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L’extrême droite a commis une quinzaine d’agressions contre les opposants à la réforme des retraites

 

Depuis la mi-mars, «Libé» a recensé les attaques perpétrées par des groupes fascistes contre des opposants à la réforme du gouvernement. Des actions violentes, touchant surtout les étudiants et les militants de gauche radicale.
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Lors de la manifestation parisienne, mardi. (Denis Allard/Libération)

par Pierre Plottu et Maxime Macé

publié le 31 mars 2023 à 6h24

 

«Si on est là, c’est aussi pour faire un doigt d’honneur à l’extrême droite, annonce Mathis, du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). Leur montrer que s’ils nous attaquent, on reviendra dix fois plus nombreux.» L’atmosphère est joyeuse dans les rangs des manifestants qui défilaient jeudi à Paris, de la place du Panthéon, pile devant l’entrée historique de la fac d’Assas, ex-fief du GUD, jusqu’à celle de la Bastille. Les participants au cortège, peut-être un millier, étaient venus pour dénoncer la répression policière du mouvement social contre la réforme des retraites, mais aussi les violences des militants d’extrême droite qui ont attaqué, par deux fois la semaine dernière à Paris, les étudiants parisiens mobilisés. Plusieurs jeunes ont été blessés lors de ces actions commandos, dont un a eu le nez et la mâchoire fracturés.

Dans ce cortège bon enfant, d’autres mines sont plus fermées. Encadrant de près la manif, des groupes du «SO», le service d’ordre, constitué d’étudiants mais aussi de militants plus âgés issus des rangs du NPA, de Solidaires ou encore de l’Union communiste libertaire. Ils s’affichent sereins mais tiennent à se montrer tandis que la police se fait discrète. De l’avis général ici, ce déploiement de force était indispensable après les violences de la semaine passée. Leur présence rassure ces étudiants qui voulaient être là mais craignaient d’être de nouveau pris pour cible. Et puis, «on ne peut pas laisser les jeunes se faire attaquer à chaque fois», glisse un membre du SO.

 

Depuis la mi-mars, Libé a ainsi recensé près d’une quinzaine d’actions violentes perpétrées par des militants d’extrême droite contre des opposants à la réforme des retraites. Ce sont pour beaucoup des attaques contre des étudiants bloqueurs, sur ou en marge des piquets de grève érigés devant les facs. Mais aussi des guet-apens visant des militants isolés ou en petit groupe lors de manifestations syndicales. Et force est de constater une nette accélération de ces violences. Mi-mars, Libé recensait de premières attaques : une source syndicale dénonçait alors l’incursion de radicaux dans des cortèges un peu partout en France, à Chambéry, Toulon, Albi ou Amiens. Des tentatives discrètes, mais qui avaient obligé les syndicats à «renforcer les services d’ordre», selon cette source.

Au total, du 15 au 22 mars, nous avons recensé quatre attaques : contre des blocages d’universités à Reims (le 15), à Besançon (le 16) et à Lannion (le 21), où un couteau aurait été exhibé selon les témoins, et contre le cortège syndical, toujours à Besançon (le 17). Les actions menées dans la capitale franc-comtoise ont été revendiquées par un groupe baptisé les Ratons nationalistes. Des jeunes d’extrême droite radicale, fascistes, violents, qui s’inspirent des «faits d’armes» de leurs homologues et prédécesseurs du GUD Paris.

«Des casques de motos, des gants coqués»

Ce chiffre de quatre attaques a, depuis le 23 mars, doublé. A Paris, le GUD – en sommeil depuis des années et réactivé sur les cendres des Zouaves Paris, mais toujours emmené par les mêmes extrémistes – a tendu un guet-apens à un cortège d’étudiants de l’ENS et d’Assas qui rejoignaient la manifestation intersyndicale, le 23. «Ils nous ont foncé dessus par surprise, surgissant d’une rue perpendiculaire», raconte un des jeunes qui étaient en tête du petit cortège ce jour-là, «ils avaient des casques de motos, des gants coqués». Bilan : des bleus, des bosses mais «rien de bien méchant», nous dit un autre. Deux jours plus tard, le 25, les gudards s’attaquent aux blocages des centres René-Cassin et Lourcine de la Sorbonne, que plusieurs dizaines de radicaux ont «débloqué» à la barre de fer (des témoignages recueillis par Libé parlent même de couteaux). Un étudiant a eu la mâchoire et le nez fracturés. Le GUD a revendiqué les faits en ligne, gonflant comme à son habitude les muscles, et via au moins un tag apposé sur le mur de la fac : «Waffen-Assas».

A Besançon encore, le journaliste Toufik de Planoise a rapporté, le 23, des agressions contre «des militants isolés» en marge de la manifestation intersyndicale. Le 24, à Brest, une réunion publique contre la réforme des retraites en présence des députés LFI Mathilde Panot et Louis Boyard a été la cible d’intimidations de militants «qui pourraient appartenir au mouvement nationaliste et royaliste Action française», selon le Télégramme citant une source à La France insoumise. Un habitant du quartier a été agressé.

Le 28, lors de la nouvelle journée de mobilisation, Libé a recensé encore trois nouvelles attaques. Une première, qui a échoué, contre la faculté de Lyon-III menée par des militants du syndicat estudiantin d’extrême droite (et proche du RN) la Cocarde étudiante, selon l’Unef. Le même jour, un communiqué du syndicat Solidaires a dénoncé une «agression fasciste» à Lorient contre quatre de ses militants reconnaissables à «leurs chasubles syndicales». Solidaires dénonce des violences commises notamment contre une femme et assure que l’un des agresseurs aurait également «braqué une arme à feu sur deux de [ses] militants». Mardi toujours, à Albi,«deux jeunes de la CGT» ont été envoyés à l’hôpital par des militants du groupuscule identitaire local Patria Albigès, nous informe une source syndicale.

Persona non grata dans les cortèges

L’extrême droite a tergiversé pendant près de deux mois sur la position à tenir vis-à-vis des mobilisations contre la réforme des retraites. Il a fallu attendre le mouvement de colère qui a saisi le pays à la suite de l’utilisation de l’article 49.3 par le gouvernement Borne pour que les militants de la mouvance décident de s’en mêler réellement. Y décelant peut-être un début d’insurrection, les militants se réclamant pour beaucoup du nationalisme-révolutionnaire ne pouvaient pas laisser passer l’occasion.

Pour autant, la mouvance est dans l’incapacité d’organiser elle-même des manifestations de masse et ses militants restent persona non grata dans les cortèges syndicaux. Certains ont tenté d’organiser des mobilisations, comme à Lyon le 24. Un échec : tout au plus quelques dizaines de membres de Lyon populaire et autres groupuscules locaux ont manifesté brièvement – mais librement – en brandissant des fumigènes et une banderole «Face au système Macron : Europe, jeunesse, révolution», un slogan historique des nationalistes-révolutionnaires. Le lendemain, le 25, c’était le GUD qui s’affichait dans une manifestation des Patriotes de Florian Philippot. Le groupe a revendiqué cette présence mais la poignée d’hommes cagoulés est passée en réalité inaperçue.

 

Comme le montre notre décompte, l’extrême droite radicale s’est donc surtout illustrée par sa violence contre les manifestants et les étudiants bloqueurs, qu’elle identifie à des «gauchistes» et des «casseurs». Mardi matin, le GUD était de nouveau devant Assas«car on avait fait courir la rumeur d’un nouveau blocage…» sourit une source dans un syndicat étudiant. Il n’en était rien. Faute de bagarre, les gudards ont distribué un tract, le second de leur jeune existence, vilipendant les «centrales syndicales politisées habituées à traiter avec le régime» et appelant «tous les étudiants à se mobiliser pour soutenir les différents rassemblements des salariés grévistes et de protestation contre la politique du gouvernement». Une pirouette du groupe qui attaquait quelques jours plus tôt les étudiants mobilisés dans le cadre du même mouvement social et qui faisait ainsi «le boulot des flics», dénoncent les participants à la manif de ce jeudi.