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Pollution : Paris suffoque, mais la Préfecture de police refuse d’activer la circulation différenciée en pleine Coupe du monde de rugby

 

Alors que la capitale se prépare à subir dimanche son cinquième jour consécutif de pic de pollution à l’ozone, des élus et responsables associatifs déplorent le choix des autorités de ne pas interdire la circulation des véhicules les plus polluants.

 

 

Par Stéphane Mandard
Publié aujourd’hui à 19h26

Temps de Lecture 3 min.

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Au premier jour du pic de pollution, le 6 septembre, les élus écologistes de la Mairie de Paris ont demandé la mise en place de la circulation différenciée pour les Crit’Air 3. THOMAS COEX / AFP

Accablée par la chaleur, Paris suffoque et se prépare à subir, dimanche 10 septembre, son cinquième jour consécutif de pic de pollution à l’ozone. Une situation totalement inédite pour la saison. Pourtant, la Préfecture de police de Paris se refuse toujours à activer la circulation différenciée. Prérogative de la préfecture, cette mesure permet d’interdire la circulation des véhicules les plus polluants sur la base de la fameuse vignette Crit’Air en cas d’épisode de pollution persistant (plus de deux jours).

Dès mercredi 6 septembre, au premier jour du pic de pollution, les élus écologistes de la Mairie de Paris, David Belliard (transports), Anne Souyris (santé) et Dan Lert (transition écologique) ont demandé la mise en place de la circulation différenciée pour les Crit’Air 3 (environ 400 000 véhicules) à Paris et dans 77 communes à l’intérieur du périmètre de l’A86. « La Coupe du monde de rugby passe avant la santé », ont dénoncé les élus, dans un communiqué diffusé vendredi 8 septembre, quelques heures avant le coup d’envoi du match d’ouverture entre la France et la Nouvelle-Zélande.

« Pour ne pas entraver la Coupe du monde rugby, la Préfecture de police de Paris refuse de baisser la circulation, déplore David Belliard. Elle semble considérer que la circulation différenciée, moyen efficace de réduire la pollution rapidement, serait trop contraignante pour les spectateurs et spectatrices attendues à l’événement. Couplée à la gratuité des transports, cela ne devrait être que très peu contraignant et ce serait même économiquement intéressant. »
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La préfecture botte en touche

Une seule réunion d’information a été organisée entre la préfecture, les élus et les experts de la qualité de l’air et de la santé, mercredi 6 septembre. Lors de cette réunion, la Coupe du monde a bien été invoquée par les autorités pour expliquer la non-mise en place de la circulation différenciée, confirme un participant. Contactée par Le Monde, la Préfecture de police de Paris estime que le niveau de pollution, « juste au-dessus du premier seuil de dépassement » du niveau d’ozone (180 microgrammes par mètre cube pendant au moins une heure) ne justifie pas de la déclencher et que « dans des circonstances similaires », les mesures de circulation différenciée n’avaient « pas été prises » non plus, en juin, lors du salon du Bourget.

La Préfecture de police de Paris omet cependant de préciser que l’épisode de pollution à l’ozone n’avait alors duré que deux jours, les 15 et 16 juin. « Cette fois, avec une persistance de plus de deux jours, on aurait pu s’attendre à ce que la préfecture déclenche la circulation différenciée », témoigne Karine Léger, la directrice d’Airparif, l’organisme chargé de la surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France. Même si elle n’a qu’un effet limité sur les niveaux d’ozone, dont la formation est complexe, elle aurait tout de même permis d’abaisser les niveaux de dioxyde d’azote et de particules fines qui sont également élevés et en particulier pour tous ceux qui résident en bordure du périphérique. » La circulation différenciée avait, par exemple, été activée par l’ancien préfet de police de Paris, Didier Lallement, en juin 2019, pour des niveaux de pollution à l’ozone similaires.
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Considéré comme « le polluant de l’été », l’ozone est un polluant dit « secondaire ». Il se forme à partir de réactions chimiques complexes, notamment entre les oxydes d’azote (NOx, émis principalement par le transport routier ou encore les incinérateurs) et les composés organiques volatils (industrie, produits ménagers), sous l’effet combiné de la chaleur et du rayonnement solaire.
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Des mesures prises, mais « insuffisantes »

La Préfecture de police de Paris assure avoir pris un certain nombre de mesures : « réduction de 20 km/h de la vitesse sur l’ensemble du réseau routier, interdiction du brûlage à l’air libre, report des travaux d’entretien ou de nettoyage pour éviter l’émission de composés organiques volatils… ». Elle ajoute avoir « recommandé, de façon incitative, de limiter les déplacements en voiture, et de privilégier le covoiturage le cas échéant ».

Pour Tony Renucci, le directeur de l’association Respire, ces « mesurettes » sont « totalement insuffisantes ». « Les oxydes d’azote émis par les véhicules contribuent à la formation de l’ozone, le seul moyen efficace, c’est la circulation différenciée. Elle aurait dû être activée en amont dès qu’on avait connaissance du pic, estime M. Renucci. « Cette mesure de santé publique aurait aussi bénéficié aux joueurs de rugby, la pratique intensive du sport n’étant pas recommandé lors des pics de pollution », ajoute le directeur de Respire.

« Ce qui vient de se passer doit nous servir d’avertissement pour les Jeux olympiques, alerte Karine Léger. Il est tout à fait envisageable que les conditions climatiques soient favorables à ce type d’épisodes de pollution pendant les Jeux, à l’été 2024. » Aussi, elle regrette qu’il n’y ait pas eu d’autres réunions avec la préfecture – comme c’est le cas habituellement en cas d’épisodes persistants de pollution –, qui auraient permis d’envisager l’adoption d’autres mesures de restriction. « Les réunions “urgence pollution” qui se tenaient systématiquement en cas de dépassements, ne se tiennent plus qu’aléatoirement », déplorent également les élus écologistes.

La directrice d’Airparif juge, en outre, que les recommandations sanitaires ont été « insuffisantes » : « Cette fin de semaine, des élèves faisaient de l’athlétisme sur des stades en bordure du périphérique, en pleine vague de chaleur et de pollution. »

Stéphane Mandard