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Des policiers soupçonnés de violences applaudis : la haie du déshonneur

Des policiers sont venus acclamer ce jeudi à Marseille leurs collègues soupçonnés d’avoir blessé au LBD, tabassé et laissé pour mort un jeune de 22 ans. Plus qu’un crachat au visage de la victime, cette scène illustre le sentiment d’impunité toujours plus grand qui est le leur.

David Perrotin

20 juillet 2023 à 19h28

 

 

Il faut voir ces images montrant plus d’une vingtaine de policiers faisant une haie d’honneur pour la sortie de leurs collègues, ce jeudi, devant les bureaux de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), à Marseille. Il faut écouter ces applaudissements de la honte à l’endroit de ces agents soupçonnés d’avoir tiré au LBD dans la tête de Hedi, un jeune homme de 22 ans, de l’avoir traîné au sol, tabassé à plusieurs et laissé pour mort.

Il faut imaginer, enfin, l’émotion de Hedi, assistant de direction, face à cette scène odieuse captée par BFMTV, alors que sa vie est brisée depuis qu’il a croisé des agents de la BAC le 1er juillet dernier à Marseille, qu’il a écopé de soixante jours d’ITT (arrêt de travail) et qu’il a désormais une partie de sa boîte crânienne en moins. Lui ne faisait que rentrer après avoir donné un coup de main dans le restaurant de ses parents. Eux étaient supposés servir, protéger et maintenir l’ordre.

 

Depuis sa chambre d’hôpital qu’il n’a quittée que le 13 juillet, Hedi avait livré sa version auprès de l’IGPN. Les deux équipages de la BAC mis en cause ont été placés en garde à vue, auditionnés, avant que le parquet de Marseille n’estime qu’il y avait suffisamment d’éléments pour demander leur mise en examen, et même leur placement en détention provisoire. Les quatre agents de la BAC bénéficient évidemment de la présomption d’innocence, mais ils sont désormais soupçonnés d’un acte ignoble et doivent être présentés à un juge d’instruction.

Comment comprendre, alors, que des policiers soumis à un devoir de réserve mais surtout d’exemplarité osent manifester un tel soutien public – même si tous ces visages ont été soigneusement floutés par la chaîne.

Comment expliquer ce sentiment d’impunité qui envahit toujours plus cette profession et s’étale ainsi dans l’espace public ? Ce crachat permanent au visage des victimes et cette pression que peut susciter cette foule sur les autres forces de l’ordre, celles capables encore de discernement ? 

Les syndicats de police nous ont habitués à imposer leur rapport de force et leur diatribe haineuse, sans retenue sur les plateaux télé. De manière quasi permanente, ils mettent en cause le récit de victimes, les criminalisent et demandent toujours plus la prise en compte du « contexte » face à des images pourtant accablantes. Par le passé, des policiers ont déjà manifesté leur soutien lorsque des collègues étaient mis en cause. Mais pas aussi rapidement, pas aussi librement.

« On ne vous lâche pas », hurle même l’un des policiers dans la vidéo. Mais qui va les lâcher ? Toute cette partie de la classe politique et médiatique pour qui Nahel, un gamin de 17 ans, n’avait qu’à s’arrêter pour ne pas se faire tuer ? Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, qui s’étouffe quand il entend parler de violences policières ou qui fait en sorte de maintenir le salaire du policier accusé d’avoir abattu Nahel à Nanterre ?

Le préfet de police de Paris, qui répète à l’envi qu’il n’y a « pas de racisme » dans la police et qui refuse de condamner l’existence de la cagnotte en faveur de ce même policier, pourtant lancée par une figure d’extrême droite et sur laquelle une enquête a récemment été ouverte par le parquet de Paris ? Ou toutes ces personnes qui ont jugé utile de la remplir, afin qu’elle atteigne plus de 1,6 million d’euros ?

 

Le jeu coupable d’une large partie de la classe politique

À défaut d’avoir de la décence, ces policiers capables de défier la justice devant les locaux de l’IGPN avaient un « permis ». Le même qui a été délivré par le ministre de l’intérieur et tous ces politiques (Valérie Pécresse, Fabien Roussel et Olivier Faure compris) lorsqu’ils avaient participé au rassemblement organisé par les syndicats de police en mai 2021 et lors duquel la foule applaudissait cette fois le slogan d’Alliance : « Le problème de la police, c’est la justice ! » 

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Dans quelle autre profession des gens viendraient supporter leurs collègues de cette manière ? Imagine-t-on des soignants soupçonnés d’avoir frappé des personnes âgées en Ehpad ou des professeurs d’avoir laissé pour morts des élèves, recueillir des soutiens aussi francs et visibles ?

À elle seule, cette scène illustre le drame actuel de la police : une profession de moins en moins contrôlée, des syndicats de plus en plus puissants, une impunité toujours plus grande.

Toutes les enquêtes scientifiques ou journalistiques mettent en lumière le problème systémique du racisme et des violences policières. Des centaines de récits de victimes, ceux des jeunes de quartier, des « gilets jaunes », d’Angelina à Michel Zecler, montrent à quel point ce sont elles, les victimes, qui sont « lâchées ».

Elles qui sont contraintes d’attendre des années qu’un procès ait lieu, quand l’enquête n’a pas été bâclée, que l’affaire n’a pas été classée. Et pour, parfois, que les policiers soient relaxés. Face à cela, il y a de moins en moins de remparts. Les gouvernements successifs ferment les yeux et le premier « flic » de France déploie, pour défendre ces policiers-là, toute son énergie.