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Doublée par sa droite par Sarkozy et Zemmour, Marine Le Pen choisit la "crédibilité"

 

PRÉSIDENTIELLE 2017 - Oubliée l'université d'été du FN, place aux Estivales de Marine Le Pen. Focalisée sur sa stratégie de dépassement d'un Front national jugé trop clivant pour l'emporter au second tour d'un scrutin présidentiel, la cheffe du parti d'extrême droite réunit les siens ce week-end à Fréjus, fief de son fraîchement nommé directeur de campagne David Rachline, pour une nouvelle séance de dédiabolisation collective.

Après sa rentrée à Brachay où sa formation politique avait déjà été reléguée au second plan, Marine Le Pen entend marteler le même mot d'ordre: cré-di-bi-li-té. Depuis le lieu (une base de loisirs en bord de Méditerranée) où doivent affluer jusqu'à 5000 sympathisants, jusqu'au programme studieux des festivités, tout a été pensé pour gommer l'image d'un mouvement sulfureux éloigné des réalités du pouvoir. A commencer par cette affiche de carte postale (mer bleu et aube rouge couleur d'espoir) et ce slogan positif tourné vers l'avenir "Vivement 2017!".

marine le pen

Du côté des intervenants, les cadres du FN (tous présents) ont là encore vocation à faire de la place aux invités extérieurs, gage de la volonté d'ouverture de la candidate à l'élection présidentielle. Très attendu, l'économiste anti-euro Jacques Sapir, jadis proche du Front de gauche, interviendra en vidéo tandis que le criminologue Xavier Raufer évoquera sur place "l'invisible désastre sécuritaire". Si tous n'ont pas officiellement rallié le FN, leur seule présence vise à casser l'image d'un FN infréquentable.

Le retour très à droite de Nicolas Sarkozy

Se crédibiliser soit, mais au risque d'en oublier les fondamentaux de l'extrême droite identitaire? Ce danger, purement théorique il y a encore quelques mois, a pris de la consistance avec l'entrée en campagne de Nicolas Sarkozy sur une tonalité ultra-droitière. Persuadé que sa défaite de 2012 fut liée à la défection des électeurs frontistes, l'ancien président de la République a choisi de centrer sa campagne des primaires sur des thématiques jadis accaparées par Jean-Marie Le Pen.

De la critique de l'Europe de Schengen au climatoscepticisme rampant jusqu'à la promesse (inconstitutionnelle) d'interner arbitrairement les jihadistes présumés au nom de la défense des Français et de l'identité nationale, Nicolas Sarkozy se dit prêt à engager un bras de fer avec l'Islam au moment même où la candidate frontiste tente au contraire d'introduire du consensus dans son discours.

La polémique du burkini a illustré les divergences tactiques de ces deux concurrents frontaux: tandis que Nicolas Sarkozy a opté pour une interdiction pure et simple, quitte à devoir remanier la Loi fondamentale, Marine Le Pen a préféré conserver sa vieille proposition visant à interdire tous les signes religieux ostensibles (kippa et grandes croix incluses) dans l'espace public. Une ligne radicalement laïcarde mais qui a profondément heurté la frange catholique de son électorat pour qui, à l'image de Marion Maréchal Le Pen, la France sera toujours chrétienne avant d'être musulmane.

"Je ne lutte pas contre l’islam, je ne lutte pas contre une religion. Moi, je lutte contre le fondamentalisme islamiste", assume Marine Le Pen, pariant sur la laïcité pour pleinement endosser son costume présidentiel. A l'ultra-sécuritarisme d'un Nicolas Sarkozy peu sourcilleux à l'égard des libertés fondamentales, la présidente du FN s'oppose désormais en bouclier de l'état de droit.

Un front Zemmour-Ménard

Drapée dans une posture républicaine intransigeante, la présidente du Front national s'expose néanmoins aux remontrances de l'aile identitaire de son propre camp, incarnée intellectuellement par le polémiste Eric Zemmour, dont elle conteste la théorie du grand remplacement, et politiquement par le maire de Béziers Robert Ménard, dont elle a réprouvé les propos sur "la France blanche et catholique".

Les deux hommes partagent peu ou prou la même détestation du frontisme dit "de gauche" porté par Florian Philippot. Et si, jusqu'ici, leurs critiques se sont concentrées sur le vice-président du FN, elles commencent à déteindre sur Marine Le Pen.

"Elle se trompe de combat, elle a vingt-cinq ans de retard. Le combat de la souveraineté n’est pas méprisable, il est indispensable. Sauf qu’une République islamique française pourrait être souveraine, mais ce ne serait plus la France", a récemment étrillé Eric Zemmour en accusant Marine Le Pen, une candidate "de gauche", d'être "complètement endoctrinée par Philippot', ce "cheval de Troie chevènementiste". Des critiques d'autant plus nuisibles que ce prophète de la guerre civile trouve une audience considérable dans les rangs de l'électorat de Marine Le Pen.

Une campagne de second tour avant l'heure

Encerclée par ces deux radicalités qui menacent son coeur de cible électoral, Marine Le Pen assume une prise de risque: celle de faire d'emblée une campagne de second tour en cherchant à rassembler bien au-delà de ses terres électorales. Cette stratégie doit beaucoup aux sondages: aucune enquête d'opinion ne lui prédit une élimination au soir du 23 avril et seule une candidature d'Alain Juppé la place pour l'heure en seconde position. En revanche, la candidate frontiste est donnée vaincue dans la plupart des cas au second tour. Raison de plus pour se détacher des fondamentaux de l'extrême droite, quitte à adresser quelques piqûres de rappel. Marine Le Pen préconise ainsi l'expulsion immédiate des étrangers soupçonnés d'accointances avec le milieu islamiste.

Contrairement à Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen peut miser sur un autre atout: celle-ci n'aura pas à passer par la centrifugeuse d'une primaire, synonyme de divisions exacerbées. Eric Zemmour ne sera pas candidat et Robert Ménard lui a réitéré son soutien. "On a une stabilité du socle électoral, notre candidate est systématiquement qualifiée pour le second tour, on est déjà unis, rassemblés, on est dans une situation politique où tout le monde vient sur nos thèmes" (terrorisme, immigration, sécurité, protectionnisme...), résume un dirigeant frontiste pour justifier la tonalité optimiste de la campagne qui s'annonce.

"Marine incarne un équilibre entre identitarisme intégral étroit et souverainisme intégral limité", dédramatise son compagnon Louis Aliot dans Le Monde, persuadé que sa candidate saura faire la synthèse entre toutes les droites nationales. Au FN, on fait même mine de croire qu'une victoire de Nicolas Sarkozy sur les thèmes lepénistes serait une aubaine.

Si Nicolas Sarkozy "est désigné aux primaires, il est tellement bas et affaibli qu'il nous donnerait une chance d'affronter François Hollande au second tour", pronostique Florian Philippot les yeux rivés sur les enquêtes d'opinion. La seule configuration dans laquelle Marine Le Pen serait effectivement en mesure de l'emporter au second tour de la présidentielle serait face à l'actuel président de la République.

 

Source: huffingtonpost.fr Geoffroy Clavel