“Le dieu Argent, le premier terrorisme” selon le pape François
Impressionnant ce pape quand même…
Pape François: « Si je parle de violence islamique, je dois parler de violence catholique », par Jean-Marie Guénois
Source : Le Figaro, Jean-Marie Génois, 01/08/2016
Au retour des JMJ de Pologne, questionné dans l’avion par les journalistes, le pape François a expliqué sa vision des attentats perpétrés au nom de l’islam. Voici le texte intégral de sa réponse.
[…]
Ce qui a introduit une question sur le fait qu’il se refusait à parler d’islamistes ou de musulmans pour commenter des attentats pourtant commis au nom de l’islam, comme celui du Père Hamel, mais qu’il utilisait toujours le mot «terroristes».
«Je crois qu’il y a presque toujours dans toutes les religions un petit groupe de fondamentalistes. Nous en avons»
François a d’abord répondu: «Je n’aime pas parler de violence islamique, parce qu’en feuilletant les journaux je vois tous les jours que des violences, même en Italie: celui-là qui tue sa fiancée, tel autre qui tue sa belle-mère, et un autre… et ce sont des catholiques baptisés ! Ce sont des catholiques violents. Si je parle de violence islamique, je dois parler de violence catholique. Non, les musulmans ne sont pas tous violents, les catholiques ne sont pas tous violents. C’est comme dans la macédoine, il y a de tout… Il y a des violents de cette religion…»
Puis il a continué sur la question du fondamentalisme: «Une chose est vraie: je crois qu’il y a presque toujours dans toutes les religions un petit groupe de fondamentalistes. Nous en avons. Quand le fondamentalisme arrive à tuer… mais on peut tuer avec la langue comme le dit l’apôtre Jacques, ce n’est pas moi qui le dit. On peut aussi tuer avec le couteau, non?»
Pour conclure et redire le fond de sa pensée: «Je crois qu’il n’est pas juste d’identifier l’islam avec la violence, ce n’est pas juste et ce n’est pas vrai. J’ai eu un long dialogue avec le grand iman de l’université Al-Azhar et je sais ce qu’ils pensent. Ils cherchent la paix, la rencontre.»
[…]Ce qui l’a conduite à marteler une nouvelle fois sa pensée qui refuse tout amalgame entre violence et islam, ou islam et terrorisme: «Oui, nous pouvons dire que le soi-disant ISIS est un État islamique qui se présente comme violent. Quand ils présentent leur carte d’identité, ils font voir comment ils tuent les Égyptiens sur les côtes libyennes ou autre, mais ceci est un petit groupe fondamentaliste, qui s’appelle ISIS. Mais
on ne peut pas dire, ce n’est pas vrai et ce n’est pas juste, que l’islam soit terroriste.»
Relancé par une question sur l’initiative qu’il pourrait lancer de façon à aider l’islam à lutter contre ce phénomène, le pape François a répondu qu’il considérait plutôt «le dieu argent» comme «un terrorisme de base»: «Le terrorisme est partout. Pensez au terrorisme tribal dans certains pays africains. Le terrorisme est aussi… je ne sais pas si je peux le dire car c’est un peu dangereux, mais le terrorisme grandit lorsqu’il n’y a pas d’autre option. Et au centre de l’économie mondiale, il y a le Dieu argent, et non la personne, l’homme et la femme, voilà le premier terrorisme. Il a chassé la merveille de la création, l’homme et la femme, et il a mis là l’argent. Ceci est un terrorisme de base, contre toute l’humanité. Nous devons y réfléchir.»
[…]
Lire l’intégralité sur : Le Figaro
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“Le dieu Argent, le premier terrorisme” selon le pape François
Source : Le Nouvel Obs, Caroline Brizard, 15-08-2016
Face à la grande peur des attentats islamistes, le pape choisit de dénoncer le terrorisme de l’économie. Interview.
Rentrant le 1er août des Journées mondiales de la jeunesse à Cracovie, marquées par l’assassinat du prêtre français Jacques Hamel dans son église de Saint-Etienne –du-Rouvray, le Pape François a déclaré dans l’avion : “Au centre de l’économie mondiale, il y a le Dieu argent, et non la personne, l’homme et la femme, voilà le premier terrorisme”.
Cette déclaration lapidaire méritait quelques éclaircissements. Nous les avons demandés à Rémi Brague, philosophe et chrétien, spécialiste de la pensée médiévale arabe et juive.
La dénonciation de l’argent par l’Eglise est-elle une constante de l’histoire du Christianisme, depuis l’épisode des marchands du Temple chassés par le Christ, en passant par les figures de la pauvreté comme saint François d’Assise ?
– Oui et non. Les faits auxquels vous faites référence ont une signification religieuse ; leur sens économique et/ou politique est moins clair. Le geste de Jésus est avant tout prophétique. Sur le plan matériel, il se contente probablement de renverser une table ou deux. S’il en avait renversé davantage, la garnison romaine serait intervenue !
Il faut se remettre dans la Palestine du 1er siècle. Le Temple est un lieu où l’on sacrifie constamment des animaux, du bœuf à la colombe, une sorte de gigantesque abattoir où des Juifs apportent la monnaie dont ils se servent dans leur pays d’origine pour payer leurs achats. Il est à la fois une vaste animalerie et un bureau de change. Les “marchands” chassés du Temple par Jésus ne le sont pas parce qu’ils pratiquent le change, ou parce qu’ils procurent les bêtes à sacrifier, mais à cause du lieu où ils exercent leur métier, qui devrait avoir d’autres fonctions.
Le Christ n’accuse pas l’usage de l’argent, mais le culte qui est rendu, qui est de nature idolâtrique. Il dénonce le fait d’acheter ainsi la grâce de Dieu, et se replace dans la tradition des prophètes qui dénonçaient les sacrifices, parce qu’il ne remplaçaient pas la conversion des cœurs.
La réaction des gens du cru (les “Juifs”, c’est-à-dire les habitants de la Judée) est significative : ils ne protestent pas, ils ne sont pas choqués, mais ils demandent un “signe” – quelque chose qui légitime Jésus à agir ainsi- qui montre qu’il est bien lui aussi un prophète (Jean, 2, 18).
Quant à la pauvreté de Saint François, elle est avant tout un essai d’imiter la vie des douze apôtres qui menaient une vie errante, arpentant la Palestine de haut en bas, en ayant laissé leur métier qui de pêcheur, qui de fonctionnaire du fisc. Ils vivaient une existence précaire, suivant le Christ qui prêchait et dépendant de l’aide apportées par les populations qu’ils rencontraient. De la même façon, la pauvreté des ordres monastiques n’a pas valeur d’exemple. Elle ne représente pas un modèle économique.
On a pourtant l’impression que pour la religion catholique, l’argent incarne le mal…
L’argent représente plutôt un aspect tangible de ce qui est vraiment mal, à savoir ce que le Nouveau Testament appelle la “richesse“. Celle-ci n’est pas seulement matérielle, même si la richesse matérielle est plus visible.
C’est aussi la naissance, les relations, la situation sociale, l’influence, le savoir réel ou imaginaire, la possession d’une vision du monde “bétonnée”, au sens où l’on pense : “J’ai compris, je n’ai plus besoin d’apprendre”.
Etre plein de soi représente une manière de “richesse”, moins visible, mais aussi dangereuse. Bref, la richesse englobe tout ce qui empêche de reconnaître que l’on a besoin d’autrui et d’autre chose que soi, dont le grand Autre qu’est Dieu.
Le pape a le sens de la formule qui frappe. Peut-on vraiment parler d’un “terrorisme de l’argent” ?
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