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Mort de Philippe Pascal, chanteur des groupes post-punk Marquis de Sade et Marc Seberg

Cette figure du rock rennais fut un des pionniers de la new wave en France.

Par Stéphane Davet

Publié le 13 septembre 2019

Le chanteur Philippe Pascal, mort jeudi 12 septembre, sur scène au festival Les Vieilles Charrues de Carhaix-Plouguer, le 19 juillet 2018.

 Le chanteur Philippe Pascal, mort jeudi 12 septembre, sur scène au festival Les Vieilles Charrues de Carhaix-Plouguer, le 19 juillet 2018. FRED TANNEAU / AFP

 

Chanteur emblématique de Marquis de Sade, groupe pionnier du post-punk français, avant de devenir celui de Marc Seberg, Philippe Pascal est mort jeudi 12 septembre, à l’âge de 63 ans, à Rennes, la ville dont il avait étrenné la tradition rock.

« Philippe [Pascal] a très fortement marqué la scène rock française, mais aussi tous les gens qui l’ont côtoyé, par sa singularité, son charisme, sa grande beauté, son intensité d’écorché vif », réagit pour Le Monde son ami Etienne Daho, bouleversé par la nouvelle, en se rappelant qu’en fan transi, il avait organisé, le 20 décembre 1978, à Rennes, un concert de Marquis de Sade et des Stinky Toys.

 

Comme Daho, enfant d’Oran, Philippe Pascal était né en Algérie, le 17 mai 1956 à Sidi Bel-Abbès. Fils d’un père qui était instituteur, mais également musicien de jazz, le jeune passionné de blues étudie à l’université de Rennes. En Bretagne, son intérêt pour les arts et la littérature se double d’une fascination pour la musique du Velvet Underground, de Lou Reed, David Bowie ou du rock allemand (Neu !, Can) et la révélation d’une nouvelle vague (Television, Père Ubu) contrariant l’esthétique post-hippie de l’époque.

« On travaillait en toute liberté »

D’abord chanteur au sein du groupe Pentathal Lethally, le brun ténébreux est sollicité par des musiciens dont le groupe, Marquis de Sade, formé depuis l’été 1977, cherche un vocaliste. Avec le guitariste Frank Darcel, Philippe Pascal va incarner le noyau créatif de cette formation dont le premier 45-tours, Air Tight Cell, connaît une sortie confidentielle en juin 1978. « Rennes était une fourmilière. On travaillait en toute liberté, sans entrave, sans la pression des maisons de disques. Tout était permis et accepté. L’époque était épatante », se souvenait Philippe Pascal dans le quotidien Ouest-France.

Parmi les activistes de cette effervescence, le disquaire Hervé Bordier, avec son association Terrapin, détient un rôle-clé, en tant que premier producteur et manageur du groupe (il sera également celui d’Etienne Daho), et aussi comme cofondateur des Transmusicales de Rennes, festival dont Marquis de Sade sera tête d’affiche de la première édition, en 1979.

En 1978, l’album Dantzig Twist (1978) est l’une des premières manifestations de l’influence de la new wave britannique et américaine sur la scène rock française. Cheveux courts, habillés de costumes sombres, les musiciens de Marquis de Sade osent une énergie anguleuse, transcendée par les textes, principalement en anglais, le chant et la gestuelle expressionniste d’un Philippe Pascal semblant échappés d’un tableau d’Egon Schiele. « Il bougeait comme possédé par un feu incandescent », se souvient Etienne Daho. Une présence très proche de celle de Ian Curtis, le chanteur suicidé de Joy Division, dont le premier album (Unknown Pleasures) sortira un an après celui des Rennais.

Longues coupures et retours épisodiques

Philippe Pascal essaiera d’ailleurs (sans succès) d’imposer Martin Hannett, producteur du groupe de Manchester, pour la réalisation du deuxième opus de Marquis de Sade, Rue de Siam (1981), finalement produit par Steve Nye (Bryan Ferry, Frank Zappa…). Moins hermétique que le précédent, mais gorgé du même feu délétère, ce disque exacerbera les tensions parmi ces « jeunes gens modernes » (Actuel dixit) qui se sépareront peu après.

Philippe Pascal fonde alors Marc Seberg – « le groupe pour lequel j’ai eu le plus de tendresse », confiait-il –, rejoint, entre autres, par la claviériste Pascale Le Berre. D’un romantisme moins sombre, plus influencé par les visions épiques de Simple Minds (auxquels il empruntera le producteur John Leckie), ce quintette connaît un succès (les albums Le Chant des terres (1985) et Lumières & Trahisons (1987) qui en fera un des groupes-phares de la new wave française, avant sa séparation après un quatrième album (Le Bout des nerfs, 1990).

 

Rythmée ensuite par de longues coupures, la carrière musicale de Philippe Pascal connaîtra des retours épisodiques : les duos Philippe-Pascale, puis Pascal, formés avec sa désormais compagne Pascale Le Berre ; le projet Philippe Pascal’s Blue Train Choir, renouant, en 2002, avec sa passion du blues.

Le 16 septembre 2017, à l’initiative du plasticien rennais Patrice Poch, désireux de célébrer le 40e anniversaire du groupe, Marquis de Sade donne un inattendu concert de reformation, à Rennes, dans la salle du Liberté. Le moment est immortalisé dans un CD-DVD (16-09-17), et l’engouement suscité par ce retour entraîne une tournée qui passera par des festivals comme Les Vieilles Charrues, à Carhaix (Finistère), avant de se terminer, à Paris, au Petit Bain, le 22 février 2019. « Je ne les avais jamais vus aussi bon, assure Etienne Daho, mais Philippe me disait aussi : Je veux tout arrêter, c’est trop dur.” » Un temps évoqué, un troisième album de Marquis de Sade était-il au-dessus de ses forces ?