Non, Nicolas Sarkozy n'a pas bénéficié de "cinq non-lieux"
Interrogé lors du premier débat de la primaire de la droite, Nicolas Sarkozy a une fois de plus affirmé une contre-vérité, comme il l'avait fait sur Europe 1 fin septembre. Décryptage.
Nicolas Sarkozy, avant d'être président de la République, était inscrit au barreau de Paris. L'actuel patron des Républicains, ex-avocat, est pourtant fâché avec le code pénal quand il s'agit d'interpréter sa propre situation judiciaire... Interviewé, ce lundi 26 septembre au matin sur Europe 1 par le journaliste Thomas Sotto, le candidat à la primaire de la droite a enchaîné les approximations et contre-vérités concernant les dossiers judiciaires qui le concernent de près ou de loin.
Deux non-lieux... et pas cinq
"J'ai eu la semaine dernière mon cinquième non-lieu", affirme Nicolas Sarkozy à un auditeur choqué qu'un candidat à l'élection présidentielle puisse être mis en examen...
"J'ai été cinq fois innocenté", ajoute-t-il.
Heureusement, enchaîne-t-il en substance, que les juges ne l'ont donc jamais empêché de faire de la politique. Cinq non-lieux ? Mais quand ? Où ?
Pour bénéficier d'un non-lieu au terme d'une enquête judiciaire, il faut avoir été mis en cause, soit via une mise en examen, soit en ayant été placé sous le statut de témoin assisté d'après l'article 177 du code de procédure pénale.
Reprenons les choses dans l'ordre. Nicolas Sarkozy a été mis en examen une fois en mars 2013 dans le dossier Bettencourt pour abus de confiance, abus de faiblesse et escroquerie. Quelques mois plus tard, en octobre 2013, un non-lieu était prononcé par les juges à son encontre. Voici donc un premier non-lieu.
Dans le dossier des pénalités (une enquête judiciaire menée sur le paiement par l'UMP d'une amende infligée à Nicolas Sarkozy après le retoquage de ses comptes de campagne par le Conseil constitutionnel), Nicolas Sarkozy avait été placé sous le statut de témoin assisté. Un non-lieu général avait été décidé par les juges d'instruction en septembre 2015. Voici le deuxième non-lieu dont a bénéficié Nicolas Sarkozy. Et le dernier.
Le "non-lieu" de la "semaine dernière" évoquée par le candidat n'en est donc pas un... Les juges qui enquêtaient sur des voyages effectués par Nicolas Sarkozy et payés par l'homme d'affaire Stéphane Courbit ont rendu en effet un non-lieu. Dans cette affaire, ouverte à partir des investigations menées dans "Air Cocaïne", les juges qui soupçonnaient des abus de biens sociaux, n'avaient pas entendu Nicolas Sarkozy. Ils avaient néanmoins demandé la géolocalisation du portable de l'ancien président et épluché ses fadettes, ce dernier avait donc été mis en cause par les médias.
L'ancien chef de l'Etat reste mis en examen dans l'affaire dite des "écoutes", soupçonné d'avoir cherché à corrompre un magistrat de la Cour de cassation avec la complicité de son avocat. Il est également mis en examen dans le dossier Bygmalion, dans lequel le parquet a requis son renvoi devant le tribunal correctionnel. Les juges doivent maintenant se prononcer définitivement...
Une réinterprétation de l'affaire Bygmalion
"Ma probité a été parfaitement démontrée" dans le dossier Bygmalion, a pourtant asséné Nicolas Sarkozy sur Europe 1. Ajoutant : "Et c'est monsieur Tournaire qui l'a démontré !" C'est bien la première fois que Nicolas Sarkozy remercie un magistrat, et Serge Tournaire en particulier. Ce dernier est le juge d'instruction qui a placé Nicolas Sarkozy en examen dans le dossier Bygmalion. C'est également le juge qui avait placé sur écoute pendant presque un an le téléphone de l'ex-président dans le cadre du dossier du financement libyen de sa campagne de 2007. Ces écoutes n'avaient pas permis de mettre la main sur le moindre élément probant concernant l'argent du colonel Kadhafi. Mais elles ont permis de découvrir le fameux téléphone caché de Sarkozy (enregistré sous le nom de Paul Bismuth) qui lui permettait de converser avec son avocat...
Serge Tournaire, donc, n'a pas exactement lavé Nicolas Sarkozy de tous soupçons dans l'affaire Bygmalion. Il envisage même aujourd'hui de le renvoyer devant le tribunal pour financement illégal de campagne électorale... Mais Nicolas Sarkozy joue sur les mots. Il n'est poursuivi "que" pour financement illégal de campagne électorale, et pas pour "escroquerie". La preuve, selon lui, qu'il n'a rien à voir avec les fausses factures de sa campagne. Reste que les coûts de sa campagne ont explosé, pour attendre quasiment le double du plafond autorisé fixé à 22,5 millions d'euros.
"J'ai déjà été jugé" pour ces faits, s'est encore défendu Nicolas Sarkozy. Là encore, l'argument ne tient pas la route. Ses comptes de campagne ont en effet été retoqués par le Conseil constitutionnel avant que la justice ne s'empare du dossier Bygmalion, mais pour un dépassement estimé à l'époque d'environ 400.000 euros. Rien à voir avec les millions retrouvés dans le cadre de l'instruction judiciaire. "Ce n'est pas la même affaire", l'a d'ailleurs corrigé le journaliste Thomas Sotto, rappelant d'ailleurs très précisément l'article de loi (L 113-1 du code électoral) justifiant la mise en examen de Nicolas Sarkozy...
Un oubli de 20.000 euros
Mais Nicolas Sarkozy s'est accroché jusqu'au bout. "Je suis le premier candidat à la présidence de la République qui n'ait rien coûté aux contribuables", a-t-il déclaré, ajoutant qu'il a lui-même payé 343.000 euros d'amende sur ses propres deniers. Là encore, les arguments ne résistent pas aux faits. Ses comptes de campagne ayant été retoqués, l'UMP a en effet dû rembourser 11 millions d'euros à l'Etat. Un versement financé par le "Sarkothon", vaste collecte d'argent auprès des militants et sympathisants. Et ces dons ouvrent le droit à une réduction d'impôt de 66% du montant versé... C'est donc bien de l'argent public qui a financé en partie la campagne 2012 de Nicolas Sarkozy.
Même sur le montant de l'amende, Nicolas Sarkozy s'est emmêlé les pinceaux, mais cette fois-ci en sa défaveur. Il n'a pas réglé de sa poche 343.000 euros mais 363.000 euros. Et ce, une fois qu'une enquête judiciaire ait été ouverte. C'est l'UMP qui avait d'abord réglé l'ardoise.
Source: L'Obs Violette Lazard
Plus: Nicolas Sarkozy : «Jusqu'où François Hollande va salir et détruire la fonction présidentielle»