montants élevés, absence de mise en concurrence…) dans les marchés passés, entre 2009 et 2012, par la région
Midi-Pyrénées, alors dirigée par le socialiste Martin Malvy, avec deux sociétés spécialisées dans l’événementiel,
AWF Music, liquidée au printemps 2014, puis AWF. Les associés de ces SARL sont situés dans le très proche
entourage familial de Kader Arif - son frère, sa belle-sœur et ses neveux. Le parquet de Toulouse ouvre alors une
enquête préliminaire, bientôt transférée au parquet national financier (PNF).
Kader Arif a beau se dire « révolté » de voir son nom cité dans des affaires « qui ne [le] concernent absolument
pas », il doit vite déchanter : le 6 novembre 2014, la police perquisitionne son bureau au ministère de la Défense,
sous la tutelle duquel est placé le secrétariat d’État aux Anciens combattants. Les enquêteurs ont en effet
découvert que la société All Access, dans laquelle les neveux d’Arif sont également associés, a signé en février
2014 un contrat avec le bureau de la propriété intellectuelle du ministère de la Défense. Comme le précise Le
Monde le 28 novembre 2014, la mission assignée à All Access consiste en des prestations d’accompagnement, du
media-training et une simulation de crise au profit du ministre délégué en charge des anciens combattants. Soit
Kader Arif lui-même, soupçonné du coup de favoritisme.
« C’est parce qu’il y a eu une perquisition qu’on a procédé à son départ, Manuel Valls et moi, relate Hollande. Là
aussi, on ne sait pas quelle sera la suite, mais le fait même qu’il y ait une perquisition au ministère fait que ce
n’est pas possible qu’il reste… » N’aurait-il pas été plus sage, là encore, de prendre les devants, et de se
débarrasser de l’encombrant ministre plus tôt ?
« Le Drian le savait, fin août, qu’il y avait ce problème sur un contrat, même si c’était légal, car en dessous du
seuil de passation des marchés, répond-il. Mais dès lors qu’il y a eu l’opération de justice, Arif a été prévenu : il
faudra attendre le 11 novembre, et après il faudra partir. » Le président de la République a préféré laisser passer
les cérémonies de l’armistice avant d’annoncer le départ du secrétaire d’État aux Anciens combattants, à l’égard
de qui il semble faire preuve de sa mansuétude habituelle. « Kader, dit-il, il y a une imprudence, une légèreté,
pas gravissime. Même si c’était légal. Dans le système politique d’aujourd’hui, faire travailler son frère est un
problème. Il y a des années, faire travailler son frère voire avoir son frère comme collaborateur, c’était possible.
Aujourd’hui c’est difficile, même impossible. Tout manquement, qui n’est même pas illégal, à une règle, mais qui
paraît être une légèreté, est considéré comme blâmable. »
On le sent bien, au fond de lui, François Hollande, qui reste un homme politique de la « vieille génération », ne
se reconnaît pas vraiment dans cette évolution des mentalités.
Bien sûr, comme toujours, il tente de positiver. « C’est parce que la transparence fonctionne, que les règles sont
appliquées, qu’il y a après des conséquences qui ne sont pas forcément heureuses, observe-t-il. On dit : “Ah,
quand même, c’est la troisième, la quatrième démission…” Oui, et c’est sain. Et coûteux. C’est le prix de la
rectitude, de l’exemplarité. Après tout, Arif, on pourrait très bien dire, tant qu’il n’est pas mis en examen, on le
garde… » Il est incontestable qu’à chaque fois François Hollande, même tardivement, a tranché dans le vif,
sacrifiant sans le moindre état d’âme le supposé « fautif ». La question est plutôt de savoir pourquoi, en amont, il
s’est montré incapable de déceler les ennuis à venir, les soucis potentiels… « Mais personne ne fait des enquêtes,
heureusement ou malheureusement, sur le passé ou le comportement des uns ou des autres », se défend-il.
Il tente de prendre du recul, d’expliquer cette éclosion de mini-scandales éclaboussant l’exécutif, en reprenant les
arguments utilisés pour Cahuzac : « Ce que je pense, c’est que tout est maintenant au jour quand on est au
pouvoir, alors que, quand on est dans l’opposition, tout est encore obscur. Le pouvoir fait que vous êtes exposé.
Le président, par définition, mais tous les membres du gouvernement, ses principaux collaborateurs, sont
exposés. Il faut savoir, même si ce n’est pas encore clair dans la tête de beaucoup à gauche comme à droite, que
tout ce qui sera à la limite sera connu. Et c’est bien. Quand j’ai dit “République exemplaire”, c’est ça
l’exemplarité. Tout est suivi d’effet, personne n’est protégé. » La preuve par l’absurde, en quelque sorte : la
multiplication des « affaires » visant son entourage serait finalement réconfortante…
Le limogeage de Kader Arif n’a pas tout réglé. Car l’enquête judiciaire, confiée fin 2015 à des juges d’instruction,
fait désormais figure d’épée de Damoclès pour le président de la République. En cause cette fois, des prestations,
pour un montant de 700 000 euros, facturées par la société AWF Music (créée par Aissa Arif, le frère de Kader)
au candidat Hollande, d’abord lors de la primaire socialiste, à l’automne 2011, puis début 2012 dans le cadre de
la campagne présidentielle. A priori, rien d’illégal. Mais lorsque des juges commencent à fouiller…
En février 2016, nous avons questionné le chef de l’État sur ce point précis. « Ce qui est vrai, c’est que le frère de
Kader Arif a été sollicité, pour la primaire, pour faire quelques sonorisations de meetings, nous a-t-il répondu. Je
pense que tout a été déclaré. Ensuite, il a été utilisé pendant la campagne présidentielle, et comme ce n’était pas
satisfaisant - il y a eu à un moment une panne de sonorisation -, il a été écarté. La rupture du contrat qu’il avait
avec le Parti socialiste, c’est vrai, a été prise en charge par le Parti socialiste. » Comme l’a écrit Mediapart fin
novembre 2014, le PS avait versé 85 000 euros de dédommagement à AWF Music.