JustPaste.it

Marché du livre : les éditeurs disent gagner moins que les auteurs

Marché du livre : les éditeurs disent gagner moins que les auteurs

Nicole Vulser, Le Monde, 1er février 2024

 

Selon une étude du Syndicat national de l’édition et du cabinet d’audit KPMG, près d’un quart du chiffre d’affaires net d’une maison d’édition revient aux auteurs et 18 % sont conservés par l’éditeur, une fois ses coûts directs assumés

 

A qui pleurera le plus fort. Une étude publiée jeudi 1er février sur « le partage de la valeur entre auteurs et éditeurs », commandée par le Syndicat national de l’édition (SNE) avec le concours du cabinet d’audit KPMG, pose le constat suivant : les éditeurs assurent qu’ils se réservent une part du chiffre d’affaires tiré de la vente des livres inférieure à celles touchée par les auteurs.

 

L’échantillon permettant d’établir une telle conclusion porte uniquement sur l’analyse de la comptabilité des grosses maisons (Actes Sud, Albin Michel, Editis, Glénat Editions, Hachette Livre, Madrigall – la maison mère de Gallimard et Flammarion), Média-Participations et la petite maison indépendante Zulma. Ces poids lourds représentaient 29 % du marché en 2022 et ont pour particularité de publier le plus grand nombre de best-sellers – et donc de payer le plus de droits d’auteur.

 

Par ailleurs, seuls cinq secteurs ont été passés en revue pour cette étude : la littérature générale, les livres pratiques, les livres d’art, de jeunesse et la bande dessinée, qui représentaient, en 2022, 68,5 % du marché français de l’édition. Jugés peu représentatifs, le scolaire, aléatoire selon les réformes, et le manga, liés à des cessions de droits à l’étranger, n’ont pas été gardés.

 

L’étude procède donc à une analyse extrêmement restreinte du marché. En ne conservant que la moitié des revenus tirés de la vente des livres (51 % revient aux libraires, aux diffuseurs et aux distributeurs) et en se focalisant uniquement sur les 49 % restants (qui vont aux éditeurs et aux auteurs), le SNE affirme « qu’en moyenne, 24,8 % du chiffre d’affaires net d’un éditeur revient aux auteurs, tandis que 17,8 % sont gardés par l’éditeur pour couvrir ses frais de structures (immobilier, fonction support, amortissement…) et son résultat d’exploitation ». Le reste (57,4 %) englobe la fabrication, l’activité éditoriale, le marketing, la communication, le stockage et la logistique.

 

« Economie de la pauvreté »

A l’aune de ces chiffres, les droits d’auteur semblent particulièrement chiches dans les livres d’art (11,6 %), et sous la moyenne également dans les secteurs de la jeunesse (18,2 %) et des livres pratiques (19,5 %). La littérature générale et la BD s’en sortent mieux.

 

« Cette étude rappelle que s’il faut un auteur pour un livre, il faut une maison d’édition pour le financer », insiste Vincent Montagne, président du SNE et PDG de Média-Participations. Ce rapport était d’autant plus attendu que les négociations entre les représentants des éditeurs et des auteurs pour réduire la précarité de ces derniers patinent depuis des années. Le rapport de Bruno Racine sur le statut des auteurs n’a toujours pas été suivi d’effets quant à l’ouverture de négociations financières globales.

 

Thomas Fouchault, président de la Ligue des auteurs professionnels, réagit à l’étude en affirmant au Monde : « Nous avons conscience que le livre repose sur une économie de la pauvreté, mais il est grand temps d’obtenir un taux de rémunération décent pour les auteurs. » Or, le SNE bloque en invoquant le secret des affaires et le droit privé des contrats. Selon la Ligue des auteurs professionnels, un état des lieux ne suffit pas à traiter le sujet. La rémunération des auteurs doit faire partie des négociations collectives.

 

Thomas Fouchault regrette que dans le calcul de l’étude, « les charges des éditeurs soient prises en compte mais pas celles des auteurs ». Il constate aussi des disparités énormes selon les secteurs, en rappelant que les droits d’auteur se répartissent à 50/50 entre le scénariste et l’illustrateur dans la BD, comme dans les livres jeunesse, entre l’auteur et l’illustrateur.