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Des panneaux d’entrée d’agglomération retournés par centaines dans la région. L’image ne manque pas de piquer la curiosité des automobilistes. Menée par les Jeunes agriculteurs (JA), l’action vise à dénoncer une politique agricole qui marche sur la tête.

 

Pourquoi voit-on de plus en plus de panneaux d’entrée d’agglomération la tête en bas depuis quelques jours ?

Les automobilistes du Tarn ont été les premiers, début novembre, à devoir se contorsionner pour déchiffrer le nom de leurs communes. En quelques jours, de Castres à Albi, pas moins de 300 panneaux d’entrée de ville ont été mis sens dessus dessous. Pas cassés ni vandalisés : le dévissage de deux écrous à l’arrière a suffi à les faire pivoter, lettres à l’envers. Une action symbolique revendiquée, quelques jours plus tard, par la FDSEA et les Jeunes agriculteurs (JA) du Tarn, qui entendaient dénoncer les injonctions contradictoires imposées à la profession. « Depuis trop longtemps dans ce pays, quand on parle du sujet agricole, on marche sur la tête », expliquait le co-secrétaire général local de la FDSEA, Christophe Rieunau.

 

 

Depuis, le slogan «#On marche sur la tête » a fait des émules et les panneaux tête en bas se sont multipliés dans toute la France rurale. Avant la visite du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, la semaine dernière, en Bretagne, ils ont fleuri dans les Côtes-d’Armor (Paimpol, Louannec, l’Armor-Pleubian, Goudelin, Pléguien, Lamballe, Binic, Saint-Quay-Portrieux…), le Finistère (Brasparts, Châteaulin, Guipavas, Le Conquet, Lannilis, Saint-Thonan…) et
le Morb
ihan (Berric, Monterblanc, Saint-Nolff, Elven, Surzur…).

 

Quel message veulent porter les agriculteurs qui retournent les panneaux ?

 

L’action vise à dénoncer le manque de moyens octroyés pour accompagner la transition écologique agricole et le double discours du gouvernement. Baisse des rémunérations, hausse des charges, accumulation des contraintes (d’État et européennes) et des normes agro-environnementales… « On nous a promis des enveloppes financières si on adoptait certaines mesures. Les gars ont joué le jeu, les enveloppes ne sont plus disponibles », explique Johann Conan, président des Jeunes agriculteurs du Morbihan. « On nous impose le maintien de prairies permanentes, non labourées, une herbe dont on ne sait que faire puisqu’il y a de moins en moins d’élevage bovin », illustre Yann le Gac, secrétaire général des JA du Finistère. « L’État nous demande d’utiliser moins de produits phytosanitaires mais il augmente les taxes sur le gazole routier indispensable pour désherber mécaniquement », abonde les JA du Morbihan. Fabienne Garel, présidente de la FDSEA 22, s’agace aussi du recours grandissant à l’importation, annonciatrice d’une perte de souveraineté alimentaire.

 

À quelles sanctions les auteurs s’exposent-ils ?

Détruire, dégrader ou détériorer un bien public expose à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende si les dommages causés sont importants, selon l’article 321-1 du Code pénal. L’opération plutôt « bon enfant » menée par les Jeunes Agriculteurs n’entre d’évidence pas dans ce champ. Les auteurs des dévissages n’ont pas détruit ni déplacé de panneaux. À aucun moment ils n’ont mis les automobilistes et les piétons en danger, contrairement aux mauvais plaisantins qui, parfois, inversent des sens interdits ou des obligations de tourner à gauche ou à droite.

 

Alors, oui, apposer des autocollants sur du mobilier urbain est interdit. Dans l’absolu, les personnes qui ont collé des stickers « On marche sur la tête » sur ces panneaux retournés pourraient être poursuivies pour « dégradations légères » et écoper d’une contravention de 5e classe (1 500 euros, 3 000 en cas de récidive), selon l’article R 635-1 du Code pénal. Mais on est loin du collage sauvage et la plupart des maires concernés se montrent indulgents, voire solidaires de l’action menée, au point d’accepter de laisser quelques jours encore leurs panneaux à l’envers pour mieux marquer les esprits. D’autant qu’en Bretagne, on a un avantage sur d’autres régions : là où l’affichage est bilingue, le dévissage n’a généralement visé qu’un seul des deux panneaux !