JustPaste.it

Dette publique : « Nous proposons de mettre davantage à contribution les retraités, pour des raisons d’efficacité économique et de justice sociale »

Tribune

Collectif
Un collectif de cinq économistes plaide, dans une tribune au « Monde », pour la désindexation des pensions de retraite et la suppression de l’abattement de 10 % sur leur imposition.

 

Le 26 mars, l’Insee a dévoilé le montant du déficit public pour l’année 2023 : 154 milliards d’euros, soit 5,5 % du produit intérieur brut (PIB). Chaque année, la dette croît, et chaque nouvelle crise la fait bondir. Le ratio dette-PIB est ainsi passé de 69,7 % à 84 % entre 2008 et 2009 suite à la crise des subprimes, puis de 97,9 % à 114,9 % entre 2019 et 2020 suite à la pandémie de Covid-19.

Il est temps d’adopter des mesures courageuses pour réduire cette dette. Comment y parvenir sans compromettre la croissance et sans accroître les inégalités ? Préserver la croissance implique de ne pas recourir à des hausses de taxes, car elles diminueraient l’incitation à travailler, à s’éduquer et à se former, et risqueraient d’entraîner une fuite des talents vers l’étranger.

La France est déjà l’un des pays au monde où les prélèvements sont les plus élevés et où le nombre d’heures travaillées est le plus faible. Mais du côté des dépenses publiques, le déclassement de la France en matière d’éducation et de santé ne plaide pas en faveur d’une nouvelle réduction budgétaire. Dans le contexte géopolitique actuel, il en va de même pour la défense. Qui doit alors rembourser ce qui n’a pas été payé ?

Nous proposons de mettre davantage à contribution les retraités, pour des raisons d’efficacité économique et de justice sociale. Rappelons que les retraités actuels ont été les principaux bénéficiaires de la dette publique contractée au cours des cinquante dernières années, et du récent « quoi qu’il en coûte » destiné à préserver leur santé.

Le taux de pauvreté en France diminue avec l’âge

L’Etat ayant vécu à crédit, ils ont davantage bénéficié des dépenses publiques sur cette période qu’ils n’ont contribué. Cela a permis à cette génération de constituer un patrimoine important, alors que le prix de l’immobilier et le taux d’intérêt réel étaient particulièrement bas. Pour l’efficacité économique, faire reposer l’effort sur les retraités plutôt que sur les actifs permettra de préserver l’incitation au travail et de soutenir la croissance.

 

Sur le front des inégalités, il convient d’observer que le taux de pauvreté en France diminue considérablement avec l’âge. Il s’élève à 22,7 % chez les 18-24 ans, ce qui correspond à la moyenne des pays de l’Union européenne, contre 8,6 % chez les 65 ans ou plus, l’un des taux les plus bas d’Europe. En 2019, Emmanuel Macron avait fait la promesse « pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous ».

 

Pourtant, si l’on compare les cotisations versées et les pensions perçues sur une vie, on constate que le rendement pour chaque euro cotisé est d’environ 2,5 % pour les générations nées dans les années 1950, contre seulement 1,75 % pour les cohortes nées après 1970. Le code de la sécurité sociale stipule que « les assurés bénéficient d’un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension, quelle que soit (…) la génération à laquelle ils appartiennent ».

 

Pourtant, si l’on compare les cotisations versées et les pensions perçues sur une vie, on constate que le rendement pour chaque euro cotisé est d’environ 2,5 % pour les générations nées dans les années 1950, contre seulement 1,75 % pour les cohortes nées après 1970. Le code de la sécurité sociale stipule que « les assurés bénéficient d’un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension, quelle que soit (…) la génération à laquelle ils appartiennent ».

 

Le revenu des seniors utilisé pour accroître un patrimoine

L’Etat a donc trahi ce pacte social en induisant des différences de traitement entre les générations. Par ailleurs, dans un pays où le taux d’épargne est très élevé (il est deux à trois fois plus élevé qu’en Espagne, en Italie ou au Royaume-Uni), les seniors épargnent plus de 25 % de leur revenu disponible, contre à peine 8 % pour les moins de 30 ans, ce qui suggère que le revenu des seniors n’est pas utilisé pour consommer mais pour accroître un patrimoine qu’ils légueront à des héritiers, ce qui à terme produit également des inégalités, cette fois au sein d’une même génération.

 

Nous proposons donc de mettre davantage à contribution les retraités en recourant à une désindexation (provisoire) des retraites par rapport à l’inflation. Cette mesure rapporterait 2,8 milliards d’euros par point d’inflation et par an. Sur un horizon de trois ans, avec un taux d’inflation à 2,4 %, cela générerait une économie de plus de 10 milliards d’euros par an, soit autant que le plan d’économies présenté par le gouvernement. Il est aussi possible de supprimer l’abattement de 10 % dont bénéficient les retraités imposables (4 milliards d’euros par an).

 

La désindexation des pensions ne signifie pas l’abandon de la solidarité intergénérationnelle. Au contraire, cela permet de préserver les ressources nécessaires pour soutenir les personnes les plus vulnérables à tous les âges de la vie, que ce soit pour financer l’éducation et l’insertion dans l’emploi des plus jeunes, ou bien les dépenses de santé des seniors les plus modestes.

 

Réduire le déficit de la France
Face à l’ampleur du « trou » des finances publiques, faut-il réduire les dépenses en coupant dans les budgets ou bien augmenter les impôts, en particulier ceux des plus riches ?
Julien Albertini, maître de conférences à l’université Lyon-II ; Arnaud Chéron, professeur des universités à l’université du Mans ; Xavier Fairise, professeur des universités à l’université du Mans ; Arthur Poirier, maître de conférences à université Paris-VIII ; Anthony Terriau, professeur des universités à l’univeristé du Mans.