CHRONIQUE - En répondant, jeudi, aux questions de Jean-Pierre Pernaut dans son journal de 13 heures de TF1 et sur LCI, le président a voulu donner un sens à son action. Toutefois, il ne suffit pas de s'adresser aux provinces et à la ruralité pour qu'un chef d'État puisse retisser des liens distendus.
- Un choix de communication stratégique: Jean-Pierre Pernaut.
- et une suite: choix aussi stratégique de Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel dimanche 15 avril (2 heures pour continuer de convaincre)
Où va la France? Emmanuel Macron l'assure: «Je sais où je veux emmener le pays.» Il entend poursuivre la pluie de réformes. Mais celles-ci, disparates, n'ont en commun que d'illustrer un mouvement. Militairement, la canonnade s'impose s'il s'agit d'écraser l'ennemi. Politiquement, le feu continu s'émousse s'il n'est destiné qu'à étourdir les oppositions. En répondant, jeudi, aux questions de Jean-Pierre Pernaut dans son journal de 13 heures de TF1 et sur LCI, le président a voulu donner un sens à son action, en la ramenant à sa personne. «Comprenez-moi», a-t-il dit en substance. Toutefois, il ne suffit pas de s'adresser aux provinces et à la ruralité pour qu'un chef d'État puisse retisser des liens distendus. «Je vous ai compris», avait lancé Charles de Gaulle dans son discours d'Alger de 1958, qui dissimulait la trahison des Français d'Algérie. Cette humilité, même feinte, n'est pas le genre du chef de l'État. Il préfère répéter: «Je vous ai entendus.» Mais cette même séduction clientéliste peut cacher d'autres abandons.
Près d'un an après son élection, Macron n'a pas réussi à réconcilier la France d'en haut et celle d'en bas. Pis: l'indifférence portée à la vieille nation silencieuse a raidi davantage les Oubliés, éloignés des métropoles mondialisées et déculturées. Les visites locales que le président effectue dans ce qui devient des réserves de petits Blancs, comme les Indiens d'Amérique ont les leurs, restent des figures imposées: les 48 milliards d'euros qui se profilent pour les banlieues (plan Borloo) rappellent les priorités du gouvernement. Le choix de Macron de s'être fait interviewer dans une salle d'école d'un petit village de l'Orne, Berd'huis, fait partie des symboles qu'il sait manier. Pour autant, il n'est pas besoin d'être expert en communication pour déceler, en plus de la canonnade réformatrice, l'intensité du bombardement médiatique qui s'achèvera dimanche soir.
L'atout du président est d'avoir face à lui une extrême gauche répulsive. Excitée par le conflit à la SNCF, elle se caricature dans le sectarisme, la violence, les dégradations.
Les Romains avaient prévenu: Jupiter rend fous ceux qu'il veut perdre. Celui qui, une fois à l'Élysée, a osé s'identifier au dieu de la Foudre laisse voir un besoin de convaincre qui le rapproche des mortels. Mais qui trop embrasse mal étreint. Le choix de Macron de se faire interroger aussi, le 15 avril, par Jean-Jacques Bourdin (BFMTV-RMC) et Edwy Plenel (Mediapart) fait la part belle à un journaliste, Plenel, qui ne cache pas sa haine pour la nation trop homogène et enracinée. «Quand j'entends Français de souche, j'entends raciste de souche», avait-il dit. En 1972, collaborateur à Rouge, il avait signé sous pseudonyme un article soutenant «inconditionnellement» les tueurs de l'organisation palestinienne Septembre Noir, qui venaient d'assassiner onze athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich. Depuis, Plenel dénonce l'antisémitisme tout en s'aveuglant sur l'offensive islamiste. L'adoubement de ce tartuffe laisse perplexe.
Pour autant, l'atout du président est d'avoir face à lui une extrême gauche répulsive. Excitée par le conflit à la SNCF, elle se caricature dans le sectarisme, la violence, les dégradations. C'est à l'université de Tolbiac (Paris-I), fer de lance d'une contestation «zadiste» menée notamment pas des «étudiants sans-papiers», que des cocktails Molotov ont été découverts. Des non-grévistes y ont été passés à tabac. Le local de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) a été mis à sac. L'université de Montpellier a été saccagée, comme à Toulouse ou Dijon. Lire, ici et là, les tags des contestataires donne une idée de l'abrutissement de ces jeunes livrés aux «agitateurs professionnels» (Macron): «Un bon flic est un flic mort» ; «Mort aux Blancs» ; «Femmes, voilez-vous». À Nantes, le «collectif féministe racisé de l'université» organise des réunionsen «non-mixité racisé.e.s», c'est-à-dire interdites aux Blancs. Le président vaincra sans péril cette minorité de petits fachos. Mais le président triomphera sans gloire.
L'exemple Orban
Ces victoires annoncées, ces plans médias multipliés, ce bougisme réformiste ne suffiront pas à convaincre ceux qui voient dans Macron le personnage ambitieux mais insincère que décrit François Hollande dans son livre bilan sorti mercredi. Le discours du chef de l'État, lundi devant la Conférence des évêques de France, a été applaudi par beaucoup de catholiques. Le texte n'en reste pas moins l'exemple d'une pensée qui, sous couvert de «complexité», détourne des mots pour obscurcir un débat. Quand Macron assure: «Le lien entre l'Église et l'État s'est abîmé, il nous incombe de le réparer», il laisse envisager un possible aménagement de la séparation entre l'Église et l'État, cette construction étrangère à l'islam. Quand il parle de «sève catholique» qui coulerait en dépit de «racines» qui «peuvent être aussi mortes», il décrit une incohérence botanique - il faut des racines pour avoir une sève - qui lui sert de prétexte pour écarter l'inscription des racines chrétiennes dans la Constitution. Ce raisonnement mal ficelé pourrait amener en fait à un recul sur la laïcité, priée de s'adapter à l'islam récalcitrant. Or c'est l'inverse qu'il faudrait clairement défendre.
En réalité, c'est de l'Europe centrale que souffle le vent d'une révolution «populiste» face à laquelle Macron veut être le barrage. En donnant, dimanche dernier, une large victoire au parti de Viktor Orban (près de 49 % des voix), les Hongrois ont confirmé la puissance de la vague conservatrice qui déferle sur l'Europe. Orban n'a aucun complexe à défendre les racines chrétiennes face à l'islam politique, à refuser la société multiculturelle, à dénoncer la politique migratoire que l'Union européenne impose aux États, à commencer par la France. Il n'a pas craint d'édifier un mur de protection, en dépit des hurlements des sermonnaires. Il parle du risque de voir, «en quelques décennies», son pays donné à «des étrangers venus d'autres coins du monde, qui ne parlent pas notre langue, ne respectent pas notre culture, nos lois et nos modes de vie, et qui veulent remplacer les nôtres par les leurs». Orban, c'est l'anti-Macron.
Si une guerre internationale doit exploser demain, la Syrie en sera l'épicentre. Toutes les puissances mondiales et nombre de puissances régionales (Russie, États-Unis, Chine, Europe, Turquie, Iran, Israël, etc.) se retrouvent sur ce territoire chaotique. C'est pourquoi la menace d'une frappe française contre le régime de Bachar el-Assad pourrait être l'étincelle. Hier, Macron a assuré avoir «la preuve» que des armes chimiques (du chlore) ont été utilisées par Damas. Puisse-t-il néanmoins résister aux va-t-en-guerre qui l'appellent à frapper Assad, protégé par la Russie de Poutine.