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Rencontre: Il y a plus d'un an, Samer a perdu ses racines... Son pays.

Réfugié en France, l'homme vit aujourd'hui à Fréjus. Avec sa femme et ses enfants, il tente de reconstruire sa vie



Son regard se perd soudain la dans le vague. D'un geste lent, il tourne et retourne sa tasse ale café. Ressasse le souvenir de ses années passées en Syrie... Un moment douloureux pour Saurer Samman. À 56 ans, ce père de famille, réfugié en France depuis plus d'un an, revient de loin. Et bien qu'il préfère se tourner vers l'avenir, Saurer porte en lui d'inguérissables blessures, liées à un passé qu'il accepte aujourd'hui de partager.

L'homme avale alors une gorgée de café, puis deux... Ferme les yeux et se lance. Péniblement. Ma famille et moi vivions bien en Syrie. C'était la belle époque... Avant la guerre. Ma femme, Maysa, était artiste peintre. Et
moi responsable logistique dans une grande firme syrienne spécialisée dans l'électricité. Nous possédions un appartement dans le quartier de Mazraa, a Damas, ainsi qu'une maison de campagne. Nos enfants étaient épanouis.

Samer marque une pause. Lève les yeux puis reprend, la gorge nouée: J'aime mon pays. Jamais je n'aurais pensé le quitter un jour. Et pourtant... Tout commence ce fameux 15 mars 2011. Un mardi, se souvient Samer. Jour où le pays commence à basculer dans la contestation. Le début du calvaire, pour les Samman comme pour des milliers de leurs compatriotes.

Résolument apolitiques, Samer et sa famille ne prennent pas part à la vague révolutionnaire qui se forme contre le président en place, Bachar el-Assad. Mais sont néanmoins très vite rattrapés par la réalité d'une guerre civile naissante, encore active à ce jour.

Au cœur de Damas, la situation a rapidement empoisonné notre quotidien. Fréquentes coupures d'eau et d'électricité. scènes de cornbat parfois sous nos yeux, attentats suicides et bombardements en pleine nuit... Samer ne peut oublier. Dans sa mémoire. les détails refont surface. Si durs. qu'ils en deviennent indicibles.

Les mots laissent alors place au silence. Seul le regard parle... Empli d'émotions.

Dans un souffle, relevant la tête, Samer finit par lâcher: Ces souvenirs sont vraiment difficiles, mais ils ne prendront jamais le pas sur les bons...  Et cela par amour du pays. Un amour infaillible. dont le Syrien a fait preuve toute sa vie. Jusqu'au jour où, en mars 2015, sa maison familiale devient l'une des cibles des bombardements. Quitter le pays n'était plus une option, mais bien une obligation. Pour notre sécurité.
Une décision déchirante pour tous qui, loin de les apaiser, les replonge en enfer... Celui qui les mène tout droit sur la route de la survie. Le ler avril, précisément. Samer, sa femme Maysa et leurs enfants, Jury Il ans
et Mohamad 14 ans, quittent donc Damas. Un départ qu'ils savent sans retour.

Munis de nos passeports syriens, nous avons regagné le Liban le jour même, en avion. Une fois arrivés à Beyrouth. nous avons ensuite rejoint Istanbul, où nous sommes restés trois semaines. Puis nous avons rallié Izmir et Bodrum à l'ouest de la Turquie, en bus.

Mais lorsqu'il évoque sa traversée en mer jusqu'à l'Île de Kos en Grèce, Samer retient ses larmes...
Nous étions, ma femme, mes enfants et moi, à bord d'un zodiac mal gonflé. aux côtés de 42 autres personnes. Il était plus de minuit. L'eau était glacée... Et la police turque nous poursuivait dans l'espoir de nous ramener en arrière vers les rives. Nous faisant frôler la mort, alors même que notre espoir à nous était de retrouver une vie normale. Rien de plus...

Samer se prend alors la tête entre les mains. Des larmes perlent sur ses joues. Souvenir d'une nuit terrible... Au terme de laquelle, la famille Samman a pu enfin entrevoir la fin du calvaire. Après Kos, tous se retrouvent en effet à Athènes, avant de s'envoler pour Nantes et de rejoindre Cogolin, où un ami de la famille s'apprête à les accueillir.

Tout cela nous a coûté plus de 20000€... Quand nous sommes arrivés dans le Var le 2 mai 2015, il ne nous restait plus que 20€ en poche. Mais heureusement, notre ami nous a beaucoup aidés, et la chance a fini par nous sourire... Grâce à l'office français de l'immigration et de l'intégration (0FII), et au soutien d'associations locales, nous avons pu trouver un logement à Fréjus.

Et aujourd'hui, Samer a retrouvé une vie normale... Tous les matins, il accompagne ses enfants n l'école,
avant de  partir travailler au domaine de la Bergerie, à Roquebrune-sur-Argens. Là bas, Samer y occupe un poste de placier. Un job saisonnier qu'il a pu décrocher via Pôle Emploi, suite à l'obtention de son statut de réfugié syrien, fin 2015.

Depuis, l'homme dit aller beaucoup mieux., et refuse de regarder en arrière... Même si le contact avec la Syrie n'est pas entièrement coupé: Mes frères et sœurs, restés au pays, me donnent régulièrement des nouvelles. Je n'oublierai jamais d'où je viens. mais j'ai fait le choix de sauver ma famille, et de lui assurer un avenir meilleur. Désormais. nous regardons devant....

D'autant plus aisément que Samer le reconnaît: Partout où nous allons, nous sommes toujours bien accueillis. Jamais de mauvais regards, ou de mauvaises paroles sur nos origines. Un constat qui fait chaud au ooeur, a fortiori dans un contexte actuel des plus tendus, sur lequel Samer tient à réagir. Non pas en tant que réfugié syrien mais en tant qu'homme de confession musulmane...

Le plus important aujourd'hui est de ne pas tomber dans l'amalgame, de ne pas céder aux tentatives de division. Pour y parvenir, je pense qu'il faut regarder l'être humain en tant que tel. Car, avant d'être chrétiens, musulmans, juifs ou autre, nous sommes surtout des hommes. Tous membres de cette grande famille qu'est l'humanité. C'est donc en tant qu'homme, que chacun doit être condamné pour ses mauvaises actions. Sans que
ne soient pointés du doigt tous ceux qui auraient la même origine, ou la même appartenance religieuse...  Une conviction que Samer Samman porte dans son cœur. Un cœur d'homme, blessé par la vie mais plus vivant que jamais!

Source: CARINE BEKKACHE cbekkache@nicematin.fr 30/07/2016

 

Merci à Carine  Bekkache d'avoir recueilli ce témoignage.

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