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Taxe sur l'électricité : le pouvoir choisit de plomber tous les Français

Libération (site web)
Politique, mardi 23 janvier 2024 747 mots

Taxe sur l'électricité : le pouvoir choisit de plomber tous les Français

 

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Jonathan Bouchet-Petersen

 

Parce qu'il refuse de mettre à contribution les plus grandes fortunes et les géants du secteur de l'énergie, le gouvernement a décidé, au nom du rétablissement des finances publiques, de fragiliser encore un peu plus les Français les plus précaires. Explosif.

 

Elle l'avait dit en amont de la décision du gouvernement, elle l'a répété lundi matin, au lendemain de l'annonce par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire d'une hausse du prix de l'électricité de 8,5 à 9,8 % à partir du mois prochain. L'ancienne ministre macroniste, Emmanuelle Wargon, aujourd'hui à la tête de la Commission de régulation de l'énergie, a souligné qu'il s'agit là d'une décision non pas mécanique mais politique. Donc un choix et pas une obligation. C'est en effet une taxe, censément justifiée par l'état de nos finances publiques, qui conduit à ce renchérissement. Il y avait évidemment d'autres voies pour faire rentrer de l'argent dans les caisses de l’État. Les plus évidentes et à la fois les plus tabous en macronie sont une taxation accrue des plus hauts revenus et des entreprises du secteur de l'énergie dont les profits XXL s'apparentent largement à des rentes de situation.

 

Risque d'une fronde sociale d'ampleur

Bruno Le Maire avait promis moins de 10 % de hausse. C'est le cas, mais il est surtout celui qui porte la fin des aides sur l'énergie, ces coûteux boucliers pas assez ciblés, largement mis en avant par l'exécutif depuis un an et qu'il s'agit a posteriori de financer alors qu'ils ont largement été rendus nécessaires par la spéculation de nombreux acteurs. Cette volonté de rétablissement des finances publiques est inaudible dans un contexte où l'augmentation des tarifs de l'électricité a été de 44 % en deux ans et de 72 % en cinq ans. Vertigineux. Et il semble un peu court, comme l'a fait Bruno Le Maire, de se réfugier derrière le seul impact des décisions de Vladimir Poutine pour répondre aux sanctions dont la Russie est la cible depuis son choix de déclencher une guerre avec l'Ukraine. Comme l'a reconnu le directeur des Echos, Dominique Seux, «on ne comprend pas vraiment très bien pourquoi les prix ont autant augmenté ces cinq dernières années», d'autant que sur les marchés les tarifs ont été pratiquement divisés par trois en un an. Un flou et pour tout dire un loup qui rend cette hausse encore plus difficile à digérer.

 

L'ancienne ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, a, elle, mis en garde le gouvernement contre une décision qu'elle compare à la taxe carbone, étincelle du mouvement des gilets jaunes. Elle n'est pas la seule. En plein contexte persistant d'inflation, notamment sur les prix alimentaires où certaines hausses ont été ahurissantes au profit des industriels du secteur, la décision de l'exécutif ne peut conduire qu'à une fragilisation du plus grand nombre et en particulier des populations déjà les plus précaires. De là à être le déclencheur d'une fronde qui viendrait se cumuler voir se coaguler avec la mobilisation actuelle des agriculteurs ? L'avenir le dira, mais le contexte est explosif et constitue un premier test d'ampleur pour le nouveau gouvernement Attal. Si elle avait quitté le sommet de l'actualité, la question du pouvoir d'achat reste mois après mois la principale préoccupation des Français et on ne peut pas dire que ce pouvoir soit protégé d'une fronde sociale d'ampleur par sa popularité.

 

Construction de nouveaux réacteurs

Les oppositions s'engouffrent évidemment dans la brèche, en sommant la majorité relative de légiférer avec leurs propositions. C'est l'occasion pour le Parti socialiste, par exemple, qui plaide pour une surtaxation des géants du secteur, de déposer à l'Assemblée une proposition de loi pour annuler la hausse annoncée par Le Maire. Rien d'impossible à ce que La France insoumise comme le Rassemblement national votent cette initiative. En pleine campagne des européennes, ces deux forces politiques appellent surtout à rompre avec un tarif européen de l'électricité qui pénalise la France. Mais si le nucléaire français pourrait constituer un avantage comparatif, les investissements en dizaines de milliards d'euros que va nécessiter la construction de six nouveaux réacteurs vont eux aussi peser dans les années à venir sur le coût de l'électricité. Ces affaires énergétiques sont complexes, mais ce qui est simple à comprendre, c'est que le gouvernement a choisi de faire peser l'effort sur l'ensemble des Français plutôt que de prendre l'argent là où il est. Une fois de plus.

 

Cet article est paru dans Libération (site web)