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Les pays riches n’ont jamais autant financé les énergies fossiles

Subventions, investissements, prêts… En 2022, les gouvernements du G20 ont consacré 1 400 milliards de dollars d’argent public pour soutenir le développement de l’industrie fossile, selon une analyse de l’Institut international du développement durable. 

Lan Wei

26 août 2023 à 17h40

« L’abandon progressif des énergies fossiles est inéluctable », a concédé Sultan al-Jaber, président de la COP28 et directeur général de la Compagnie nationale pétrolière des Émirats arabes unis (ADNOC), lors d’un récent discours en vue de la prochaine conférence des Nations unies sur le climat qui se tiendra à Dubaï, aux Émirats arabes unis, en novembre.  

Cependant, d’après une nouvelle analyse réalisée par l’Institut international du développement durable (IISD), centre de réflexion canadien, malgré les promesses à répétition, les gouvernements du G20 continuent d’offrir un soutien financier inconditionnel à l’industrie fossile. 

S’appuyant sur les données de l’Agence internationale des énergies (AIE), de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ainsi que sur des rapports des gouvernements, l’IISD indique qu’en 2022, le montant injecté par les pays du G20 dans le secteur a atteint la somme astronomique de 1 400 milliards de dollars. Ce chiffre, qualifié de « stupéfiant » par les chercheurs qui ont mené l’analyse, représente l’addition des subventions, des investissements, ainsi que des prêts issus des institutions financières publiques. 

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« Nous constatons une augmentation massive du soutien gouvernemental aux énergies fossiles en 2022 », a souligné Tara Laan, experte associée à l’ISSD et autrice principale de l’analyse, lors d’une conférence mercredi 23 août. « Ceux qui consomment le plus de carburants fossiles sont aussi ceux qui en tirent le plus de bénéfices, cela n’a aucun sens », a-t-elle dit.

Des subventions au profit de l’industrie fossile 

La trajectoire climatique planétaire dépend en grande partie de la réduction des émissions des pays du G20. Bien que les dirigeants du G20 aient convenu, dès 2009, qu’ils allaient « supprimer progressivement les subventions inefficaces » aux combustibles fossiles et se soient engagés à respecter un objectif climatique commun – en ratifiant l’Accord de Paris –, en 2021, l’ensemble de ces pays étaient responsables d’environ 80 % des gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère. 

La guerre en Ukraine et l’essor des énergies renouvelables n’ont pas inversé la courbe croissante de la consommation d’énergie primaire, dont la part des fossiles reste largement majoritaire (82 %). Ainsi, l’utilisation des énergies fossiles a-t-elle de fait progressé. Cela a été rendu possible notamment par les subventions publiques, qui ont été multipliées par quatre par rapport à la décennie précédente pour atteindre mille milliards de dollars, souligne l’analyse de l’IISD. 

À la différence d’une évaluation similaire effectuée en février par l’AIE, celle de l’IISD tient compte, en plus des subventions à la consommation – boucliers tarifaires, chèques énergie, etc. –, des mesures incitant à la production, qui existent pour certaines depuis longtemps. Par exemple, des exonérations de taxe ou de redevance, ou l’allocation des budgets aux activités de recherche et de développement au profit de l’industrie extractive. 

En France, par exemple, les dépenses fiscales au profit de l’industrie fossile sont en augmentation, passant de 7,77 à 7,81 milliards d’euros entre 2020 et 2021, selon l’OCDE

De nouveaux investissements publics 

Les investissements publics dans de nouvelles infrastructures associées à l’exploitation fossile progressent, notamment dans les pays émergents. Tandis que la Chine et l’Inde ont relancé le charbon au nom de la sécurité énergétique, les pays du Moyen-Orient ont, pour la première fois depuis la pandémie, augmenté les investissements dans le pétrole et le gaz. 

C’est une contradiction « flagrante » avec les préconisations des scientifiques, note l’analyse de l’IISD. En effet, selon le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), le respect de l’Accord de Paris exige de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 43 % d’ici à 2030 à l’échelle mondiale, par comparaison avec le niveau de 2019. L’AIE avait aussi déclaré, en 2021, qu’il pourrait n’y avoir, « à partir d’aujourd’hui, aucun investissement dans de nouveaux projets d’approvisionnement en combustibles fossiles ».

Les émissions de gaz à effet de serre, les dommages causés par les effets du dérèglement climatique et la pollution de l’air entraînent des coûts colossaux pour les sociétés. « La plupart des subventions découlent d’une sous-estimation des coûts sociaux et environnementaux liés à l’utilisation des énergies fossiles », a souligné Nate Vernon, économiste au Fonds monétaire international (FMI), lors de la conférence de presse du 23 août. 

Les experts de l’IISD appellent ainsi les gouvernements du G20 à réformer les subventions et à mettre en place un système de taxation progressive du carbone – avec un prix du carbone qui varie entre 25 et 75 de dollars par tonne d’équivalent de dioxyde de carbone (tCO2e) en fonction du revenu du pays –, de sorte que le prix du combustible fossile reflète enfin son coût réel. L’objectif : inciter les consommateurs et les investisseurs à se détourner des combustibles fossiles. 

« L’élément clé de l’augmentation des prix des carburants fossiles est qu’elle génère des revenus – beaucoup de revenus –, et ces recettes peuvent être utilisées pour fournir une aide sociale ciblée, et faciliter la transition vers des sources d’énergie alternatives et propres », explique Tara Laan.

Au-delà des pays du G20, en 2022, les subventions aux combustibles fossiles ont atteint le chiffre record de 7 000 milliards de dollars, selon une étude récente du FMI, qui corrobore les constats de l’IISD. Cela est l’équivalent de 7,1 % du produit intérieur brut mondial, soit près du double des dépenses publiques annuelles consacrées à l’éducation (4,3 % du revenu mondial) et environ deux tiers des dépenses dans les soins de santé (10,9 %), souligne le FMI.