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Microbiote : des mythes à déconstruire

Une étude parue fin juillet pointe douze mythes et idées fausses qui circulent au sujet du microbiote, cet ensemble de micro-organismes qui peuple notre corps. Le journal suisse “Le Temps” en a sélectionné quelques-uns.

 

De nombreuses idées fausses circulent au sujet du microbiote humain. Image conceptuelle. THOM LEACH/CIENCE PHOTO LIBRA/Science Photo Library/AFP

 

Ils sont des milliards à vivre sur notre peau, nos muqueuses et nos intestins, une cohabitation qui se déroule le plus souvent en bonne intelligence. Les micro-organismes qui composent notre microbiote, autrefois appelé “flore bactérienne”, font l’objet d’un fort intérêt scientifique. Des milliers d’études – et de fortes sommes d’argent public – leur ont été consacrées ces dernières années. Le rôle du microbiote a été mis en avant dans de nombreuses pathologies, allant de l’obésité à la dépression en passant par la maladie de Crohn, une pathologie inflammatoire de l’intestin. Il a aussi été réhabilité auprès du grand public par l’ouvrage à succès Le Charme discret de l’intestin, paru en 2017.

 

“Bien que réellement enthousiasmant, cet intérêt croissant pour la recherche sur le microbiome [l’ensemble des gènes présents dans le microbiote] a malheureusement été accompagné d’une hypermédiatisation et du développement d’un certain nombre d’idées fausses désormais bien ancrées”, déplorent deux spécialistes du domaine, les Britanniques Alan Walker, de l’université d’Aberdeen, et Lesley Hoyles, de l’université Trent de Nottingham. Dans un article publié le 31 juillet dans la revue Nature Microbiology, ils mettent en évidence douze de ces mythes, dont voici une sélection.

 

1. Les bactéries du microbiote ne sont pas plus nombreuses que nos propres cellules

C’est un chiffre qui a été répété à l’envi ces dernières années : notre corps contiendrait environ dix fois plus de bactéries que de nos propres cellules. Spectaculaire, mais faux : des évaluations récentes suggèrent que nous abritons en fait un nombre à peu près équivalent de microbes et de cellules humaines. L’évaluation exagérée du nombre de bactéries qui nous peuplent serait issue d’un calcul fait au dos d’une enveloppe dans les années 1970. Elle s’est par la suite diffusée sans remise en question.

“J’ai moi aussi pendant un temps diffusé ce ratio erroné, reconnaît Eric Oswald, microbiologiste à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) français. Il apparaît aujourd’hui qu’il n’est pas aussi important. Cependant, le fait que notre corps comprenne autant de cellules procaryotes [sans noyau, elles regroupent essentiellement des bactéries] que de cellules eucaryotes (ou humaines) est déjà très impressionnant.”


 

2. Nous n’acquérons pas notre microbiote à la naissance

Lorsqu’ils naissent par voie basse, les bébés parcourent le tractus génital de leur mère et reçoivent ainsi une partie de sa flore bactérienne. Ce qui n’est pas le cas des enfants nés par césarienne. Faut-il pour autant badigeonner ces derniers avec les sécrétions vaginales de leur mère, afin de pallier d’éventuels troubles du développement ? Cette pratique controversée – car pouvant aussi occasionner des infections – fait l’objet de diverses recherches.

“On peut imaginer que les bactéries issues de la mère sont particulièrement bien adaptées à son enfant. Mais on sait aujourd’hui que ce microbiote d’origine n’est pas conservé toute la vie”, souligne Eric Oswald. L’expansion de notre flore bactérienne se déroule surtout après la naissance, durant les premières années de vie, particulièrement après la fin de l’allaitement. Notre microbiote continue de se façonner au cours de la vie, en fonction d’éléments tels que l’alimentation, la prise d’antibiotiques ou d’éventuelles infections. Finalement, il devient propre à chaque personne. Même les jumeaux qui ont grandi sous le même toit possèdent des configurations microbiennes différentes.

 

3. Nous ne soignerons pas bientôt la plupart des maladies grâce au microbiote

L’étude du microbiote a été révolutionnée par l’arrivée de nouvelles technologies de séquençage du génome qui ont révélé une partie de sa foisonnante diversité. En faisant des recherches sur des personnes atteintes de diverses pathologies, on s’est aperçu que nombre d’entre elles avaient un microbiote altéré. Mais de là à le rectifier d’une manière ou d’une autre, avec une visée thérapeutique, il y a un pas qui n’est pas facile à franchir.

“La vaste majorité des études sur le microbiote sont observationnelles, mais ne permettent pas d’établir de lien de causalité ou d’identifier la fonctionnalité des bactéries. Par exemple, une altération du microbiote intestinal a été mise en lien avec les troubles du spectre autistique. Mais on ne peut pas en conclure que c’est cette altération qui cause les troubles. Peut-être les personnes autistes ont-elles certaines particularités, par exemple au niveau de leur alimentation, qui entraîne une modification de leur microbiote”, illustre Eric Oswald.

Il y a quelques années, une disproportion entre deux types particuliers de bactéries avait été identifiée chez des personnes obèses, rappellent les auteurs de l’article de Nature Microbiology. Las, ces observations n’ont pas été confirmées par des études plus poussées.

C’est que les méthodes d’analyse du génome des bactéries peuvent introduire des biais dans les conclusions des études. Par ailleurs, l’effet sur la santé d’une bactérie est très dépendant du contexte : elle s’avère pathogène dans certains cas et pas dans d’autres. “Une étude a aussi montré que la prise de probiotiques avait des impacts variables d’une personne à une autre”, relate Eric Oswald.

 

Faut-il pour autant désespérer du microbiote et s’en désintéresser ? Ce n’est pas ce que disent les experts, qui soulignent son rôle prépondérant dans notre santé, et le fait qu’il contribue probablement à la progression de certaines pathologies. Pour l’heure cependant, rares sont les traitements qui ont bien été validés scientifiquement : c’est le cas notamment de la transplantation fécale pour lutter contre les infections récidivantes par la bactérie Clostridioides difficile. “Le plus probable est qu’on s’orientera à l’avenir vers des interventions thérapeutiques personnalisées afin de s’adapter aux caractéristiques propres du microbiote de chacun d’entre nous”, relève Eric Oswald.

 

Pascaline Minet