à un « nouveau type de risque, le risque systémique global, dont les déclencheurs potentiels sont infinis, et qui peut rapidement entraîner aussi bien des petites récessions qu’une dépression économique majeure ou un effondrement généralisé ». Nous en sommes au stade de la dépression économique majeure, que plus personne ne nie aujourd’hui et dont les plus pauvres vont être les premières victimes, accélérant les inégalités d’un monde où quelques milliers de milliardaires possèdent autant de richesses que la moitié de l’humanité.

Nous pensions que cette mondialisation érigée en système où la spécialisation des tâches est poussée à l’extrême garantissait la domination de notre mode de vie. Cette mondialisation-là cachait l’insupportable, révélé notamment par l’accident du Rana Plaza à Dacca (Bangladesh), qui, en 2013, a tué plus de mille ouvrières travaillant dans des conditions indignes pour des marques de mode françaises et autres afin de satisfaire notre délire de consommation. Même si nous ne voulons pas le croire, notre « système » est d’autant plus vulnérable et fragile qu’il est global. Le déni n‘est pas une thérapie.

Le coronavirus prouve s’il le fallait que nous sommes comme les pions d’un jeu de dominos : il suffit d’en faire tomber un pour que les autres suivent. Comme l’a observé le sociologue allemand, Ulrich Beck, dans La société du risque : sur la voie d’une autre modernité (Flammarion, 2008), livre pionnier publié en 1986, au lendemain de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl : le risque est plus qu’une menace, il est devenu la mesure de notre action.

A la logique de la répartition des richesses a succédé une logique de la répartition des risques. Et il n’est pas difficile de constater que nos pays riches se sont « soulagés » de leurs risques sur les pays les plus pauvres victimes de l’extractivisme, de la déforestation, du démantèlement de nos équipements informatiques, des cultures OGM massives. De même, ils s’exonèrent de leurs responsabilités politiques en sous-traitant aussi bien les phénomènes migratoires – ce qui les rend complices de criminels de guerre tels qu’Assad et Poutine –, que la gestion des multiples formes de pollution dont ils sont pourtant la cause.

Fragilité et dépendance

Il aura fallu cette épidémie de coronavirus, après la crise financière de 2008, pour remettre sur le métier du monde la question de notre fragilité et de notre dépendance, au reste de l’humanité comme aux « autres qu’humains », c’est-à-dire au monde des vivants. Comme dans le film Contagion, cette épidémie est partie d’un animal porteur du virus. Plus nous porterons atteinte au monde sauvage, plus nous détruirons son habitat et plus il se rapprochera de nous au risque de nous transmettre ses virus qui sont pathogènes pour l’homme.

En fait, nous ne sommes qu’au début de « perturbations » de ce type si nous ne nous décidons pas à changer de modèle. Les régimes autoritaires, telle la Chine, en profiteront pour renforcer leurs systèmes de surveillance numérique et faire la traque aux lanceurs d’alerte et autres individus ne répondant pas à la norme sociale.

Les démocraties fragiles, menacées de désagrégation, seront conduites à prendre des décisions inimaginables de restriction des libertés, comme l’Italie aujourd’hui. Et les pays pauvres, faute de moyens, seront passés par profits et pertes, mais nous y perdrons tous. Il n’y aura pas de canots de sauvetage pour les plus riches, comme dans le Titanic.

Et si le coronavirus avait sonné l’heure du réveil de l’humanité soudain mise en face de son destin et de ses choix? A moins que le jugement de Montaigne, qui ne s’est jamais trompé sur les hommes, soit toujours d’actualité : « La plus calamiteuse et frêle de toutes les créatures, c’est l’homme, et en même temps la plus orgueilleuse ». Voilà notre menace principale. »

Noël Mamère : le coronavirus nous fait « vivre une sorte de répétition générale avant l’effondrement majeur d’un modèle qui a trouvé ses limites »

Commentaires sur ce texte

  • L'humanité a déjà connu des pandémies mais celà ne l'a pas freiné à continuer à foncer dans le mur. J'aimerais croire que le modèle sociétaire changera mais si on regarde l'histoire de ce monde, on voit bien que tout recommence comme avant après chaque effondrement. Parce que les gens de pouvoirs prennent toujours le dessus sur les plus manipulables. Et il y a plus de manipulables sur l'ensemble de la population.
  • J'aimerais tellement croire à votre scénario, l'avenir nous le dira...
  • C'est ce que je pense depuis le début, c'est ça une répétition, un entraînement, vers d'autres entraînements qui ne sont pas des entraînements mais bien la réalité Pour illustrer ce passage :  "Comme dans le film Contagion, cette épidémie est partie d’un animal porteur du virus. Plus nous porterons atteinte au monde sauvage, plus nous détruirons son habitat et plus il se rapprochera de nous au risque de nous transmettre ses virus qui sont pathogènes pour l’homme."  Lire ceci "Les agressions humaines à l’environnement sont-elles à l’origine du coronavirus ?"
  • Ce virus est d'origine humaine. Vertige de l'Anthropocène.
  • Sauf que notre "système" est Loin d'être un "modèle", et qu'il n'a PAS de limites; Les limites c'est la Nature qui les lui impose, Lui fonce toujours vers le même But : Le fric, et que ça, sans limites, sans Fin. Sauf peut-être aussi que nous vivons le Début d'un effondrement ... MAIS Surtout, que les Virus Sont une Conséquences du Dérèglement Climatique, Et que cela avait été annoncé en 1980.
  • Pour ma part, je n'ai jamais été transcendé par ce qu'a pu dire ou faire ce personnage politique et ex journaliste, mais je ne le connais pas et je ne peux percevoir son degré d'implication, de sincérité et de conviction dans ces (ses) propos.
  • Oui ce sont les plus pauvres et les plus fragiles qui sont en première ligne. Encore une fois. Même si, pour une fois, les investisseurs en bourse sont aussi perdants !
  • M Macron dans son discours a bien eu des termes qui montrent qu'il comprend que c'est un effondrement! Une autre fin du monde est possible! C'est le moment, c'est l'occasion! et on a bien le temps de définir comment on construit ce nouveau monde! Peut-on espérer que ces événements produisent une prise de conscience généralisée sur la crise systémique dans laquelle nous sommes embarqués? Avec les conséquences à en tirer sur la nécessité d'un changement de système !

Plus:

  1. Histoire des pandémies
  2. Visualizing the history of pandemics
  3. famille des virus à ARN qui se transmettent de l’animal à l’homme
  4. Ce que le coronavirus dit de notre espèce