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Attentat de Nice: "J'ai dansé et ri avec Mohamed, aujourd'hui je me sens salie"

 

J'ai connu Mohamed, l'auteur de l'attentat de Nice, à mon cours de salsa en 2012. Tout se passait très bien lorsqu'il est arrivé. Il s'est facilement intégré au groupe. C'était un jeune homme souriant et sympathique, plein de bonne volonté pour apprendre à danser. Il venait au cours assidûment et ne manquait jamais un stage. Il avait envie et il aimait ça. 

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Parfois, il s'énervait un peu lorsqu'il ne comprenait pas un pas, mais ça n'allait jamais plus loin.  

Un "chaud lapin" un peu lourd

Tout le monde l'appréciait, même si c'était un "chaud lapin". Il aimait draguer, il adorait la compagnie des femmes. Il leur parlait beaucoup, leur souriait. Je dansais beaucoup avec lui et, par moment, il était un peu lourd. Il me disait que je lui plaisais, me parlait de mes yeux, me faisait des compliments très flatteurs sur les réseaux sociaux jusqu'à ce que mon futur mari -que je commençais alors à fréquenter- mette fin à son petit jeu. 

A l'époque, on ne savait rien de sa vie. Lorsque j'ai entendu qu'il avait été marié et qu'il avait trois enfants, je n'en revenais pas. Personne ne s'en serait douté. Nous avons tout découvert à la télévision. 

"Quand je me couche, je vois son visage"

Au début, je n'avais pas voulu y croire. Lorsque la première photo du terroriste a été diffusée, mon mari m'a fait remarquer la ressemblance avec Mohamed. De mon côté, je ne la voyais pas. Ce n'était pas le Momo que je connaissais sur cette carte d'identité. Ce n'est que plus tard, quand il est apparu à la télévision dans son col roulé blanc, que j'ai réalisé que c'était lui. Soudain, c'était l'horreur... 

Je me suis sentie salie. J'avais dansé, ri et chanté avec l'homme à l'origine de cette barbarie. Nous avions passé beaucoup de temps ensemble, bu des pots après nos séances de danse, pendant deux ans. Comme les autres élèves du cours de salsa, je l'avais connu de près. Désormais, il faut vivre avec ces souvenirs. 

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Quand je me couche le soir, je vois son visage. Et quand j'allume ma télévision, c'est pareil. Il me hante. Je vais avoir du mal à passer à autre chose. Aujourd'hui, il faut que je mette des mots sur ma douleur. J'essaie d'écrire et d'en parler avec mon mari. Je suis moi-même mère et grand-mère: je peux imaginer la souffrance de toutes les familles bouleversées par ce drame. 

"Il nous a volé un rêve"

Hier, j'ai retrouvé les anciens du cours de salsa pour en parler avec eux. Les regards se sont croisés, ils étaient tristes et choqués à la fois. J'avais envie d'en discuter plus longuement, mais personne ne se sentait à l'aise avec le sujet. Nous étions tous abasourdis. Nous l'avions côtoyé si longtemps sans nous rendre compte de rien.  

Nous étions contents de nous revoir: l'atmosphère était difficile et agréable à la fois. Le groupe qui l'avait bien connu oscillait entre rire et confusion. Ceux qui l'avaient rencontré plus tard ne disaient pas un mot. Personne ne sait comment réagir face à l'atrocité d'un homme qui a commis des horreurs sans état d'âme. C'est un monstre... Et encore, tous les mots que je peux lui attribuer ne sont pas assez forts pour décrire ce qu'il a fait.  

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Il nous a volé un rêve: celui de croire à un monde uni, paisible. Il a installé un doute chez moi. Je ne pourrai plus vivre en paix: chaque fois que je croiserai une nouvelle personne, je ne pourrai m'empêcher de rester sur mes gardes; chaque fois que je serai dehors, en terrasse, je ne serai pas tranquille. C'est sûr, je n'oublierai jamais. 

Source: lexpress.fr