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VIH : le lénacapavir, un traitement très efficace, bientôt accessible pour seulement 40 dollars par an

Cet antirétroviral a obtenu des résultats exceptionnels dans la prévention du VIH, en seulement deux injections par an. Son fabricant le commercialisait initialement au prix de 28 218 dollars.

Par Delphine Roucaute

Un flacon de lénacapavir, le nouveau médicament injectable de prévention du VIH, à la Fondation Desmond Tutu pour la santé, au Cap, en Afrique du Sud, le 23 juillet 2024.

 Un flacon de lénacapavir, le nouveau médicament injectable de prévention du VIH, à la Fondation Desmond Tutu pour la santé, au Cap, en Afrique du Sud, le 23 juillet 2024. NARDUS ENGELBRECHT/AP

 

Il s’agit d’un véritable tournant dans la lutte contre le sida. Le lénacapavir, un médicament antirétroviral innovant qui avait fait sensation lors de la présentation des résultats de ses essais cliniques, en juillet 2024, va pouvoir être accessible à un prix abordable dans 120 pays à revenu faible et intermédiaire à partir de 2027. Deux accords distincts, négociés en un temps record avec des fabricants de génériques, vont permettre de distribuer au prix de 40 dollars (34 euros) par an ce traitement qui a démontré une efficacité exceptionnelle dans la prévention du VIH, en seulement deux injections par an.

Ce prix ramène le coût de l’injection au même niveau que celui de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) orale quotidienne, la plus largement utilisée, cette pilule préventive destinée aux personnes séronégatives très exposées au VIH. Une négociation qui n’était pas gagnée d’avance, puisque le laboratoire américain Gilead, qui a développé le traitement, l’a commercialisé aux Etats-Unis au prix de 28 218 dollars (environ 24 000 euros) par an.

 

« Cela constitue une percée historique qui démontre que les outils les plus avancés peuvent être rendus abordables dès le départ », estime Philippe Duneton, directeur exécutif d’Unitaid, une organisation internationale qui finance l’accès à des innovations en santé dans les pays à revenu faible et intermédiaire. C’est cette dernière qui a négocié l’accord avec le fabricant indien Dr. Reddy’s aux côtés de la Clinton Health Access Initiative (CHAI) comme cheffe de file technique, ainsi que l’institut de recherche Wits RHI. Parallèlement, la Fondation Gates a conclu un accord distinct avec un autre fabricant indien, Hetero Labs, garantissant ainsi un approvisionnement fiable et la création d’un marché concurrentiel.

Réduction du risque de transmission du VIH de près de 99,9 %

Le lénacapavir est le premier représentant d’une nouvelle classe d’antirétroviraux : les inhibiteurs de la capside, une protéine qui forme la coque externe du noyau du virus. Il bloque ainsi plusieurs étapes-clés du cycle du VIH en perturbant sa capside, structure essentielle à la protection, au transport et à l’assemblage du virus.

« C’est un médicament indispensable à avoir à l’heure actuelle, explique Jean Daniel Lelièvre, chef du service d’immunologie clinique et maladies infectieuses de l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil (AP-HP), qui développe avec son équipe un candidat-vaccin contre le VIH. Il change vraiment les choses, car il suffit de seulement deux injections par an pour être protégé. » Le principal traitement consistait jusque-là en une pilule à prendre tous les jours, avec tous les risques de stigmatisation et de mauvaise observance du traitement que cela comporte. Sur le terrain, les résultats des études cliniques sont sans appel : l’injection semestrielle de lénacapavir montre une réduction du risque de transmission du VIH de près de 99,9 %.

 

« Avoir un médicament comme le lénacapavir enfin abordable peut être l’opportunité d’avoir un impact sur l’épidémie et de faire baisser le nombre de personnes infectées chaque année », s’enthousiasme Carmen Pérez Casas, responsable principale de la stratégie d’Unitaid. Depuis 2010, les nouvelles infections ont été réduites de 40 %, mais les données du Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida) montrent encore 1,3 million de nouvelles infections en 2024. « Ce qui est essentiel avec le lénacapavir, c’est qu’il permet en quelque sorte de fermer le robinet dès maintenant, afin que le problème auquel nous devrons faire face dans cinq à dix ans ne se soit pas aggravé de manière spectaculaire », abonde Trevor Mundel, président de la santé mondiale à la Fondation Gates.

Enjeu primordial

Réduire ainsi le prix de ce traitement-clé seulement deux ans après son autorisation de mise sur le marché (en juin aux Etats-Unis et en août dans l’Union européenne) va pouvoir débloquer la demande, en permettant aux pays qui en ont le plus besoin de se projeter sur les années à venir et de mettre en place une communication efficace auprès des personnes à risque. Dans le même temps, cela va pousser les autres fabricants à se positionner sur un marché devenu concurrentiel. « Une fois que les entreprises constatent qu’il existe un marché, grâce au travail que nous avons accompli, elles peuvent prendre leurs propres décisions, souligne Trevor Mundel. Si l’une d’elles estime désormais pouvoir fabriquer ce produit pour 30 dollars et conquérir une part du marché, elle le fera de manière indépendante. »

Un enjeu primordial dans le contexte actuel de baisse de 22 % de l’aide au développement pour la santé par rapport à 2024. La Fondation Gates a, de son côté, annoncé, lundi, le versement de 912 millions de dollars au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. « Je ne suis pas en mesure de compenser les coupes budgétaires du gouvernement, et je ne veux pas créer cette illusion », a averti Bill Gates, en exhortant les gouvernements à revenir sur les coupes budgétaires dans le domaine de la santé mondiale.