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France Travail : les contours du futur service public de l’emploi se précisent

Le rapport de la mission de préfiguration de France Travail devait être présenté par le ministre du travail, Olivier Dussopt, mercredi. Entre 2,3 et 2,7 milliards d’euros doivent être investis entre 2024 et 2026.

Par Thibaud Métais

L’après-retraites commence. Maintes fois repoussé, le rapport de la mission de préfiguration de France Travail – révélé par Les Echos et que Le Monde s’est procuré – devait être présenté aux parties prenantes par le ministre du travail, Olivier Dussopt, mercredi 19 avril. C’est le résultat des huit mois de travaux menés par le haut-commissaire à l’emploi, Thibaut Guilluy.

Il arrive finalement dans un moment charnière pour l’exécutif, alors qu’Emmanuel Macron souhaite tourner la page de la réforme des retraites, désormais promulguée. Lundi 17 avril, dans son allocution, le chef de l’Etat a notamment invité les partenaires sociaux à conclure un « pacte de la vie au travail ».

Le lendemain, lors d’une réunion avec les représentants du patronat – les organisations syndicales avaient décliné l’invitation –, Emmanuel Macron a donné quelques précisions. Ce chantier devrait se diviser en trois parties. D’abord une loi sur le partage de la valeur qui doit retranscrire l’accord national interprofessionnel signé en février. Puis un projet de loi « plein-emploi » portant la réforme du lycée professionnel et la création de France Travail. Celui-ci devrait être présenté en conseil des ministres à la fin mai pour un examen en première lecture au Sénat à l’été. Viendra enfin un troisième volet portant notamment sur les conditions de travail ou l’emploi des seniors, renvoyé à la négociation entre partenaires sociaux « d’ici à la fin de l’année ».

 

Promesse de campagne du candidat Macron en 2022, la création de France Travail est un outil primordial pour l’exécutif dans sa quête du plein-emploi – un taux de chômage à 5 %, contre un peu plus de 7 % aujourd’hui – à horizon 2027. Si la nouvelle structure va remplacer Pôle emploi, l’opérateur public actuel, l’ambition va bien au-delà et réforme tout le service public de l’emploi. « Compte tenu de la dispersion des acteurs et des responsabilités, aucun acteur, pas même l’Etat, n’est aujourd’hui en mesure d’identifier l’ensemble des personnes dépourvues d’emploi sur son territoire », déplore le rapport.

Meilleure coordination

C’est pour répondre à ce manque de coordination et sortir d’un fonctionnement en silo que doit être bâti le réseau France Travail. Ce dernier doit permettre à tous les acteurs de l’emploi et de l’inclusion de travailler ensemble. Les missions locales deviendront ainsi France Travail jeunes, et les Cap emploi France Travail handicap. Pour simplifier les échanges entre tous ces acteurs, l’opérateur France Travail doit devenir la porte d’entrée unique pour l’ensemble des demandeurs d’emploi avec un partage large des données.

 

La gouvernance, sujet hautement sensible, a également été pensée pour faire place à la collaboration. Outre le niveau national, un comité France Travail présidé par l’Etat et les collectivités sera installé à chacun des niveaux territoriaux (bassin d’emploi, département, région). La réforme va nécessiter des investissements en moyens humains et financiers importants. Selon le rapport, entre 2,3 et 2,7 milliards d’euros doivent être investis sur la période 2024-2026. Un effort qui s’ajoute aux budgets existants.

 

L’objectif du futur service public de l’emploi est d’identifier rapidement les demandeurs d’emploi, avec pour objectif de les orienter vers la structure adéquate, en réduisant considérablement les délais à l’œuvre actuellement. Après cette première étape, France Travail doit « garantir des parcours de retour à l’emploi (…) adaptés au niveau d’autonomie et aux besoins de chacun », indique le rapport. Un contrat d’engagements réciproques sera alors signé entre le demandeur d’emploi et un référent individuel.

Réforme du RSA

C’est aussi dans cette optique que le revenu de solidarité active (RSA) va être réformé. Les bénéficiaires du RSA devront répondre à « un principe de quinze à vingt heures d’activité d’insertion par semaine », dans une logique de « droits et devoirs », qui était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Cet accompagnement intensif reposera également sur la réduction du nombre de bénéficiaires par conseiller afin de permettre un suivi plus qualitatif. « Des adaptations seront possibles pour les personnes en grande exclusion », précise par ailleurs le rapport.

Une mesure d’accompagnement intensif potentiellement explosive politiquement. Pour démontrer son efficacité, Thibaut Guilluy compte s’appuyer sur les expérimentations menées depuis début avril dans dix-huit bassins d’emploi. « Quand on part du terrain et qu’on démontre l’efficacité concrète des choses, on convainc plus facilement, affirme-t-il. Tout le monde partage le même objectif de ramener vers l’emploi ceux qui en sont le plus éloignés. » Pour le haut-commissaire à l’emploi, « les expérimentations doivent nous permettre de préciser les modes d’accompagnement les plus efficaces, de bien les cibler et d’outiller les acteurs pour que la coopération soit pleinement effective ».

Si France Travail se concentre largement sur les demandeurs d’emploi, il n’en oublie pas pour autant les entreprises, avec l’ambition de les aider à recruter plus rapidement. Un interlocuteur privilégié sera proposé à chaque entreprise et une plate-forme de services numériques sera également mise à disposition. Sont également prévus l’amélioration de l’accès à la formation ou encore des outils pour les professionnels, avec la mise en place de l’Académie France Travail, pour mettre en commun les ressources pédagogiques et d’information.

La mise en œuvre de cette réforme du service public de l’emploi se fera progressivement. Les expérimentations doivent durer toute l’année 2023 pour une entrée en application de France Travail à partir du 1er janvier 2024, avec une montée en charge jusqu’en 2026. Reste que tout le projet devra d’abord passer l’étape législative.