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Arnold Joseph Toynbee: "la grande aventure de l'humanité"

Pierre Ratcliffe

2bLMsFU whoami.jpg Je consulte régulièrement ce livre fleuve (600 pages) de l'historien Arnold Joseph Toynbee. C'est un livre référence pour comprendre le système monde et son évolution, passée, présente et future.
Arnold Joseph Toynbee, unanimement considéré comme un des plus grands historiens du XXe siècle, nous donne ici sa version de l’histoire de l’humanité. Il fait le récit du destin de toutes les grandes civilisations : Sumer, l’Égypte, l’Amérique centrale, l’Inde, la Chine, Rome, la Perse, l’empire arabe, Byzance, les Mongols, la chrétienté occidentale sont passés en revue. Un récit vivant, exhaustif et précis, mené de main de maître par un des derniers grands humanistes, l’un des derniers à pouvoir brasser une telle somme d’informations. Des chapitres d’analyse et de réflexion figurent également, sur le destin des civilisations, leurs relations avec la technologie, avec les autres civilisations. Voir sa bio sur wikipedia. Arnold Joseph Toynbee ne doit pas être confondu avec Arnold Toynbee son oncle, qui était historien de l'économie britannique [lien].

Voici le table des matières du livre avec ses 82 chapitres [lien]

Voici le dernier chapitre du livre: "Retrospective", un chapitre qui en est le résumé.

Nous venons de dire que le futur, étant le futur, est indistinct; le passé est le passé et c'est pourquoi, dans la mesure où subsistent des documents de ce passé, les événements enregistrés sont immuables. Toutefois, ce passé immuable n'apparaît pas de la même manière toujours et partout. Il semble différent selon l'époque et l'endroit où l'on se trouve, et le tableau change également lorsque s'améliore ou se détériore la connaissance que nous avons des faits. Notre opinion sur les rapports mutuels des événements du passé, sur leur importance relative et sur leur signification réelle change constamment par suite du changement constant d'un présent fugitif. Le même passé vu du même pays par la même personne, d'abord en 1897 puis en 1973, présente déjà deux images différentes ; il ne fait aucun doute qu'un passé absolument identique paraîtra bien plus différent aux yeux d'un Chinois de 2073 et bien plus différent encore aux yeux d'un Nigérien de 2173.

Dans ce chapitre, l'auteur a recueilli, à titre purement documentaire, certains faits d'histoire qui lui paraissent significatifs en 1973 et susceptibles (par la plus hasardeuse des hypothèses) d'offrir la même apparence à des dates postérieures et en des endroits lointains.

Depuis l'humanisation de nos ancêtres, l'humanité a vécu toute sa vie jusqu'à nos jours — à l'exception d'une fraction infime, disons le seizième de la période totale — d'une manière que ne renieraient pas nos ancêtres du paléolithique inférieur: une bande d'humains vivant de la chasse et de la cueillette, aux effectifs réduits de façon à laisser beaucoup de champ libre aux autres bandes. A ce stade des techniques et de l'économie, une concentration démographique aurait été synonyme de famine. Au paléolithique inférieur, la technologie est restée quasi statique et chaque bande assez petite pour permettre à tous ses membres de se connaître personnellement. Tel a été le cadre de la vie sociale de l'homme jusqu'à une date récente.

Il y a peut-être 40 000 ans ou, au plus, 70 000, la technologie enregistre un progrès relativement soudain et rapide. L'événement est on ne peut mieux attesté par les découvertes archéologiques, bien que sa cause soit inconnue. Les outils du paléolithique inférieur font place, au paléolithique supérieur, à une série de perfectionnements. Dès lors, les techniques ne cesseront plus de progresser. Mais ce progrès n'est pas continu. L'invention technologique avance par bonds que séparent des intervalles de moindre créativité. Les bonds principaux, du paléolithique inférieur jusqu'à nos jours, ont été le paléolithique supérieur (amélioration des outils, invention de l'arc et de la flèche, domestication du chien), le néolithique (nouvelle amélioration des outils, domestication d'espèces animales et végétales plus nombreuses, enfin, invention du filage et du tissage ainsi que de la poterie), le cinquième millénaire avant notre ère (la voile, la roue, la métallurgie, l'écriture), enfin, la révolution industrielle (immense progrès de la mécanisation) commencée il y a deux siècles et toujours en train. La progression technologique ne s'est donc pas déroulée de façon continue mais elle a produit des effets cumulatifs. La perte d'une technique acquise est possible mais rare. Dans la région de la mer Egée, la technique de l'écriture se perd au XIIe siècle avant notre ère mais ce genre de phénomène représente l'exception.

Les techniques sont le seul champ de l'activité humaine où l'on marche ainsi de l'avant. Le bond du paléolithique inférieur à la mécanisation est plus qu'un pas de géant. Mais les hommes n'ont pas avancé du même pas sur le chemin de la sociabilité, bien que des progrès en ce domaine aient été provoqués par les modifications sociales qu'imposent à l'humanité des techniques meilleures.

Le plus important des progrès successifs de l'Homme jusqu'à nos jours a été la domestication d'autres animaux que le chien et l'invention de l'agriculture, à l'époque néolithique. L'agriculture et l'élevage ont donné leurs fondements mêmes à toute l'évolution technologique postérieure (y compris la révolution industrielle encore inachevée) et aux divers genres de vie de toutes les civilisations aujourd'hui parvenues au zénith, au déclin ou à la mort.

La communauté villageoise du néolithique rassemble un plus grand nombre de personnes que la bande d'humains vivant de la cueillette et de la chasse aux temps pré-agricoles. Elle n'est cependant pas encore nombreuse au point d'effacer les relations personnelles entre ses membres par des institutions impersonnelles. Par ailleurs, la technologie du néolithique n'est pas complexe au point d'exiger un niveau de spécialisation et une division du travail dépassant de beaucoup la différenciation physiologique entre les deux sexes. De plus, bien que la communauté villageoise du néolithique soit sédentaire, elle vit isolée des autres communautés villageoises par de plus ou moins grands espaces de terres vierges. Donc, malgré la modification profonde de l'environnement technique et économique intervenu entre le paléolithique supérieur et le néolithique, le degré de sociabilité auquel l'Homme s'est conditionné au cours de cet âge interminable qu'a été le paléolithique inférieur a pu répondre encore aux besoins du genre de vie existant au néolithique. C'est pourquoi, au ivs siècle avant,J.-C, plus d'un millénaire après que la Chine ait remplacé ce genre de vie par une véritable civilisation, les philosophes taoïstes de l'époque des Royaumes combattants évoquent le néolithique avec nostalgie. Leur propre époque les persuade que les progrès techniques postérieurs, de même que leurs conséquences sociales, ont été de purs malheurs.

En 1973, les paysans habitant des communautés villageoises du même style que celles du néolithique sont encore les plus nombreux parmi l'humanité aujourd'hui en vie, mais ils sont aussi de plus en plus nombreux à quitter les campagnes pour les bidonvilles qui encerclent les grandes cités tandis que, parallèlement, la mécanisation inventée pour le traitement de la matière inanimée dans les usines s'applique de plus en plus à l'agriculture et à l'élevage. De plus depuis 5000 ans l paysannerie de l'oikoumne doit entretenir une superstructure de civilisation et ploit sous le faix.

Cette situation commence à s'installer au quatrième millénaire avant notre ère, lorsque les progrès permettent à la production de dépasser pour la première fois le niveau de la simple subsistance, alors que le niveau de sociabilité que l'Homme a hérité du paléolithique se révèle moralement inadéquat pour une répartition bénéfique de ce surplus. Une partie a été gaspillée à faire la guerre ; le reste a été monopolisé par une minorité des membres de la société, alors que ce surplus est venu d'un effort collectif.

Les progrès techniques au quatrième millénaire avant notre ère ont exigé des spécialistes (des mineurs et des forgerons, comme des planificateurs, inspirateurs et organisateurs pour les travaux publics à grande échelle, par exemple le drainage et l'irrigation). Les spécialistes ont contribué davantage à la création du surplus que la majorité, non spécialisée, des travailleurs ; dès lors, une répartition inégale de la rémunération, bien que peu sympathique, n'est peut-être pas injuste en principe. De toute manière, elle est probablement inévitable si l'on considère que l'Homme, comme toute autre espèce vivante, fair preuve d'une cupidité innée et que la limite imposée à cette cupidité par le degré de sociabilité atteint au paléolithique inférieur est insuffisante. Mais l'« échelle » suivie dans la distribution du surplus prévoit des niveaux trop écartés pour qu'il n'y ait pas injustice; et ces différences tendent également à devenir héréditaires. L'injustice sociale et la guerre sont donc le prix à payer pour l'aisance collective. L'humanité d'aujourd'hui souffre toujours de ces deux maladies congénitales de la civilisation.

Depuis l'aube de la civilisation, on découvre une disparité de plus en plus grande entre les progrès techniques de l'Homme et ses réalisations sociales. L'évolution de la technologie, et surtout le dernier bond effectué pendant les deux siècles 1773-1973, a multiplié d'une manière inouïe la richesse et la puissance de l'Homme; le « fossé moral » séparant le pouvoir physique qu'a l'Homme de faire du mal et la capacité spirituelle qu'il a de discipliner ce pouvoir s'est élargi au point de bâiller comme les mâchoires mythiques de l'Enfer. Depuis 5 000 ans, l'existence de ce « fossé moral» pousse l'humanité à s'infliger à elle-même de véritables désastres.

L'insuffisance spirituelle de l'Homme a mis un frein à son progrès social et donc également à son progrès technologique ; car, au fur et à mesure que les techniques ont pris plus d'ampleur et plus de complexité, elles ont exigé plus de coopération sociale parmi ceux qui produisent la richesse. Depuis le début de notre civilisation industrielle, le machinisme pose une seconde limite aux progrès techniques. La mécanisation a rendu le travail industriel plus productif matériellement mais moins fécond psychologiquement, ce qui provoque l'insatisfaction des travailleurs et tend à faire décroître la qualité du travail.

La productivité augmente, dès les premiers temps de la civilisation, par le drainage et l'irrigation des jungles marécageuses dans les bassins inférieurs du Tigre, de l'Euphrate et du Nil. Ces travaux exigent une extension des opérations technologiques, laquelle exige à son tour une augmentation des effectifs des communautés, ce qui pousse ces dernières loin au-delà des limites d'une sociabilité fondée sur les relations personnelles entre les membres de la société. Lorsque les impératifs de la technologie forcent les fondateurs des premières civilisations à rassembler une main-d'oeuvre dépassant les frontières étroites des communautés antérieures à la civilisation, ils inventent un nouveau mécanisme social: les institutions impersonnelles. Ces dernières peuvent organiser des communautés plus grandes parce qu'elles peuvent engendrer la coopération entre des êtres humains qui n'ont aucune connaissance personnelle les uns des autres. Mais les relations sociales institutionalisées sont à la fois frigides et fragiles. Les êtres humains n'y ont jamais trouvé la même satisfaction morale que dans les relations personnelles. Les institutions courent en permanence le danger de perdre leur prise sur la population, ce qui entraîne leur écroulement ; en conséquence, les autorités responsables de leur maintien éprouvent en permanence la tentation de recourir à des moyens coercitifs pour remplacer la coopération volontaire que les institutions sont souvent bien en peine d'inspirer.

Depuis l'aube de la civilisation, les États représentent l'institution maîtresse de l'Homme —les États, au pluriel, car, jusqu'à ce jour, on n'a jamais connu d'État unique embrassant toutes les générations vivantes de l'humanité, partout sur le globe. Une multitude d'États ont toujours existé côte à côte et, au contraire des bandes du paléolithique comme des communautés villageoises du néolithique, les États vivant à l'âge des civilisations ne se sont pas isolés les uns des autres ; ils se sont heurtés les uns aux autres et leurs collisions ont précipité les guerres, l'une des maladies de la civilisation.

Le type usuel d'organisation étatique est dès lors l'État local souverain, juxtaposé à un certain nombre d'autres États du même genre ; on en compte environ 170 dans l'oikoumenè globale de notre époque; sa configuration politique est la même que celle de Sumer au troisième millénaire avant JC.

Les États locaux souverains sont une curieuse institution. Ils sont assis entre deux chaises. Même une cité-État, pour ne rien dire d'une nation-État et d'une fédération de cités-États ou de nation-États, est beaucoup trop étendue pour pouvoir se fonder socialement sur les relations personnelles où les êtres humains trouvent la satisfaction morale. D'autre part, l'État local le plus grand n'est toujours qu'un État parmi d'autres atteignant les mêmes dimensions. Il possède la capacité de faire la guerre mais non celle d'assurer la paix. A tous les endroits et à toutes les époques où plusieurs États locaux souverains se sont juxtaposés, ils se sont toujours fait la guerre et, dans le passé, ces conflits se sont toujours terminés sur une paix que vient imposer l'établissement de vive force d'un empire qui embrasse tout le secteur de l'oikoumenè constituant l'horizon des États locaux belligérants et désormais liquidés. La civilisation pharaonique se distingue des autres en ce qu'elle fut unie politiquement dès l'aube de son histoire, sans les interminables préliminaires des hostilités entre États locaux. Il est significatif de noter que cette civilisation fur la plus stable et la plus durable de toutes.

Aujourd'hui, notre juxtaposition mondiale d'États locaux souverains s'avère aussi incapable de maintenir la paix que de sauver la biosphère d'une pollution venue de l'homme, ou même d'économiser les ressources naturelles irremplaçables de ta biosphère. Cet oecuménisme de l'anarchie politique ne peut persister bien longtemps sans amener la ruine d'une oikoumenè déjà unifiée dans les domaines de la technologie et de l'économie. Ce dont nous avons besoin depuis 5 000 ans, ce qui est réalisable sinon politiquement du moins technologiquement depuis un siècle, c'est un corps politique global composé de cellules à l'échelle des communautés villageoises du néolithique —une échelle qui permet aux participants de se connaître de personne à personne mais où chacun d'eux sera, aussi, un citoyen de l'État mondial. Toutefois, l'oikoumenè ne peut plus aujourd'hui s'unifier politiquement par la méthode traditionnelle mais barbare et ruineuse de la conquête militaire. En 1945, une oikoumenè toujours divisée politiquement apprend sur un coup de tonnerre l'invention de l'arme atomique, une arme qui rendra désormais impossible l'unification. L'inévitable résultat d'une guerre mondiale nucléaire serait non pas l'unification mais l'annihilation.

L'histoire de Sumer, du monde hellénique, de la Chine et de l'Italie médiévale démontre qu'une mosaïque d'États locaux souverains ne saurait être qu'une configuration politique transitoire. A une époque où l'humanité maîtrise la puissance nucléaire, l'unification politique ne peut plus s'accomplir que par un acte volontaire collectif. Mais comme il ne fait aucun doute que cette acceptation sera pleine de réticences, il semble probable qu'il ne faille pas l'attendre avant le jour où l'humanité se sera plongée dans d'autres désastres, cette fois d'un tel ordre de grandeur qu'elle devra bien considérer l'union politique mondiale comme le moindre mal.

A ce point de notre histoire, nous, les hommes, pourrions éprouver la tentation d'envier les abeilles. Comme les autres insectes «sociaux», elles ont été conditionnées par la Nature à vivre dans une coopération totale. L'abeille, la fourmi ou le termite se consacrent et se sacrifient au service de leur communauté, et cette abnégation ne vient ni de leur volonté propre ni de pressions extérieures; elle est inhérente à la constitution psychologique de l'insecte. Il sera plus difficile à l'Homme, cet amphibien, de hausser son niveau de sociabilité depuis le minimum requis de lui, qu'il a atteint au cours du paléolithique inférieur, jusqu'à la sociabilité humaine transcendante capable d'embrasser l'ensemble de la biosphère; car l'Homme, au contraire du termite, de la fourmi et de l'abeille, n'est pas un simple organisme psychosomatique dont le sens social est l'une des composantes; c'est aussi une âme dotée d'une conscience et qui peut, et doit, effectuer des choix, en bien ou en mal.

Heureusement, la sociabilité de l'Homme ne s'enferme point dans l'horizon étroit des relations personnelles qui suffisaient aux sociétés humaines antérieures aux civilisations. L'être humain possède effectivement une capacité de compassion pour tout autre être humain qu'il trouve en détresse même si, pour employer une terminologie tribale, cet autre humain est un «étranger». Un être humain prendra pitié de tout malade, de tout enfant perdu, et viendra en aide a celui qui souffre. Dans des empires comme l'Empire chinois et l'Empire romain, où les gouvernements assimilaient leurs possessions à l'ensemble de l'oikoumenè, les divers sujets de ces gouvernements en sont venus, au fil des siècles, a se considérer non comme les victimes des conquérants étrangers mais comme les citoyens d'un État oecuménique. Les religions missionnaires dont l'objectif est d'évangéliser l'humanité entière pensent avec le philosophe chinois Mo-ti qu'un être humain doit porter à tous les autres le même amour et le même dévouement. Mencius, le plus grand interprète de Confucius, rejette le précepte de Mo-ti parce qu'inapplicable dans la réalité ; il défend l'idéal confucéen d'un ordre progressif des diverses loyautés ; mais l'expérience montre que l'amour inspiré par la connaissance personnelle et l'amour pour tous les êtres humains au titre d'une commune humanité ne représentent pas deux expressions de la sociabilité forcément incompatibles. En Inde, le champ de cette solidarité se rétrécit par suite des barrières de caste, mais il s'élargit également pour englober, outre les hommes, les créatures vivantes de toutes espèces. Dans l'oikoumenè qui vit a rage de la révolution industrielle, l'amour humain doit s'étendre it toutes les composantes de la biosphère, inanimées aussi bien qu'animées.

Telles sont en 1973 les réflexions d'un observateur britannique né en 1889. Quelles sont, en 1973, les réflexions de ses contemporains? Jusqu'a quel point ceux-ci prennent-ils conscience du passé? Et avec quelle vigueur appliquent-ils les leçons puisées dans l'étude de l'histoire ?

Évidemment, rares sont les hommes prêts à reconnaître que l'institution des États locaux souverains s'est, au cours des 5 00(1 dernières années, souvent révélée incapable de répondre aux besoins politiques de l'humanité et que, dans une société globale, cette institution est vouée à reprendre, cette fois plus que jamais, son caractère transitoire. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le nombre d'États locaux souverains dans l'oikoumenè a plus que doublé bien que, simultanément, toutes les fractions politiques divisées de l'humanité vivent dans une interdépendance de plus en plus étroite sur les plans technologique et économique.

Le peuple chinois qui jadis décrivait l'Empire de Chine comme «Tout ce qui est sous le Ciel » se résigne aujourd'hui à ne plus former qu'un État parmi d'autres qui se heurtent dans cette vaste arène que leur offre le monde. Implicitement, les Chinois ferment les yeux sur le sombre chapitre de leur histoire quand la Chine elle-même était l'arène de ses «États combattants» locaux. Par contre, les Chinois paraissent sensibilisés à l'histoire de leur pays depuis son unification politique en 221 avant JC; en effet, ils font d'énergiques efforts pour éviter que se reproduise le divorce entre l'administration et la paysannerie qui fut «la douleur de la Chine » depuis le règne de l'empereur Han Wou-ti.

Au lle siècle avant JC, cet empereur a inauguré le recrutement des fonctionnaires suivant le mérite et l'évaluation du mérite par le système de l'examen. L'administration impériale chinoise a été la meilleure de toute l'oikoumenè. Elle a donné la cohésion politique, la paix et l'ordre à plus d'êtres humains pendant plus d'années que toute autre administration partout ailleurs. Pourtant, en d'innombrables occasions, les fonctionnaires chinois ont trahi la confiance mise en eux, ils ont nui au pays par des abus de pouvoir à leur avantage personnel. Les dirigeants chinois ont pris des mesures pour éviter le retour de cette situation. Qu'ils récoltent plus de succès que les réformateurs chinois du passé, cela n'est pas sûr, mais il n'en reste pas moins que la vigueur de leur action actuelle est de bon augure.

Si les Chinois prennent à coeur la leçon des erreurs passées de la Chine et s'ils parviennent à ne pas retomber dans ces erreurs, ils peuvent rendre un grand service non seulement à leur propre pays mais à l'ensemble de l'humanité à ce stade crucial de son énigmatique destin.

L'Homme est un organisme psychosomatique habitant la biosphère qui enveloppe la surface de la planète Terre. A ce titre, il compte parmi les espèces de créatures vivantes à qui Notre Mère la Terre a donné le jour. Mais l'Homme est aussi esprit. A ce titre, il se trouve en communication — et pour le mystique, il s'identifie — avec une réalité spirituelle qui n'est pas de ce Monde. En tant qu'esprit, l'Homme possède la conscience, il distingue le bien du mal et, dans ses actes, il pose des choix. Dans le domaine éthique, ou les choix de l'Homme mènent soit au bien soit au mal, il aboutit à un solde moral débiteur-créditeur. Nous ne savons pas si ce compte se clôture lorsque s'achève l'éphémère existence de l'être humain ou si (comme le croient les hindous et les bouddhistes), il se prolonge au long d'une suite potentiellement infinie de réincarnations. Pour le réseau de relations entre humains vivants qui constitue la société, le compte est toujours ouvert et il le sera aussi longtemps que l'humanité permettra à la biosphère de rester habitable.

L'Homme va-t-il assassiner Notre Mère la Terre ou va-t-il la libérer? Il pourrait l'assassiner par l'abus d'une puissance technologique toujours croissante. Parallèlement, il pourrait la libérer en étouffant la cupidité agressive et suicidaire dont toutes les créatures vivantes, y compris l'Homme lui-même, paient le don de la vie fait par la Grande Mère. Telle est l'énigmatique question à laquelle l'Homme est maintenant confronté.

  • Avant-propos
  • 1 Les énigmes que posent les phénomènes
  • 2 La biosphère
  • 3 L'ascendance de l'homme
  • 4 L'oikoumenè
  • 5 Révolutions technologiques, 70 000/40 000 — 30(X) avant J.-C.
  • 6 La mise en exploitation de la plaine du Tigre et de l'Euphrate et la création de la civilisation sumérienne
  • 7 La mise en exploitation de la plaine du Nil et la création de la civilisation pharaonique
  • 8 Summer et Accad, 3000-2230 avant J.-C. environ
  • 9 L'Egypte pharaonique, 3000-2181 avant J,-C environ
  • 10 L'horizon oecuménique, vers 2500-2000 avant J.-C.
  • 11 L'oikoumenè dans l'Ancien Monde, 2140-1730 avant J.-C.
  • 12 La domestication du cheval et l'invention du nomadisme pastoral dans la steppe eurasienne
  • 13 Les relations entre les civilisations régionales, de 1730 à 1250 avant J.-C.
  • 14 La Volkerwanderung de l'Ancien Monde,
  • de 1250 à 950 avant J.-C.
  • 15 La naissance de la civilisation olmèque» en Amérique centrale
  • 16 Le monde suméro-accadien et l'Égypte, de 950 à 745 avant J.-C.
  • 17 La civilisation syrienne, de 1191 à 745 avant J.-C.
  • 18 La civilisation hellénique, de 1050 à 750 avant J,-C.
  • 19 La civilisation indienne (hindoue) de 1000 à 600 avant JC.
  • 20 La civilisation chinoise, de 1027 à 506 avant
  • 21 Les civilisations d'Amérique centrale et des Andes, de 800 à 400 avant J.-C.
  • 22 La dernière poussée du militarisme assyrien (745-605 avant J.-C.) et l'invasion des nomades de la steppe
  • 23 Les conséquences du militarisme assyrien 605-522 avant J.-C.
  • 24 La civilisation hellénique, de 750 à 507 avant J.-C.
  • 25 Nouveaux départs de la vie spirituelle, entre 600 et 480 avant J.-C.
  • 26 Le premier Empire perse, de 550 à 330 avant J.-C.
  • 27 La confrontation du premier Empire perse et du monde hellénique, de 499 à 330 avant J.-C.
  • 28 Les réalisations culturelles de la civilisation hellénique, de 478 à 338 avant J.-C.
  • 29 Les conséquences politiques du renversement du premier Empire perse par Alexandre, de 329 à 221 avant J.-C.
  • 30 Le développement et la diffusion de la civilisation hellénique, de 334 à 221 avant J.-C.
  • 31 La Chine des Royaumes Combattants de 506 à 221 avant J.C.
  • 32 La rivalité des philosophies en Chine de 506 à 221 avant J.-C.
  • 33 La civilisation indienne, de 600 à 200 avant J.-C.
  • 34 La lutte pour la domination de la Méditerranée occidentale, de 600 à 221 avant J.-C.
  • 35 L'Empire des Ts'in et des Han occidentaux en Chine, de 221 avant à 9 après J.-C.
  • 36 Le bassin méditerranéen, l'Asie du Sud-Ouest et l'Inde, de 221 avant à 48 après J.-C.
  • 37 Les Empires chinois, kouchan, parthe et romain, de 31 avant à 220 après J.-C.
  • 38 Les religions et les philosophies de l'Ancien Monde, de 334 avant à 220 après J.-C.
  • 39 Les civilisations d'Amérique centrale et des Andes, vers 400 avant J.-C. - 300 après J.-C.
  • 40 Les limites occidentales de l'oikoumenè de l'Ancien Monde, 220-395
  • 41 La civilisation indienne, vers 224-490
  • 42 L'irruption des Huns dans la steppe eurasienne aux IVe et Ve siècles
  • 43 Les Empires romain et perse, 395 - 628
  • 44 La chrétienté occidentale, 395-634
  • 45 L'établissement et le démembrement de l'Eglise chrétienne, 312-657
  • 46 La civilisation indienne, 490-647
  • 47 La dislocation politique de la Chine et son accueil du bouddhisme, 220-589
  • 48 Les civilisations d'Amérique centrale et des Andes, vers 300-900
  • 49 Mahomet, le prophète et l'homme d'Etat, vers 570-632
  • 50 L'expansion de l'État islamique, 633-750
  • 51 Le rajeunissement de l'Empire romain d'Orient, 628-726
  • 52 La chrétienté occidentale, 634-756
  • 53 L'Asie orientale, 589-763
  • 54 Le monde islamique, 750-945
  • 55 La civilisation byzantine, 726-927/928
  • 56 La chrétienté occidentale, 756-911
  • 57 L'invasion des Normands, 793-1000
  • 58 L'Inde et le Sud-Est asiatique, 647-1202
  • 59 L'Asie orientale, 763-1126
  • 60 Les civilisations d'Amérique centrale et des Andes, vers 900-1428
  • 61 Le monde islamique, 945-1110
  • 62 Le monde byzantin, 927/928-1071
  • 63 La chrétienté occidentale, 911-1099
  • 64 Le monde islamique, 1110-1291
  • 65 Le monde byzantin, 1071-1240
  • 66 La chrétienté occidentale, 1099-1321
  • 67 L'Asie orientale, 1126-1281
  • 68 Les Mongols et leurs successeurs
  • 69 Le monde islamique, 1291-1555
  • 70 La chrétienté orthodoxe, 1291-1556
  • 71 La chrétienté occidentale, 1321-1563
  • 72 Le Sud-Est asiatique, 1190-1511
  • 73 L'Asie orientale, 1281-1644
  • 74 Les civilisations d'Amérique centrale et des Andes, 1428-1519
  • 75 L'oikoumenè unique, 1405-1652
  • 76 La chrétienté occidentale, 1563-1763
  • 77 La chrétienté orthodoxe, 1556-1768
  • 78 Le monde islamique, 1555-1768
  • 79 L'Asie orientale, 1644-1839
  • 80 La biosphère, 1763-1871
  • 81 La biosphère depuis 1871
  • 82 Rétrospective
  • Cartes

Source: pratclif.com