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Comment les déchets ont envahi tous les milieux : la folle histoire du « poubellocène »

Par Claire Legros, le 02 février 2024 

Enquête Alors qu’ils n’existaient pas jusqu’à la fin du XIXᵉ siècle, les déchets ont colonisé le vivant. Au-delà des défis techniques qu’ils soulèvent, ils sont devenus un terrain d’enquête pour les sciences humaines, qui s’attachent à éclairer les systèmes et les mythes à la source de leur production.

Ils sont devenus les compagnons familiers de nos destinées modernes. Abandonnés sur les plages, prisonniers des glaciers ou concentrés en gigantesques vortex dans les océans, les déchets ont envahi tous les milieux, colonisé jusqu’au vivant. Microscopiques ou encombrants, à l’état solide, liquide ou gazeux, ils tracent sur les mers de nouveaux chemins mondialisés, saturent les airs et les sols, investissent désormais l’espace. Parfois qualifiés d’« ultimes » ou de « polluants éternels », ils s’imposent dans nos assiettes, notre eau potable, et jusqu’à la pointe de nos cheveux.

 

Les chiffres donnent le vertige. La production annuelle de déchets solides a dépassé les 2 milliards de tonnes dans le monde et devrait atteindre 3,4 milliards en 2050, alerte la Banque mondiale. Celle des plastiques a doublé en vingt ans, estime l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont les deux tiers sont « mis en décharge, incinérés ou rejetés dans l’environnement ».

 

Si cette omniprésence affecte directement la santé humaine et celle des écosystèmes, elle marque aussi l’empreinte indélébile des activités humaines sur la Terre. Depuis les premiers amas laissés à l’entrée des grottes, témoins de sa sédentarisation, les détritus racontent l’histoire d’Homo sapiens. Désormais, ils attestent aussi de l’entrée dans l’anthropocène, ce moment où l’espèce humaine a commencé à modifier les conditions d’existence sur la Terre, se muant en force tellurique, au même titre que le Soleil ou la tectonique des plaques, et ouvrant ainsi une nouvelle ère géologique.

Symptôme d’un système malade

Les chercheurs de l’Union internationale des sciences géologiques hésitent encore sur la date de ce tournant. Faut-il prendre en compte les concentrations gazeuses de CO2 des débuts de la révolution industrielle, les traces radioactives des explosions nucléaires de la seconde moitié du XXe siècle ou bien l’apparition plus récente des plastiglomérats, ces roches de plastique constituées de matières de synthèse, parfois agrégées à du sable, des coquillages ou des coraux ? « Quelle que soit la date reconnue, les géologues s’accordent pour fonder la preuve indubitable du basculement sur l’accumulation des restes des activités humaines dans les strates de la couche supérieure de la planète », constate le sociologue Baptiste Monsaingeon. Dans son livre Homo detritus. Critique de la société du déchet (Seuil, 2017), il propose le terme « poubellocène » pour décrire cette nouvelle ère du déchet.

Dans ce paysage de désolation, le recyclage est devenu l’alpha et l’oméga des politiques publiques, la promesse verte d’un avenir meilleur. En France, la dernière décision en date concerne l’organisation de la collecte des biodéchets par les collectivités, obligatoire depuis le 1er janvier. En moins de trente ans, nos poubelles se sont transformées en mines de « matières premières urbaines », constate l’urbaniste, historienne des techniques et de l’environnement, Sabine Barles. Mais cette « ruée vers l’ordure », selon la formule de l’urbaniste Jérémie Cavé (Conflits dans les mines urbaines de déchets, Presses universitaires de Rennes, 2015), soulève aussi des questions. L’économie circulaire peut-elle venir à bout de ce gisement renouvelé chaque jour ? Suffit-il de mieux gérer les déchets pour pouvoir continuer à en produire ? A moins qu’il ne faille y voir le symptôme d’un système malade qu’il serait temps de repenser.

 

Alors que le sujet était jusque-là plutôt cantonné aux sciences de l’ingénieur ou à la logistique urbaine, la recherche en sciences humaines a fait de la question des déchets un nouveau terrain d’enquête. La rudologie (du latin rudus, « décombres, masse non travaillée »), science des ordures, inventée par le géographe Jean Gouhier, a ouvert la voie, dans les années 1970, pour raconter la vie des territoires à partir de la production des détritus. Mais c’est surtout depuis une quinzaine d’années que les travaux se multiplient dans une perspective critique et pluridisciplinaire.

A la croisée de l’intime et du collectif

Philosophes, géographes, sociologues, historiens, urbanistes et anthropologues y explorent les représentations culturelles des restes et des rejets, les enjeux moraux qui s’y rattachent, les luttes de pouvoir et les inégalités sociales qui traversent l’histoire de leur production et de leur prise en charge. Car le déchet, à la croisée de l’intime et du collectif, est une affaire d’affect autant que de technique et surtout un « matériau politique, par sa présence dans l’espace public et ses effets, mais aussi par les choix qu’il impose », souligne la socio-anthropologue Nathalie Ortar, l’une des coordinatrices de l’ouvrage collectif Jeux de pouvoir dans nos poubelles. Economies morales et politiques du recyclage au tournant du XXIe siècle(Petra, 2017).

 

Parfois rattachées aux discard studies (« études des rejets », en anglais), courant académique né aux Etats-Unis dans les années 2010, ces recherches s’intéressent moins à l’archéologie des détritus ou aux défis techniques qu’ils soulèvent qu’aux sources profondes de leur production massive, aux « systèmes sociaux, économiques, politiques, culturels et matériels plus larges » qui en sont à l’origine, explique l’universitaire et activiste Max Liboiron, qui a cofondé le mouvement. Des systèmes qui, pour l’essentiel, se sont mis en place au cours des deux derniers siècles.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, en effet, la notion de déchet telle qu’on l’entend aujourd’hui n’existe pas. « Le mot [qui vient du verbe “choir”] désigne ce qu’on n’utilise pas dans la fabrication ou la transformation d’un objet, comme les chutes de tissu lors de la confection d’un vêtement », explique Sabine Barles, autrice de L’Invention des déchets urbains. France : 1790-1970 (Champ Vallon, 2005). Ce qu’on appelle alors « ordures » (du latin horridus, qui veut dire « horrible ») ou boues est composé essentiellement d’excréments, d’os, d’épluchures et de chiffons, dont on assure l’élimination en les valorisant : les épluchures nourrissent les animaux ; les excréments servent de fertilisants agricoles… Il s’agit d’une étape du cycle de reproduction de la vie.

 

Le développement urbain et industriel bouscule ce rythme séculaire. Dans la première moitié du XIXe siècle, « le recyclage et la valorisation continuent et deviennent même l’un des moteurs de l’industrialisation des villes, poursuit Sabine Barles. Le ramassage des chiffons contribue à l’essor de l’industrie du papier, la collecte des os permet le raffinage du sucre ». Les matériaux valorisables sont collectés sur la chaussée par les chiffonniers, figures emblématiques de cette économie de la réutilisation, avant que des centres de tri appelés usines de trituration ne voient le jour. L’ingénieur Charles de Freycinet (1828-1923) préconise la valorisation des substances chimiques nécessaires à la fabrication du gaz d’éclairage, ou celle des fumées produites par les usines.

Souci d’économie, d’efficacité et de profit

Dès cette époque, la réutilisation des rejets et des résidus de l’industrie naissante s’impose tout autant pour limiter la saleté que pour optimiser l’utilisation des ressources, dans un souci d’économie, d’efficacité et de profit. Dans cette effervescence industrielle du XIXe siècle commence à émerger l’idée d’une production en circuit fermé, à l’image des métabolismes vivants, sans recourir à l’extraction de nouvelles ressources.

A la même époque s’ouvre un autre chapitre important de l’histoire de la représentation des déchets. A partir de la seconde moitié du XIXe siècle apparaissent de nouveaux engrais fossiles ou chimiques, comme le guano, le nitrate de soude et les phosphates, qui vont progressivement remplacer les boues urbaines et la « poudrette » des fosses d’aisancedans le domaine agricole.

Cette rupture dite « métabolique » des équilibres des flux entre ville et campagne conduit à une accumulation de matières, à laquelle s’ajoutent les nouveaux résidus chimiques difficilement recyclables. Hier sources de revenus pour les villes, les boues deviennent une charge. Elles sont aussi de plus en plus considérées comme une cause de nuisances et de maladies. Dans Le Miasme et la jonquille (Flammarion, 2016), l’historien Alain Corbin décrit l’évolution radicale de la sensibilité aux odeurs au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Les émanations des ordures et des excréments, jusque-là tolérées, deviennent insupportables aux élites, qui les accusent de transmettre des maladies. Avec le développement de l’hygiénisme, les ordures sont enfermées dans des boîtes, bientôt appelées poubelles, puis éloignées dans de vastes dépotoirs creusés en périphérie des villes. Les excréments, de leur côté, sont rejetés dans les nouveaux systèmes de tout-à-l’égout et finissent souvent dans les rivières.

 

En 1862, Victor Hugo (1802-1885), dans Les Misérables (A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie), se fait le défenseur de « tout l’engrais humain et animal que le monde perd », alors qu’il « suffirait à nourrir le monde » (tome V, livre 2). L’invention du déchet est d’abord un phénomène urbain, concomitant à l’idée d’abandon à une nature perçue comme extérieure au cycle de la vie humaine. « Tout un système de pensée se met en place, où les matières et les objets hier jugés précieux peuvent désormais être jetés après usage », explique Sabine Barles.

Jeter devient un droit

Cette notion d’abandon va se renforcer tout au long du XXe siècle et sera entérinée par la loi en 1975, lorsque le législateur donnera pour la première fois une définition officielle au déchet, à savoir « toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon ». Jeter sera alors devenu une évidence mais aussi un droit « profondément inscrit dans nos imaginaires », constate l’historienne.

Le XXe siècle ouvre un nouveau chapitre avec l’accélération de la production. L’abandon prend une tout autre dimension, en même temps que le gaspillage devient un « élément fondamental des dynamiques du capitalisme contemporain et l’un des moteurs du progrès des sociétés et du système économique », notent les historiens François Jarrige et Thomas Le Roux, qui en ont retracé l’histoire (« L’invention du gaspillage : métabolisme, déchets et histoire », dans la revue Ecologie & Politique, Le Bord de l’eau, 2020/1, n° 60). Car, à ces nouvelles représentations, s’ajoute une profonde transformation du rapport aux objets, liée à l’industrialisation et à l’augmentation du pouvoir d’achat : leur fabrication ne répond plus directement à des besoins identifiés mais vise un marché de plus en plus global, tandis que leur durée de vie diminue.

Si les pénuries liées aux guerres voient revenir les pratiques de récupération, ces parenthèses restent de courte durée. Dans son livre Bon pour la casse. Les déraisons de l’obsolescence programmée (Les Liens qui libèrent, 2012), l’économiste Serge Latouche raconte comment les industriels, dès le début du XXe siècle, inventent le principe d’obsolescence programmée. A partir des années 1920, les fabricants d’ampoules électriques s’entendent pour limiter la durée de vie de leurs produits afin de relancer les ventes ; l’entreprise DuPont de Nemours fera de même avec ses collants. La stratégie n’a rien d’un secret et elle est même conseillée aux entreprises en 1932 comme un remède à la Grande Dépression.

 

Le design et la publicité se font prescripteurs de désirs. L’invention aux Etats-Unis du packaging, à la fois contenant protecteur pour des produits de plus en plus mondialisés, mais aussi interface marchande où s’affichent les valeurs de la marque, gonfle les poubelles. Mise en évidence par l’historien canadien Giles Slade (Made to Break. Technology and Obsolescence in America, Harvard University Press, 2007, non traduit), une autre forme d’obsolescence, non plus technique mais psychologique, consiste à proposer régulièrement de nouveaux produits pour ringardiser les anciens. Elle sera mise en pratique dès les années 1920 par les constructeurs automobiles.

La généralisation de l’usage unique, déjà présent au XIXe siècle, s’intensifie. En 1936, la Continental Can Company lance la première cannette de bière aux Etats-Unis en vantant son côté pratique : elle s’ouvre facilement et peut se jeter n’importe où, « y compris dans les rivières », rapportent François Jarrige et Thomas Le Roux. A partir de 1945, le gaspillage « n’est plus condamné mais devient au contraire une pratique socialement valorisée, identifiée à la croissance du confort et du bien-être, signe d’abondance », décrivent les deux historiens, tandis que « le recyclage et la sobriété sont renvoyés du côté de l’avarice, des mauvais souvenirs de la guerre et de l’Occupation ». L’explosion de la production de plastiques va favoriser l’économie du jetable qu’illustre, en 1955, le magazine américain Life en publiant la photo d’une famille en train de jeter en l’air assiettes, gobelets et couverts en plastique, sous le titre : « Throwaway Living » (« le mode de vie jetable »).

« Contradictions de l’économie circulaire »

Cette accélération de la production entraîne dans les pays développés une formidable expansion des volumes de déchets, qui s’accumulent dans les décharges ou les dépôts sauvages. Il faut attendre le tournant environnemental des années 1970, marqué par la première Journée de la Terre, le 22 avril 1970, puis le rapport du Club de Rome sur Les Limites à la croissance, en 1972, pour que les déchets deviennent un enjeu écologique.

 

Dans un premier temps, l’objectif des politiques publiques en France est surtout d’en réduire non la quantité mais les effets, en particulier leur visibilité. De 1970 à 1990, les usines d’incinération se multiplient aux abords des grandes villes, livrées clés en main par des fleurons de l’industrie nationale, qui ne tardent pas à exporter leur savoir-faire. L’heure est toujours à l’abandon des déchets.

Ce n’est qu’à la fin du XXe siècle que la valorisation fait un retour en force. En 1992, la loi Royal impose aux collectivités d’organiser le recyclage. Au nom de l’écologie, les poubelles sont de nouveau considérées comme un gisement de ressources, auxquelles la technologie peut redonner une deuxième vie.

Car, d’emblée, le recyclage est considéré comme une affaire technique et un enjeu industriel, pleinement intégré à l’économie de marché. « Les pratiques n’ont plus grand-chose à voir avec celles du XIXe siècle. On privilégie ce qui est économiquement profitable, et on délaisse le reste, comme les biodéchets ménagers, auxquels on commence seulement à s’intéresser aujourd’hui », estime Baptiste Monsaingeon. Si, dans les slogans, la réduction et le réemploi sont associés au recyclage, dans les faits, « ni les entreprises ni les collectivités qui les financent n’ont intérêt à réduire la quantité des déchets, car les filières vivent de leur croissance. Les équipements nécessitent des investissements lourds et doivent être alimentés de façon continue », souligne la socio-anthropologue Nathalie Ortar.

Le paradoxe est le même pour les centres de valorisation énergétique qui, à partir des années 2010, remplacent progressivement les usines d’incinération pour produire de l’électricité ou de la chaleur. Difficile là aussi de fermer le robinet à la source. Dans l’agglomération du Mans, où 18 000 logements sont alimentés en chauffage et en eau chaude grâce à l’incinération des déchets, une étude relève les « contradictions de l’économie circulaire » et le « risque d’une dépendance aux déchets », alors que « l’action à privilégier, selon la législation en vigueur, est celle de leur réduction ».

 

Depuis une dizaine d’années, en effet, de plus en plus de travaux interrogent les limites d’un modèle qui favorise les solutions techniques au détriment d’une réflexion politique sur la production. « Les pratiques de recyclage peuvent être intéressantes à condition que soient remises en cause les logiques de surconsommation, car, sinon, elles tendent à les aggraver en encourageant plutôt une forme d’effet rebond et de désinhibition. Les meilleurs élèves du recyclage, comme la Suède ou l’Allemagne, sont aussi les pays qui produisent le plus de déchets », regrette Baptiste Monsaingeon.

Pour la socio-anthropologue Nathalie Ortar, cette logique fait en outre peser sur les individus les conséquences de choix économiques et politiques décidés bien en amont. « Elle les place devant une injonction contradictoire : réduire tout en consommant. La culpabilisation du consommateur est au cœur du processus, alors que les responsabilités sont ailleurs, par exemple dans le fait de ne pas interdire le suremballage. »

Enjeu de justice sociale

En outre, la valorisation des matières n’est jamais neutre. « On oublie souvent qu’elle nécessite de l’énergie et des matières, et produit quasiment toujours de nouveaux résidus, qu’il est de plus en plus complexe et coûteux à recycler », constate le chercheur en philosophie des sciences Ange Pottin. L’auteur de l’ouvrage Le Nucléaire imaginé. Le rêve du capitalisme sans la Terre (La Découverte, 160 pages, 16 euros) y décrit la survivance des représentations d’une « recyclabilité infinie » depuis les tentatives de réutilisation des rejets d’usine au XIXe siècle. Cet imaginaire puissant a, selon lui, inspiré la stratégie du « cycle du combustible fermé » dans la filière nucléaire, qui, dès les années 1950, mise sur le retraitement des combustibles irradiés et leur transformation en plutonium pour ne plus dépendre de l’importation de minerais. « Or, dans les faits, seule une petite partie (1 %) a pu être valorisée jusqu’à présent, pour produire un combustible encore plus irradié. Le reste est simplement entreposé dans l’attente d’une solution technique dont la crédibilité n’est pas assurée. »

 

Pour le chercheur, la promesse d’un cycle fermé « évite de questionner le système qui produit des résidus » et conforte la « possibilité d’une croissance économique illimitée ». Elle entretient l’illusion qu’il est possible de concilier transition écologique et croissance économique, en dépit de l’épuisement des ressources et des pollutions occasionnées par les déchets. Si l’on veut réellement freiner la production des déchets à la source, rompre avec ce système et ses représentations apparaît donc indispensable. C’est aussi l’avis de l’historienne Sabine Barles, pour qui « adopter une vraie stratégie de sobriété énergétique et matérielle suppose une transformation profonde de la société ».

Il s’agit aussi d’un enjeu démocratique et de justice sociale. Car ce sont surtout les populations les plus défavorisées des pays pauvres ou celles des territoires sacrifiés des pays riches qui sont le plus affectées par les installations de recyclage ou de stockage des « déchets ultimes », ces résidus qu’on ne peut plus traiter « dans les conditions techniques et économiques du moment », selon la formulation adoptée en 1992 dans le code de l’environnement. C’est d’ailleurs au sein des luttes sociales contre ces implantations, menées par des acteurs du mouvement pour les droits civiques, que sont nées les notions de justice environnementale et d’écoracisme dans les années 1980 aux Etats-Unis.

 

Qu’il soit radioactif ou plastique, comment prendre en charge cet héritage ? Le philosophe Alexandre Monnin propose de mobiliser la notion de « communs négatifs », inspirée des travaux de la politiste Elinor Ostrom (1933-2012) sur les « communs », ces ressources partagées, lacs, forêts ou prairies, autour desquelles les communautés s’organisent pour en bénéficier sans les épuiser. L’auteur de Politiser le renoncement (Divergences, 2023) invite à « recomposer des rapports de solidarité nouveaux entre des territoires et des populations plus ou moins éloignés », afin de « partager de façon juste » la responsabilité et les coûts de ce qu’il appelle les « déchets de l’anthropocène » : à la fois sols pollués et déchets radioactifs, mais aussi réalités « techniques, managériales, économiques ou encore logistiques » qui ont conduit à les produire. Une façon de reconnaître les interdépendances entre ceux qui tirent parti de la production de richesses et ceux qui en payent le prix.