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Canicules, sécheresses, inondations : à qui la faute ?

Source: courrierinternational.com Quirin Schiermeier

 

 

Cette année 2019 encore, l’hémisphère Nord connaît un été exceptionnellement chaud. Au Japon, la vague de chaleur qui s’est abattue sur l’archipel a été déclarée catastrophe naturelle. En Europe, on cuit à petit feu pendant que des incendies ravagent la Grèce et sévissent même au-delà du cercle arctique. Même chose dans l’ouest des États-Unis, où la sécheresse a préparé le terrain à d’immenses feux de forêt.

La semaine dernière a été particulièrement agitée pour Friederike Otto, spécialiste en modélisation climatique à l’université d’Oxford, au Royaume-Uni. Les journalistes n’ont pas cessé de lui demander son opinion sur les changements climatiques et leur influence sur l’actuelle canicule. “Ça a été la folie”, résume-t-elle.

Alors que les scientifiques se contentent généralement de dire que le réchauffement climatique augmente la fréquence des vagues de chaleur, la chercheuse et ses collègues voulaient répondre à une question plus précise : dans quelle mesure le changement climatique a-t-il contribué à l’apparition de cet épisode caniculaire précis ? Après trois jours de travail sur leurs modèles climatiques, les chercheurs ont annoncé le 27 juillet que, d’après leur analyse préliminaire, le changement climatique avait plus que doublé la probabilité d’une canicule dans une bonne partie de l’Europe du Nord.

Les services de météorologie devraient bientôt proposer régulièrement ce genre d’analyse ultrarapide aux médias, qui n’auront plus besoin d’attendre le lancement d’une étude spécifique par des chercheurs. Grâce à Friederike Otto, l’agence allemande de météorologie devrait être la première à proposer des analyses de causalité entre le réchauffement climatique et certains évènements météorologiques précis.

Bientôt un service régulier

D’ici à 2019 ou 2020, cet organisme espère pouvoir poster presque instantanément ses résultats sur les réseaux sociaux et publier ses rapports complets dans les quinze jours suivant un épisode météorologique. “Nous voulons mesurer l’influence des changements climatiques sur tous les types de conditions atmosphériques susceptibles de provoquer des phénomènes exceptionnels en Allemagne ou en Europe centrale, explique Paul Becker, son vice-président. Nous avons désormais les moyens de commencer à faire ça.”

Le projet intéresse également l’Union européenne. Le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF), situé à Reading, au Royaume-Uni, s’apprête à lancer un programme pilote similaire qui, d’ici à 2020, cherchera à déterminer l’influence du changement climatique anthropique dans l’avènement de phénomènes extrêmes, comme les canicules ou les inondations. Si les résultats sont concluants, un service régulier pourrait être mis en place à l’échelle européenne dans les deux années suivantes, explique Dick Dee, directeur adjoint du servicede surveillance du changement climatique Copernicus au sein de l’ECMWF. “C’est un projet ambitieux, mais faisable”, estime Friederike Otto, qui participe à cette initiative.

Le simple fait que les agences météorologiques envisagent un tel service montre à quel point les “études d’attribution” – l’établissement d’un lien de causalité entre les changements climatiques et les phénomènes météorologiques exceptionnels – ont fait des progrès depuis les premiers travaux dans le domaine, il y a plus de dix ans. Cette “science de l’attribution” est désormais prête à sortir des laboratoires pour se faire une place dans notre quotidien.

Voir cette video de CanalU " La détection et l'attribution des changements climatiques, le rôle des facteurs naturels "

La technique doit encore être améliorée pour certains phénomènes extrêmes, mais dès lors que les agences météorologiques diffuseront ces informations régulièrement, le principal défi sera de trouver comment les rendre utiles pour les populations potentiellement concernées. Peter Walton, spécialiste des sciences sociales à l’université d’Oxford reconnaît :

C’est une chose d’établir des liens de causalité scientifiquement valides. C’en est une autre de savoir comment utiliser ces informations.”

Le principe de cette “science de l’attribution” [qu’on pourrait aussi appeler “science de la causalité climatique”] est assez simple.

Les catastrophes naturelles comme les vagues de chaleur ou les pluies diluviennes sont susceptibles d’être de plus en plus fréquentes à mesure que les concentrations de gaz à effet de serre modifient la composition de l’atmosphère. L’air chaud contient en effet plus de vapeur d’eau et stocke davantage d’énergie ; et la hausse des températures peut induire des modifications à grande échelle dans les courants de circulation atmosphérique.

Article précédent de Quirin Schiermeier 22/8/2018

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