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EXCLUSIF. François Hollande : "Je suis prêt"

Extraits de l'entretien exclusif avec François Hollande, à lire en intégralité dans "l'Obs" en kiosque le jeudi 13 octobre.

Comprenez-vous le désarroi ou la colère qui saisissent un grand nombre de vos électeurs ?

[...] Je comprends l’impatience. J’accepte l’intransigeance. Mais je n’admets pas les procès en trahison car c’est l’honneur de la gauche de gouverner face à une droite qui a été dans la revanche dès le premier jour, et contre une extrême droite qui attend son tour. […]

De très nombreux électeurs de gauche estiment pourtant que vous n’avez pas fait une politique de gauche. Etes-vous toujours de gauche ?

En changeant de fonctions, je n’ai pas changé d’idées. Je suis de gauche. J’ai mené une politique de gauche. Une politique de gauche, c’est avoir fait de l’Education nationale la priorité en créant 60.000 postes alors que, de 2007 à 2012, 80.000 avaient été détruits. Une politique de gauche, c’est avoir réduit les inégalités fiscales. Une politique de gauche, ce sont des avancées sociales. Et il y en a eu ! […] Une politique de gauche, c’est avoir réussi à conclure à Paris un accord mondial sur le climat, assuré la transition énergétique, diminué la part du nucléaire, renforcé les énergies renouvelables. Et je pourrais continuer…
[…]

Une mesure a profondément choqué et restera comme une blessure morale pour beaucoup de Français, c’est la déchéance de nationalité, que vous avez proposée alors que vous la dénonciez par le passé…

Je mesure le trouble que cette initiative a pu créer. Je m’étais moi-même opposé lorsque Nicolas Sarkozy, en juillet 2010, avait voulu étendre les cas pour lesquels la déchéance de nationalité pouvait être prononcée.

Ce n’était pas le principe de la déchéance que vous contestiez ?

Non, puisque la déchéance de la nationalité existait déjà dans le Code civil y compris pour de simples délits commis par des individus ayant acquis la nationalité française. Ce que je contestais, c’était l’idée d’élargir son champ d’application, sans aucune restriction. […]

Vous pensiez sérieusement que c’était une bonne mesure pour lutter contre le terrorisme ?

Non, puisque les terroristes veulent mourir. La déchéance de nationalité n’a donc aucune valeur dissuasive. Elle s’inscrit dans un plan d’ensemble pour unir le pays, face à une épreuve que nous n’avions jamais connue et à un ennemi qui nous a déclaré la guerre en enrôlant de jeunes Français dressés pour tuer d’autres Français. […] Mais dès lors que la révision constitutionnelle divisait alors qu'elle devait rassembler, j'ai préféré y renoncer.

Vous le regrettez aujourd’hui ?

Oui. Et surtout de ne pas avoir réussi à nous donner un cadre commun sur ces questions.

Soyons plus précis, vous regrettez que cela n’ait pas été adopté ou vous regrettez au fond d’avoir pris cette décision ?

(Silence.) Je regrette que la gauche l’ait regardée comme une mesure qui pouvait diviser. Je regrette que l’opposition en ait fait un sujet de surenchère politique. […]

[Un autre] marqueur du désarroi à gauche est la loi El Khomri qui a été ressentie par beaucoup comme une régression.

La loi El Khomri est une loi sociale. Elle institue le compte personnel d’activité, elle généralise la garantie jeune, elle renforce le droit syndical dans les entreprises, elle protège les salariés dans les entreprises du numérique, elle favorise le dialogue dans l’entreprise.

Mais tout le reste, assouplir les licenciements, plafonner les indemnités prud’homales par un barème, inverser la hiérarchie des normes… c’est de gauche ?

Tout ce que je viens de dire est de gauche. La loi El Khomri a aussi une dimension économique. Elle clarifie les règles du licenciement. Elle simplifie la procédure prud’homale. C’était nécessaire, il y avait trop d’incertitudes pour les employeurs et d’injustice pour les salariés. […]

A vous entendre depuis le début de cet entretien, vous avez appliqué votre programme, vous êtes vraiment de gauche. Donc soit les Français sont vraiment bêtes, soit il y a vraiment un problème avec vous.

[...] Je suis le président, c’est de moi que les Français attendent de l’explication, de la cohérence et aussi des résultats. A mesure que l’on se rapproche de la présidentielle, ils vont pouvoir comparer non pas ce que j’ai fait avec ce que j’avais promis, même si je suis prêt à l’inventaire sur mes 60 engagements ; ils vont pouvoir comparer ce que j’ai fait dans le contexte que chacun connaît avec ce que proposent ceux qui prétendent nous remplacer. […]

Beaucoup de ceux qui envisagent de se présenter en 2017 ont été vos ministres. Vous ne savez pas vous entourer ou ce sont eux qui vous ont trahi ?

[...] Que des ministres puissent quitter un gouvernement, alors qu’ils ont l’opportunité de changer la France, d’avoir les leviers en mains pour peser sur la politique économique ou industrielle, sauver des emplois, redresser des secteurs entiers, s’atteler aux problèmes du décrochage scolaire ou du logement, eh bien je pense que c’est une forme d’oubli de ce qu’est le sens de la vie politique. [...]

Que pensez-vous de ces électeurs de gauche qui se disent prêts à aller voter Juppé à la primaire de la droite pour éviter l’éventualité d’avoir à choisir entre Sarkozy et Le Pen au second tour de la présidentielle ?

Le premier devoir d’un électeur, c’est de faire valoir ses idées. Je pense que si nous installons l’idée que pour éviter l’extrême droite il faut voter pour la droite, eh bien, à ce moment-là, il n’y aura plus de gauche. Si l’extrême droite est un danger pour notre modèle républicain, la droite met en cause notre modèle social. La droite est dans la revanche, la réaction et la régression. C’est le programme commun de tous ces candidats.

Régression ?

Oui. Le "programme commun de la droite" ne consiste pas à défaire ce qui a été fait depuis cinq ans mais à revenir sur des droits et des principes qui ont mis des décennies pour être conquis et acquis. [...] Ce ne sont pas des caricatures, des exagérations, des inventions. Je viens de lire leur programme. [...]

Faites-vous une différence entre eux sur d’autres sujets ? Vous retrouvez-vous par exemple dans ce concept d’"identité heureuse" de la société française qu’Alain Juppé appelle de ses vœux ?

Les deux mots sont mal choisis. "Identité", parce que la France est renvoyée à son passé alors que c’est l’idée de la France qui constitue son histoire et son avenir. Et "heureuse" parce que c’est un malentendu. Ce qui est proposé par Alain Juppé c’est une solidarité malheureuse. […]

>> Lire l'intégralité de l'entretien avec François Hollande dans "l'Obs", en kiosque jeudi 13 octobre.

Propos recueillis par Cécile Amar, Matthieu Aron, Carole Barjon et Matthieu Croissandeau

 

Source: Nouvel Obs