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L’Institut mutualiste Montsouris, un hôpital parisien à but non lucratif, placé en redressement judiciaire

L’établissement mutualiste du 14ᵉ arrondissement se retrouve dans l’impasse, après des années de difficultés financières. Les médecins font part de leur incompréhension face à l’absence de réaction de l’Etat pour aider ce grand hôpital privé à but non lucratif qui remplit un service public.

Par Camille Stromboni

 

A l’Institut mutualiste Montsouris, à Paris, le 21 avril 2021. 
 A l’Institut mutualiste Montsouris, à Paris, le 21 avril 2021. THOMAS SAMSON/AFP

 

La décision du tribunal des activités économiques de Paris (ex-tribunal de commerce) est tombée, lundi 3 février : en grande difficulté financière, l’Institut mutualiste Montsouris (IMM), hôpital parisien privé du 14e arrondissement, a été placé en redressement judiciaire, a annoncé l’établissement de santé. Une procédure qui touche un hôpital d’importance dans l’offre de soins du sud de la capitale, avec ses 485 lits en médecine, chirurgie, obstétrique et psychiatrie. Un établissement dont la forme est hybride, puisque l’IMM appartient au secteur privé, mais à but non lucratif, avec le statut d’établissement de santé privé d’intérêt collectif, qui le rapproche fortement des hôpitaux publics. Des mutuelles (réunies au sein de la Mutualité fonction publique action santé social) sont à la tête de la structure propriétaire de l’hôpital, mais aucun dépassement d’honoraire n’y est pratiqué, ses médecins sont salariés (1 470 personnels soignants et administratifs, dont 270 médecins), et il dispose du statut hospitalo-universitaire.

Dans un communiqué publié lundi 3 février, l’union mutualiste à la tête de l’IMM assure que « l’établissement restera pleinement opérationnel et continuera à assurer avec le même niveau de qualité les missions de service public qui lui sont confiées ». « La période qui s’ouvre permettra à l’hôpital de bénéficier d’un délai légal pour élaborer un plan de redressement solide », indique-t-elle également.

 

Comment l’hôpital francilien s’est-il retrouvé dans une telle situation ? « Après des années de difficultés financières, c’est la première fois que nous sommes conduits à cette extrémité, indique le directeur, Jean-Michel Gayraud. Nous sommes financés selon les mêmes règles que l’hôpital public, via le système de la tarification à l’activité, avec des tarifs légèrement minorés, depuis vingt ans, et notre problème de financement remonte à la même époque. La construction de l’hôpital, au début des années 2000, n’a jamais été financée, nous avons une dette historique liée à cette question immobilière. »

 

Les aides apportées par l’Etat, au fil de l’eau, ou par les mutuelles gestionnaires de l’établissement, n’ont jamais permis d’apurer les comptes. Chaque année, il faut trouver environ 8 millions d’euros, selon le directeur de l’établissement, pour la dette immobilière – pour un budget de 250 millions d’euros. « Ce n’est pas une question de mauvaise gestion », écarte-t-il, alors que le déficit a atteint, en 2024, plus de 10 millions d’euros.

« Désastre sanitaire »

Sont venues s’ajouter, ces deux dernières années, comme dans de nombreux centres hospitaliers, l’explosion de l’inflation, ainsi que les revalorisations des personnels hospitaliers à financer, dans les deux cas pas totalement compensées par la puissance publique. « Nous sommes dans l’impasse. Nous avions demandé 6 millions d’euros aux pouvoirs publics pour 2024, qui ont refusé », reprend le directeur, qui se veut néanmoins confiant sur les « solutions » qui pourront être trouvées au cours de cette procédure judiciaire. Elles pourraient passer par des regroupements avec d’autres établissements de même statut – un rapprochement avec l’hôpital Saint-Joseph, envisagé ces derniers mois, a finalement été abandonné à ce stade. « Mais le problème, étant donné le niveau des sommes en jeu, seul l’Etat peut le régler », estime M. Gayraud.

Dans la communauté médicale, l’inquiétude monte et l’incompréhension domine, comme l’ont signifié dans une lettre 240 médecins signataires – soit la quasi-totalité du corps médical de l’institut. « Nous sommes déstabilisés, témoigne le professeur Marc Beaussier, président de la commission médicale d’établissement. Depuis la sortie de la crise du Covid-19, nous avons tout fait pour que l’activité reprenne, elle est dynamique et en croissance [+ 30 % sur ces deux dernières années]. » Avec 55 000 séjours hospitaliers, et 250 000 consultations par an, l’établissement a retrouvé son activité d’avant-crise, et même au-delà. « Une fermeture de l’IMM est inimaginable, reprend-il. Nous assurons un service public, notre qualité médicale est largement reconnue… pourquoi nous laisse-t-on dans cette situation ? »

Dans l’arène politique, le député La France insoumise de la circonscription, Rodrigo Arenas, s’est emparé de la question, interpellant le gouvernement dans une question écrite adressée au ministère de la santé, fin octobre, sur le « désastre sanitaire à l’échelle de la région parisienne » que représenterait la fermeture de l’IMM, pointant du doigt, notamment, les 2 000 accouchements qui y sont pris en charge. Une pétition en ligne pour « sauver » l’établissement, a réuni, début février, quelque 4 000 signatures.

Procédure « assez exceptionnelle »

Du côté du ministère de la santé, on ne souhaite pas s’exprimer. L’Agence régionale de santé d’Ile-de-France, qui a reçu une délégation de médecins de l’hôpital en janvier, assure, par écrit, être « très attachée au maintien de l’offre de soins de l’IMM, essentielle sur la place francilienne », tout en rappelant « l’accompagnement financier important » qu’elle a apporté à l’établissement ces dernières années. « La situation actuelle montre que ces aides ponctuelles ne sont plus suffisantes et qu’une solution structurelle durable doit être trouvée », estime l’agence, qui indique qu’elle acceptera « d’étudier sa participation à un plan global assurant un avenir à l’IMM », avec des « repreneurs potentiels ».

Dans le monde des hôpitaux privés non lucratifs, il s’agit d’une procédure « assez exceptionnelle », reconnaît Arnaud Joan-Grangé, de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires, qui représente notamment un millier d’établissements de santé associatifs non lucratifs, dont 135 en médecine, chirurgie et obstétrique. « Nous rencontrons, comme les centres hospitaliers publics, des tensions financières majeures, mais à la différence du public, nos établissements sont de droit privé, et donc ils sont mortels. » Le responsable ne manque pas de rappeler cet « impératif de restructuration très fort, pour assurer l’équilibre financier tout en continuant à répondre aux besoins d’un territoire » pesant sur ces établissements.

Le tribunal a fixé à l’IMM une période d’observation de six mois, renouvelable deux fois.