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Au Québec, une nouvelle loi va encadrer le travail des enfants

Le texte fixe à 14 ans l’âge minimal pour occuper un emploi et à 17 heures le nombre maximal d’heures hebdomadaires.

Par Hélène Jouan(Montréal, correspondante)

 

D’ici à quelques semaines, les enfants de 11, 12 ou 13 ans, qu’il n’est pas rare de rencontrer à Montréal derrière un comptoir d’épicerie ou dans les rayons des supermarchés où ils rangent des cartons, auront disparu de leur poste de travail. Le gouvernement québécois a en effet déposé, mardi 28 mars, un projet de loi fixant à 14 ans l’âge minimal pour occuper un emploi.

Le texte prévoit néanmoins quelques exceptions, sous réserve de l’accord des parents : les plus jeunes pourront notamment continuer d’effectuer du baby-sitting, d’apporter de l’aide aux devoirs, de faire de l’animation dans des colonies de vacances ou encore d’« aider aux petits travaux dans l’entreprise familiale », tel le ramassage de pommes à l’automne.

Le ministre du travail, Jean Boulet, a par ailleurs fixé à dix-sept heures le nombre maximal d’heures hebdomadaires qu’un enfant âgé de plus de 14 ans pourra consacrer à une activité rémunérée, dont dix heures pendant les jours de la semaine où il est à l’école. « Jusqu’à un certain nombre d’heures, le travail est bénéfique pour les enfants, pour leur confiance en eux, pour le développement d’habiletés et de compétences. Mais au-delà d’un certain nombre d’heures, ça devient difficile et ça affecte leur parcours scolaire », a expliqué le ministre lors de la présentation de son texte.

Risques de décrochage scolaire

Le Québec restait l’une des rares provinces canadiennes où il n’y avait pas d’âge minimal requis pour commencer à travailler, quand, sur la côte Pacifique du pays, la Colombie-Britannique, par exemple, avait relevé en 2021 ce seuil de 12 à 16 ans.

Imprégnés de la culture nord-américaine qui valorise l’autonomisation des enfants à travers le travail, les jeunes Québécois, tous milieux sociaux confondus, sont depuis longtemps habitués à ces petits jobs leur permettant de gagner un peu d’argent de poche, mais aussi, assurent certains parents, d’« acquérir un savoir-être et savoir-vivre » qui leur seront utiles à l’heure de leur entrée définitive dans la vie active. Cependant, la pénurie de main-d’œuvre, qui s’est accrue depuis la pandémie de Covid-19, avec 240 000 postes vacants dans la province, et un taux de chômage de 3,9 % (en janvier) ont accentué la pression des employeurs sur cette main-d’œuvre bon marché.


Selon la dernière « Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire », datée de 2017, 46 % des élèves en classe de 5e, soit âgés d’environ 12 ans, travaillent pendant l’année scolaire. Aux risques de décrochage scolaire régulièrement dénoncés notamment par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec sont venus s’ajouter des chiffres inquiétants sur les conditions de travail des plus jeunes. De 2017 à 2021, le nombre de lésions professionnelles reconnues par la Commission sur la sécurité du travail est passé de 10 à 64 par année pour les enfants de 14 ans et moins, soit une augmentation de 540 %.

Le secteur de la restauration s’inquiète

Le Bureau international des droits des enfants, dont le siège se trouve à Montréal, se félicite de constater que le Québec respecte enfin l’article 32 de la Convention relative aux droits de l’enfant adoptée en 1989 par les Nations unies, en fixant pour la première fois un âge minimal pour occuper un emploi. Toutefois, Julie Dénommée, sa directrice des programmes et de l’apprentissage, regrette que l’élaboration de ce projet de loi ne se soit faite qu’entre adultes, représentants patronaux et syndicaux, principalement. « Comment les enfants considèrent-ils leur activité rémunérée, la vivent-ils comme une obligation ou, à l’inverse, comme faisant partie d’un processus personnel pour mieux se réaliser ? Personne n’a pris soin de les entendre, alors que les consulter pour tout ce qui les concerne est aussi un droit international qui leur est reconnu. »

 

La saison touristique approchant, le secteur de la restauration s’inquiète, lui, de l’impact de ces nouvelles restrictions sur son activité. « Selon un sondage que nous venons d’effectuer auprès de nos adhérents, un tiers des restaurateurs emploient actuellement des jeunes de moins de 14 ans, qui effectuent en moyenne sept heures de travail hebdomadaire, explique Martin Vézina, vice-président de l’Association Restauration Québec. Sans cette force d’appoint, nos établissements seront sans doute contraints de restreindre leurs horaires d’ouverture. »


Afin de dissuader d’éventuels employeurs de faire d’appel aux plus jeunes, faute de personnel, le gouvernement a décidé de doubler les amendes dont ils pourraient être passibles une fois la loi entrée en vigueur, dans les semaines à venir : de 600 dollars canadiens (environ 410 euros) à 1 200 dollars pour une première infraction, et de 6 000 à 12 000 dollars pour les suivantes.

Hélène Jouan(Montréal, correspondante)

 

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