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Les banques alimentaires alertent sur l’état de santé dégradé de leurs bénéficiaires

Le Monde (site web)
planete, lundi 26 février 2024 - 21:35 UTC +0100 981 mots

Les banques alimentaires alertent sur l’état de santé dégradé de leurs bénéficiaires

Mathilde Gérard

 

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Diabète, dénutrition, obésité, santé mentale… Une étude de la Fédération nationale des banques alimentaires met en évidence la plus grande vulnérabilité aux maladies des personnes accueillies.

Les banques alimentaires sont en première ligne de la hausse de la précarité. Selon des chiffres présentés lundi 26 février au Salon international de l’agriculture à Paris, le premier réseau d’aide alimentaire en France a vu le nombre de personnes accueillies augmenter de près de 30 % en trois ans − de + 8 % à + 9 % pour l’année 2023 − pour atteindre 2,6 millions de personnes.

 

Le profil des publics accompagnés évolue : si les personnes seules constituent la majorité (41 %), suivies par les familles monoparentales (31 %), la part des jeunes est en augmentation (+ 19 % en cinq ans), tout comme celle des travailleurs pauvres. Aujourd’hui, 17 % des personnes accueillies ont un emploi, parmi lesquelles une majorité (60 %) ont signé un contrat à durée indéterminé, mais gagnent moins que le smic.

 

Derrière les difficultés sociales, c’est aussi un risque sanitaire qui se profile. Pour comprendre l’impact sur la santé de la précarité alimentaire, le réseau a conduit une nouvelle étude, dont les résultats ont été publiés lundi.

 

L’enquête a été réalisée entre octobre et décembre 2023, avec un appui méthodologique d’Action contre la faim, auprès de 140 personnes accueillies dans le cadre d’ateliers de prévention santé menés par le réseau. L’échantillon est modeste, mais l’étude est appelée à être complétée en 2024 et en 2025 avec d’autres volets, notamment des entretiens.

 

« Les répondants à notre enquête sont dans l’ensemble bien sensibilisés au lien entre alimentation et santé, constate Barbara Mauvilain, responsable du service des relations institutionnelles de la Fédération des banques alimentaires. Ils consomment majoritairement des plats faits maison et plus de la moitié mange des légumineuses plus de deux fois par semaine, ce qui les rapproche des recommandations du Programme national nutrition santé. »

 

Problèmes de santé

Parmi les points préoccupants : un tiers d’entre eux ne mange que deux repas par jour ou moins. Outre l’enjeu du prix, le manque d’équipements de cuisine à domicile est l’un des freins à l’adoption de bonnes pratiques alimentaires : 6 % des personnes consultées n’ont pas de réfrigérateur, 9 % pas de plaques de cuisson et 10 % n’ont pas de four.

 

Ces résultats corroborent de précédentes études, notamment une enquête du Réseau vrac & réemploi, une structure qui propose des aliments de qualité en circuit court, à prix sociaux, menée dans des quartiers prioritaires, publiée en novembre 2023, qui signalait le même frein lié à la précarité et à la structure des logements.

 

L’enquête des banques alimentaires met en évidence une surreprésentation des problèmes de santé parmi les participants à ses ateliers : un quart des répondants se déclare en mauvaise ou très mauvaise santé ; un tiers signale des problèmes cardio-vasculaires ou de surpoids et d’obésité ; 15 % sont diabétiques contre 5 % dans la population générale. « Le nombre de personnes diabétiques a doublé en quinze ans en France et va continuer à progresser », commente Bastien Roux, directeur général de la Fédération française des diabétiques, qui rappelle que le diabète de type 2, qui représente plus de 90 % des diabètes en France, est très inégalement réparti sur le plan géographique, avec une prévalence deux fois plus importante dans les départements d’outre-mer qu’en métropole, et, selon le gradient social, avec un risque de diabète trois fois plus élevé pour les personnes éligibles à la protection universelle maladie.

 

La santé mentale est un autre point d’attention sur lequel alertent les banques alimentaires. Ainsi, « 15 % des répondants déclarent se sentir mal ou très mal. C’est un sujet que l’on voit monter fortement », analyse Barbara Mauvilain. Les familles monoparentales constituent les profils les plus vulnérables, qui dépendent de l’aide alimentaire de deux à trois fois plus que les autres ménages, notamment pour leur approvisionnement en protéines, en fruits et légumes et en légumineuses.

 

Des chiffres mal connus

Plus des deux tiers des familles monoparentales qui ont répondu à l’enquête sont en situation d’insuffisance alimentaire – aussi 60 % n’ont-elles pas ce qu’elles souhaitent comme type et qualité d’aliments, et 11 % n’ont pas les quantités suffisantes. Plus de la moitié d’entre elles déclare un état de santé mauvais ou très mauvais et une majorité de monoparents mange moins d’une portion de légumes par jour.

 

L’étude des banques alimentaires souligne deux autres risques : celui de l’isolement social, pour les personnes vivant seules, avec une propension à consommer davantage de plats préparés industriels, et celui de la dénutrition, notamment pour les personnes âgées, avec une consommation de protéines chez les plus de 65 ans interrogés inférieure aux recommandations. « C’est paradoxal, mais on peut être en surpoids et dénutri », souligne Eric Fontaine, président du collectif Lutte contre la dénutrition, qui appelle à reconnaître la dénutrition, qui touche près de deux millions de personnes en France, comme une maladie à part entière.

 

Alors que les chiffres de l’insécurité alimentaire en France sont mal connus et que la dernière enquête publique sur le sujet remonte à 2014-2015, les études d’associations auprès des publics qu’elles accompagnent restent l’un des moyens de cerner l’impact social et de santé publique de la précarité. Mais les personnes qui ont recours à une association d’aide alimentaire ne sont que la partie émergée de l’iceberg. En novembre 2023, une étude du cabinet C-Ways pour la Fondation Nestlé évaluait la part des Français en insécurité alimentaire à 31 %, dont une partie n’a pas recours aux réseaux d’aide. De quoi alerter sur la nécessité de politiques de prévention plus volontaristes.