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Rattrapé par des propos obscènes envers les femmes, Trump dans la tourmente

 

En novembre, les électeurs américains devront choisir entre les deux principaux candidats pour la présidentielle américaine : Hillary Clinton côté démocrate, Donald Trump chez les républicains. Toutes les semaines, Libé fait le point sur la campagne. Une campagne qui a peut-être basculé vendredi avec l’exhumation d’une vidéo de Donald Trump où il tient des propos obscènes et misogynes, ainsi qu’on vous le raconte ici.

Dans un mois tout juste, le 8 novembre, de nombreux citoyens américains désireux de choisir entre Hillary Clinton et Donald Trump n’en auront pas le droit. Selon une étude publiée jeudi par le Sentencing Project, une ONG basée à Washington, six millions d’Américains condamnés au pénal sont actuellement privés de leurs droits civiques. Parmi eux, seuls 23% se trouvent en prison. Les autres sont en probation (26%) ou ont déjà intégralement purgé leur peine (51%), sans pour autant redevenir des citoyens à part entière. «Cela veut dire que 4,7 millions d’adultes qui vivent, travaillent et paient des impôts dans leur communauté n’ont pas le droit de voter», déplorent les auteurs de l’étude.

Aux Etats-Unis, la privation des droits civiques est du ressort des Etats. Sur les cinquante États américains, seuls deux (Maine et Vermont) n’appliquent pas cette mesure et autorisent le vote en prison. A l’opposé, dans une dizaine d’Etats dont la Floride, l’Alabama, le Mississippi et l’Arizona, des juges peuvent priver à vie des condamnés de leurs droits civiques. Ce qui est loin d’être anecdotique dans un pays qui détient le taux d’incarcération le plus élevé au monde.

A ces disparités régionales s’ajoutent de profondes inégalités raciales. Depuis des décennies, la communauté noire est surreprésentée dans les prisons américaines, conséquence notamment de la tolérance zéro en matière de lutte antidrogue. A crime équivalent, un Noir a plus de chances d’être condamné - et à une peine plus lourde - qu’un Blanc. Résultat : 43% des détenus sont Noirs, alors que les Afro-Américains ne représentent que 13% de la population totale.

En toute logique, la privation des droits civiques touche donc plus fortement la communauté noire. Sur les six millions de personnes concernées, plus de 2,2 millions sont afro-américaines. Selon le Sentencing Project, un adulte noir sur treize est aujourd’hui privé de son droit de vote, contre un Américain sur quarante. Dans quatre Etats (Floride, Kentucky, Tennessee et Virginie), plus de 20% de la population noire en âge de voter ne dispose plus de ses droits civiques.

Pour beaucoup, ces lois extrêmement strictes participent du racisme institutionnel qui frappe les Noirs américains, en particulier dans les États contrôlés par les Républicains. Sous couvert d’intransigeance judiciaire, ces derniers chercheraient à limiter au maximum la participation de la communauté noire dans la vie démocratique. Pour Howard Simon, directeur de la branche floridienne d’ACLU, puissante organisation de défense des libertés, ces lois «prennent leurs racines dans les schémas racistes mis en place après la Guerre civile» pour priver les esclaves affranchis de tout rôle politique. Plus d’un siècle et demi plus tard, Howard Simon accuse «certains dirigeants politiques actuels», dont le gouverneur républicain de Floride, Rick Scott, de «défendre honteusement» cet héritage et «d’entretenir un système discrédité qui manipule les élections». «Ceux qui ont purgé l’ensemble des aspects de leur peine méritent de récupérer leurs droits», conclut-il.

La rencontre n’a pas fait recette. L’unique débat télévisé entre les colistiers d’Hillary Clinton et Donald Trump, organisé mardi soir dans une université de Virginie, n’aura attiré que 37 millions de téléspectateurs - il faut dire que 4 Américains sur 10 n’avaient jamais entendu parler des deux aspirants vice-présidents avant le débat, selon un sondage ABC. Mais il aura au moins eu le mérite de donner une image plus apaisée de la campagne. Déclaré vainqueur par les observateurs et par un sondage de CNN, le colistier du milliardaire, le gouverneur républicain de l’Indiana Mike Pence, s’est montré mieux préparé que le sénateur démocrate de Virginie Tim Kaine. Ce dernier, pourtant réputé pour sa modération, s’est montré particulièrement agressif, ne cessant d’interrompre son adversaire. Mike Pence est apparu au contraire plus posé. Il est même allé jusqu’à prendre ses distances avec le candidat républicain sur le cas Poutine, pour qui Donald Trump ne cache pas son admiration, qualifiant le président russe de «petite brute». Preuve pour plusieurs éditorialistes que le gouverneur (ou un autre républicain modéré) aurait dû être nommé à la place de l’irascible Donald Trump, et aurait même été en position de gagner. Peu probable cependant que le duel influence les électeurs, qui devraient davantage se passionner pour le deuxième débat Clinton-Trump, organisé ce dimanche soir à St-Louis, dans le Missouri.

 

Le camp Trump trépignait d’impatience. Le spectre de la «surprise d’octobre» redoutée par les Démocrates et censée renverser le cours du scrutin continuera de planer, du moins pour encore quelques jours. Alors que WikiLeaks fêtait son 10e anniversaire cette semaine, son fondateur Julian Assange s’est contenté de promettre mardi de nouvelles révélations concernant l’élection présidentielle américaine, «avant le 8 novembre», jour du scrutin, comme l’explique ici notre journaliste Amaelle Guiton. Déception pour les Républicains, qui s’attendaient à une publication imminente de documents embarrassants pour l’ancienne secrétaire d’Etat : «Wednesday, Hillary Clinton is done» («Mercredi, Hillary Clinton est finie»), prédisait Roger Stone, conseiller du milliardaire, le week-end dernier, dans un tweet accompagné du hashtag #Wikileaks, avant de finalement se raviser sur le timing.

Accusé depuis la mise en ligne cet été de milliers de mails internes du Comité national démocrate (DNC), ce qui lui a valu d’être critiqué par ses soutiens historiques, de vouloir nuire à Hillary Clinton et de faire le jeu de son adversaire, Julian Assange a assuré, depuis l’ambassade d’Equateur à Londres, qu’il ne comptait jouer aucun «rôle partisan» dans l’élection. «Si nous obtenons des informations sur un candidat quel qu’il soit, nous les publierons», a-t-il juré. Reste que l’ex-hacker nourrit une rancœur non dissimulée pour la candidate démocrate, qui, lorsqu’elle était secrétaire d’Etat, a plaidé pour que WikiLeaks soit poursuivi pour espionnage. Il dénonce aussi régulièrement l’aveuglement des médias, le New York Times en tête, à l’égard de la candidate. L’organisation, dont le compte Twitter est *légèrement* focalisé sur Hillary Clinton, a d’ailleurs relayé lundi une information pour le moins douteuse, selon laquelle Hillary Clinton aurait appelé en 2010 à «balancer un drone» sur Julian Assange. Une rumeur en fait partie d’un site pro-républicain peu connu, True Pundit, relève le site de fact-checking Snopes.

Le camp républicain a beau avoir été ces dernières années hostile à l’organisation et à son fondation, ses soutiens américains y semblent aujourd’hui beaucoup plus nombreux que dans le camp démocrate, en témoignent plusieurs sondages en ligne lancés par WikiLeaks.

 

Donald Trump souffrirait-il de phobie administrative ? On pourrait le croire, après la nouvelle irrégularité pointée par la justice new-yorkaise à propos de sa fondation cette semaine. Déjà sous le coup d’une enquête pour soupçons d'«irrégularités», l’organisation caritative du candidat républicain a été sommée de cesser de recueillir des dons dans l’Etat de New York. D’après une lettre rendue publique lundi signée du procureur de l’Etat, l’organisation ne s’est pas correctement enregistrée auprès des autorités, et n’a jamais livré d’informations financières pourtant obligatoires.

La fondation était déjà sous surveillance, après une série de révélations du Washington Post. Selon le quotidien, Donald Trump ne lui verse plus un seul centime depuis 2008 - alors qu’il s’est pourtant vanté sa générosité lors de meetings. Surtout, le candidat républicain aurait utilisé l’organisation à des fins personnelles, en lui faisant notamment régler, toujours selon le Washington Post, 258 000 dollars d’indemnités destinées à solder des contentieux judiciaires. La fondation aurait également financé d’autres transactions pas vraiment à but caritatif, comme l’achat aux enchères pour la modique somme de 20 000 dollars d’un portrait géant de l’homme d’affaires ou pour 12 000 dollars d’un casque signé d’un footballeur américain. Des transactions destinées à Donald Trump pourraient aussi avoir atterri sur le compte de la fondation, défiscalisée.

Le New York Times s’est aussi intéressé aux impôts du magnat de l’immobilier, en révélant, le 1er octobre, qu’il pourrait ne pas s’être acquitté de taxes fédérales pendant 18 ans, après avoir enregistré plus de 900 millions de pertes en 1995. Evidemment, l’entourage du candidat s’est empressé de souligner qu’avoir recours à des niches fiscales n’avait rien d’illégal et prouvait au contraire le «génie» de Trump en matière de business. Une hypothèse impossible à vérifier puisque le candidat refuse toujours de publier la totalité de ses déclarations d’impôts, ce qui pourrait lui valoir de se mettre à dos certains de ses électeurs issus de la classe moyenne et alimenter leur défiance vis-à-vis de l’élite financière. Dans le Washington Post, des électeurs de l’Ohio s’interrogent également sur les compétences d’homme d’affaire de l’aspirant à la Maison Blanche, capable de perdre près d’un milliard de dollars en une année - alors qu’il répète pourtant à l’envi qu’il est en mesure de gérer l’économie américaine comme il gère son empire.

• La prise de position est assez rare pour être mentionnée : The Atlantic a appelé cette semaine ses lecteurs à voter pour Hillary Clinton, sa troisième consigne de vote seulement en plus de 150 ans d’existence - le magazine avait auparavant pris partie en faveur de Lincoln en 1860, et pour Johnson en 1964. Une décision motivée par la «menace» représentée par Donald Trump. Aucune consigne n’aurait été donné en cas de candidature des républicains Mitt Romney, John McCain ou George W. Bush, précise le magazine.

• On évoquait la semaine dernière de la vidéo diffusée par l’équipe d’Hillary Clinton reprenant en bande-son les propos machistes du candidat républicain en les apposant sur des images de jeunes filles. Le New York Times décrypte ici cette nouvelle tactique pour le moins efficace, utilisée par le camp démocrate dans ses trois dernières campagnes, et acclamée également par certains spécialistes de la communication du camp républicain.

• Vous pensez Hillary Clinton victime de sexisme ? Cela pourrait être pire une fois qu’elle sera à la Maison Blanche. Si elle est élue, la candidate démocrate pourrait être uniquement considérée pour son genre, comme Barack Obama le fut pour sa couleur de peau, explique Vox, dans un article (pas si pessimiste) à lire ici.

Juliette Deborde , Frédéric Autran Correspondant à New York

 

Source: liberation.fr

 

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