Consultation citoyenne : pourquoi les professeurs ne peuvent-ils pas se prononcer pour la suppression du SNU ?
Emma Donada
L'Assemblée nationale a lancé lundi 26 février une consultation sur «le rôle de l'éducation dans la défense nationale». Le type de questions posées varie en fonction du profil des répondants.
Moins de vingt-quatre heures après sa mise ligne, une consultation citoyenne de l'Assemblée nationale portant notamment sur le service national universel (SNU) provoque déjà des remous dans la communauté enseignante. Si tout le monde peut y participer, les répondants doivent d'abord préciser s'ils sont élève (ou étudiant), enseignant ou s'ils ne correspondent à «aucune de ces deux propositions» avant d'accéder sur la page suivante à une liste d'interrogations. Or, celles-ci diffèrent selon leur statut.
«C'est pas le même questionnaire si on est prof ou pas. Et ce qui me choque profondément est que la question sur la suppression du SNU n'est posée que si on n'est pas prof», s'étonne par exemple Mathilde Larrère, sur X (anciennement Twitter). L'historienne fait référence à la question «Que pensez-vous du service national universel (SNU) ?» posée aux élèves et aux citoyens lambda qui indiquent avoir déjà entendu parler du SNU et à laquelle trois réponses sont possibles : «Le SNU est un bon dispositif», «le SNU n'est pas un bon dispositif et devrait être supprimé» et «je n'ai pas d'avis».
«Obtenir des réponses plus larges»
La consultation lancée en ligne par la commission de la défense nationale «doit permettre de consulter directement les Français sur leur perception du rôle de l'éducation dans la défense nationale, en les interrogeant notamment sur leur rapport à l'éducation à la défense, à la journée défense et citoyenneté (JDC) ou encore au service national universel (SNU)», peut-on lire sur la page de la consultation. «L'objectif est d'obtenir des réponses plus larges que celles des personnes auditionnées dans le cadre de la mission (lancée en novembre 2023). Les questionnaires ont été conçus par les deux rapporteurs qui sont souverains. Ils étudieront ensuite les réponses et feront une synthèse en vue du rapport prévu pour le mois d'avril», développe la commission, contactée par CheckNews.
Concernant la version du questionnaire proposée aux professeurs, la commission explique que «les enseignants ne sont a priori pas concernés par le SNU». Toutefois, une question sur le SNU a été ajoutée ce mardi matin «à la demande des rapporteurs» (sans plus de précision) : «Seriez-vous intéressé(e) pour mener un projet pédagogique dans le cadre du label "classes et lycées engagés" du service national universel (SNU) ?» est-il demandé. Cette fois-ci, six réponses sont possibles : «Oui, complètement», «oui, pourquoi pas», «oui, mais je ne suis pas soutenu(e) dans ce projet», «non, car je n'ai pas le temps», «non, car cela ne m'intéresse pas», et enfin «non, car je suis défavorable au SNU». A noter qu'il n'est toujours pas donné la possibilité, en tant que professeur, de répondre que le SNU devrait être supprimé. Un obstacle contourné par certains qui ont participé plusieurs fois à la consultation, sous différents statuts.
«Une politique incontournable de la jeunesse»
En vingt-quatre heures à peine, la commission explique avoir reçu plus de 5 000 réponses. «C'est énorme», nous indique-t-on. Face à l'afflux de réponses et pour «éviter les trolls», mardi après-midi l'Assemblée a mis en place un système d'identification. Il faut désormais entrer au préalable son nom, prénom et adresse mail, même si, nous garantit-on, les résultats restent anonymes.
Contactée, Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, voit d'un bon oeil ce type d'enquête. «On se saisit de toutes les possibilités pour faire savoir notre opposition au SNU et à la façon dont Emmanuel Macron en a fait une politique incontournable de la jeunesse», juge-t-elle. La responsable syndicale regrette cependant le fait que l'organisation syndicale n'ait pas été approchée dans le cadre de cette mission. Et d'ajouter : «Ce serait impensable que le premier syndicat enseignant ne soit pas entendu.» Interrogée sur ce point, la commission botte en touche : «C'est dans la main des rapporteurs.» Mais, anticipe-t-elle, «il faudrait alors auditionner tous les syndicats des professeurs, les syndicats étudiants, cela deviendrait un référendum pour ou contre le SNU, alors que la mission est beaucoup plus large».