JustPaste.it

Carrefour ouvre une nouvelle vague de départs, les salariés s’inquiètent

Il s’agit du cinquième plan de réduction des effectifs depuis l’arrivée d’Alexandre Bompard aux manettes du distributeur. En quatre ans, le groupe s’est séparé de 30 000 salariés en France selon les calculs des syndicats.

Par Cécile Prudhomme

 

Le groupe Carrefour ouvre la porte à une nouvelle réduction de personnel. Les syndicats du distributeur ont rendez-vous avec la direction, mercredi 7 juin, pour discuter d’un accord de méthode qui encadrera les modalités d’un futur plan de réorganisation de ses effectifs. En France, celui-ci pourrait concerner notamment les sièges de l’entreprise à Massy (Essonne), Evry (Essonne), ou encore Mondeville (Calvados). Environ 1 000 emplois seraient concernés.

Dans la messagerie interne, les salariés des sièges de l’entreprise ont été informés, mardi 30 mai, du démarrage d’une « première étape du dialogue social en vue de la transformation de nos sièges » pour aboutir à une « organisation plus simple », « plus agile », « plus efficace ». Pas de détail sur le nombre de postes, ni sur les services concernés. Et encore moins sur le dispositif envisagé par Carrefour : plan de départ volontaire, rupture conventionnelle collective, plan de sauvegarde de l’emploi, mobilité interne… Processus, calendrier, cadre juridique, tout reste à définir. Interrogée, la direction se refuse à tout commentaire.

Cette nouvelle cure d’amaigrissement inquiète en interne. « Y a-t-il une vraie logique de réorganisation avec un projet concret derrière, ou est-ce que l’idée est juste de faire partir des gens pour réduire les frais de personnel ? », s’interroge Sylvain Macé, délégué syndical CFDT du groupe.

Discret mouvement d’externalisation

Pour les salariés, ce n’est toutefois pas une surprise. Le 8 novembre 2022, lors de l’annonce du plan stratégique pour quatre ans, baptisé « Carrefour 2026 », le PDG, Alexandre Bompard, avait laissé entrevoir de nouvelles coupes dans les effectifs. « Carrefour a besoin d’un choc de simplification », avait-il déclaré. Tout en précisant que cette nouvelle organisation se traduirait « par des réductions d’effectifs significatives » dans les sièges du groupe et que « chaque pays y contribuera ». Cette transformation devait permettre au distributeur, implanté dans près de quarante pays, de dégager 4 milliards d’euros d’économies.

 

Le coup d’envoi de ce nouveau plan laisse « une drôle d’ambiance » avec des salariés « inquiets », voire « désabusés »par la contraction régulière de la masse salariale, et par l’idée de « récupérer, une nouvelle fois, la charge de travail » de ceux qui seront partis, rapporte M. Macé. Car, depuis sa nomination en juillet 2017, M. Bompard n’a cessé de réduire les effectifs du groupe. « 2 400 postes lors du plan de départ volontaire de 2018 », « 3 000 postes supprimés lors de la rupture conventionnelle collective de 2019 »…, liste M. Macé pour qui les mesures de réduction des coûts « passent presque exclusivement par la masse salariale ou la suppression des avantages sociaux des salariés avec les mises en location-gérance ».

 

Selon ses calculs, Carrefour en est à sa cinquième vague de départ. « C’est un puits sans fond ». Le groupe qui comptait 115 000 salariés en France en 2018 n’en totalise plus que 85 000 en moyenne. « Depuis deux ans, Carrefour n’est plus le premier employeur privé de France », souligne le syndicaliste, qui a compté « 10 000 personnes parties avec les restructurations, et environ 20 000 sorties du groupe » par les opérations d’externalisation des magasins.

 

Alexandre Bompard s’est inspiré du modèle des groupes d’indépendants (Leclerc, Système U, Intermarché), où les directeurs de magasin, qui sont leur propre patron, ont prouvé l’efficacité de leur gestion. Chaque année depuis 2018, Carrefour réduit ses coûts d’exploitation en transférant les magasins moins rentables et leur personnel aux mains de locataires-gérants. Charge à eux d’en redresser l’activité à leurs risques et périls, contre le paiement d’une redevance à Carrefour. Mais les syndicats s’inquiètent de ce mouvement qui externalise discrètement les salariés et les excluent des accords collectifs et des avantages du distributeur. La CFDT a calculé que les équipes transférées perdraient en moyenne 2 300 euros par an de pouvoir d’achat.

 

Un procédé qui fait tache d’huile

En octobre 2022, Carrefour a annoncé le basculement de 41 magasins en location-gérance en 2023 (dont 16 hypermarchés), un an après en avoir sorti 43 autres de son réseau intégré. « Depuis 2018, 268 magasins sont passés en location-gérance, dont 64 hypermarchés », selon les chiffres de Sylvain Macé, pour qui cela devient une « parade » pour réduire les frais de personnels et « dénoncer les accords d’entreprise qui ont été contractés depuis plus de vingt ans ». Les syndicats songent même à alerter la direction générale du travail car « cela va au-delà des seuls magasins déficitaires ».

Le procédé semble faire fait tache d’huile. Auchan, qui possède 634 magasins, a indiqué aux syndicats, le 25 mai, la cession de sept supermarchés où « travaillent au total près de 250 salariés », et surtout sa volonté de « s’engager sur le terrain de la franchise », raconte Gilles Martin, délégué syndical CFDT du groupe. Environ 15 % seulement des magasins Auchan sont actuellement exploités en franchise, selon ses calculs. Il doit y avoir « un accompagnement social et collectif à partir du moment où les magasins portent le nom de l’enseigne », lance M. Martin. A Auchan aussi, les syndicats se demandent s’ils ne vont pas finir par interpeller le législateur.