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Forês: Francis Hallé botaniste milite pour faire renaître une forêt primaire en Europe

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"JE SUIS INQUIET": LE BOTANISTE SPÉCIALISTE DES FORÊTS FRANCIS HALLÉ DANS LE VAR CE WEEK-END

 

Il a passé sa vie au cœur de forêts tropicales, fait l’éloge des arbres et des plantes. Il s’engage pour faire renaître une forêt primaire en Europe. Francis Hallé est l’invité d’honneur d’Arbres en fête au Domaine du Rayol, ce week-end.

Il a cela de naturel, il dit les choses comme il les pense. "Désolé, si vous attendiez des bonnes nouvelles! Avec moi vous aurez du mal, parce que dans mon domaine, les nouvelles ne sont pas bonnes."

 

Éminent botaniste, Francis Hallé a passé sa vie à regarder les arbres et les forêts. À les étudier, à les dessiner. Dans ses jeunes années, il a vécu dans un monde peuplé de "forêts somptueuses, partout". Alors qu’il aura 85 ans dans quelques jours, il ne peut que se désespérer d’un déclin visible à l’échelle de sa vie d’homme. Du monde naturel.

"Il y a des lieux sur lesquels vous avez travaillé quand vous étiez jeune, qui n'existent plus aujourd'hui. Notamment en Côte d’Ivoire. Maintenant la forêt, c'est des parkings de supermarché."

À l’inverse d’un supermarché du vivant, Francis Hallé milite pour une idée qui "ne coûte rien": recréer une forêt primaire en Europe. Il en explique l’intérêt et les conditions.

Ce dimanche 26 mars, Francis Hallé sera l’invité d’honneur d’Arbres en fête, au Rayol-Canadel.

Tout d’abord, qu’avez-vous pensé après la publication du dernier rapport du GIEC, cette semaine?

Je suis inquiet, parce que les politiques n'écoutent absolument pas le GIEC. Je n’invente rien, ils ne font rien. Il faudrait faire beaucoup plus et beaucoup plus vite. Les scientifiques font des efforts considérables pour faire passer les connaissances. Ce ne sont pas des évaluations approximatives, mais des certitudes.

 

Quelle évolution de la biodiversité avez-vous observée?

Je la vois disparaître, oui! Pas changer, malheureusement, mais s’amoindrir. Les gouvernements ne font rien pour freiner la déforestation des forêts tropicales. C’est un des principaux moteurs du changement climatique. La biodiversité, ce sont des quantités d’insectes, ils sont largement majoritaires. Or, je vois encore des gens qui sont épouvantés à l'idée de voir un insecte voler autour d'eux. Pour eux, si on les tuait tous, ça les arrangerait plutôt. Mais les insectes jouent un rôle essentiel dans les écosystèmes.

A-t-on une vision plus fine de l'interdépendance entre les organismes vivants?

À ce niveau-là, peut-être qu'il y a eu un progrès. On est conscient maintenant que tous les éléments de la biodiversité ont leur place et que beaucoup communiquent les uns avec les autres. Je pense à la découverte, de la communication entre les arbres, qui leur sauve la vie.

De quelle façon?

 

Une grande gazelle mange des feuilles d’acacias, mais seulement pendant vingt secondes. Après, la feuille est devenue immangeable, à cause des tanins qui ont été libérés. Ça déjà, c’est une communication entre l’arbre et la gazelle. Mais les autres arbres, sous le vent, sont devenus impropres à la consommation eux aussi. Le message de l’acacia est simple: attention les amis, il y a une gazelle par là.

Il paraît que les forêts feraient tomber la pluie...

Il ne suffit pas que l’atmosphère soit saturée en vapeur d’eau pour qu’il pleuve. S’il n’y a pas des germes, poussières, grains, pollens, il ne pleuvra pas. Les arbres peuvent envoyer des molécules volatiles qui fonctionnent comme des germes. Les molécules d’eau s’agglomèrent autour et quand il y en a un nombre suffisant, ça fait une goutte de pluie qui finit par tomber.

Comment est né votre projet de forêt primaire en Europe?

Il y avait une forêt primaire intacte en Europe, en Pologne. J’en ai gardé des souvenirs admirables. Malheureusement, elle est terriblement attaquée, le gouvernement polonais actuel n’a rien à faire de l’écologie, il veut se faire du fric avec les énormes chênes qui sont là-dedans.

Mais que peut faire la main de l’homme?

La forêt, elle vient toute seule. Il y a une pluie de graines en permanence, une sélection qui se fait. Surtout, ne rien planter. On ne retire rien, on n’ajoute rien. La nature elle-même crée la forêt primaire. Et elle sait faire ça beaucoup mieux que nous.

Si on trouve au départ, admettons, une forêt de 200 ans, il faudra cinq siècles. Une forêt existante évoluerait de façon autonome. Évidemment on n’a pas l’habitude de raisonner sur le long terme.

Une forêt ouverte au public?

Il est hors de question de leur interdire l’accès! On le fait pour nos contemporains. Mais que les gens marchent sur des caillebotis, comme dans de nombreux parcs nationaux, pour ne rien abîmer. Une forêt primaire lutte exactement contre les problèmes écologiques auxquels nous faisons face. Et une autre raison, c’est d’une très grande beauté.

Le projet pourrait-il naître avec une forêt méditerranéenne?

Je l’aurais bien aimé, mais on a laissé tomber, non pas parce qu’elles sont sans intérêt, elles sont extrêmement intéressantes. Le problème ce sont les feux, ça brûle trop, trop facilement. On s’intéresse plutôt à la région qu’on nomme Grand Est, sur une zone de plaine, transfrontalière, pour que ce soit un projet européen.

Le regard du grand public est-il en train de changer?

Oui. Il y a une sensibilité qu'il n'y avait pas il y a 20 ou 30 ans. Mais pas à l'Assemblée nationale, où on s'en fout de tout ça. Heureusement, il semble qu'il y a une tentative de compréhension de la part des gens. Ils ont tout d'un coup envie de s'engager.

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Source Var Matin par Sonia Bonnin Le 25/03/23 à 08h55  MàJ 25/03/23 à 09h19