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Dossier AGS/ANTICOR

  • 20230115

 https://www.lesechos.fr/economie-france/social/nouvelle-crise-a-lags-lassociation-patronale-de-garantie-des-salaires-1897349

 

Nouvelle crise à l'AGS, l'association patronale de garantie des salaires 

 

 

A la suite d'une série d'audits de l'Unédic, une partie de la direction de l'AGS est en arrêt maladie, sur fond de plainte pour harcèlement et d'une instruction judiciaire pour des soupçons de détournements commis du temps de l'équipe précédente.

 

Par Alain Ruello

Publié le 15 janv. 2023 à 18:00Mis à jour le 15 janv. 2023 à 18:37

 

Près de quatre ans après l'éviction de son directeur national, Thierry Météyé, la délégation Unédic AGS (DUA) traverse une nouvelle crise qui pourrait se traduire prochainement par le départ de celle qui l'a remplacé, Houria Aouimeur. L'affaire serait banale si elle ne concernait pas une entité essentielle dans le monde économique : la DUA assure la gestion opérationnelle de l'AGS, la garantie patronale qui verse les salaires des sociétés défaillantes.

Dans ce dossier très complexe se mêlent, parole contre parole, suspicions de train de vie anormal de la direction de la DUA, de règlements de compte ou encore de harcèlement moral et physique. Avec en toile de fond, ce qui constitue le noeud gordien de tout cela : l'instruction du juge, Vincent Lemonier, sur les soupçons de malversations - favoritisme, enrichissement personnel, mais surtout détournements de fonds de certains mandataires judiciaires - du temps où Thierry Météyé était le patron.

Procédures au carré

Pour mémoire, son éviction est intervenue en 2019, dans la foulée d'un audit du cabinet EY, complété par celui du cabinet Advolis Orfis, entraînant le dépôt de plaintes de l'AGS (l'association patronale qui assure la gouvernance), de l'Unédic (l'employeur des 220 salariés de la DUA reliée à l'AGS par une convention), du Medef et de la CPME . Sitôt installée, Houria Aouimeur a entrepris de remettre les procédures de contrôle au carré pour s'assurer de l'usage des fonds versés et des remboursements de créances . « Un gros travail a été fait et les vannes suspectes ont été fermées », assure l'un des administrateurs de l'AGS sous couvert d'anonymat.

AGS : les chiffres clés de 2021

En 2021, les cotisations perçues par l'AGS ont représenté 860 millions d'euros, selon le rapport annuel. Les avances ont représenté 883 millions pour soutenir 93.000 salariés. Un peu plus de 430 millions ont été récupérés.

Les choses ont tourné vinaigre au printemps 2022, quand l'Unédic, qui n'a pas souhaiter apporter de commentaires, a lancé un audit de la DUA, suivi d'un autre, externe celui-là, sur les frais de fonctionnement, sachant que les syndicats maison étaient montés au créneau depuis plusieurs mois déjà. Restaurants, hôtels, déplacements, ou encore commandes de vins ou de cadeaux de départ à la retraite, certaines factures auxquelles « Les Echos » ont eu accès ont été passées à la loupe pour vérifier leur conformité aux procédures internes.

L'affaire se serait envenimée à compter du 26 octobre dernier, date des premières auditions du juge Lemonier, avec une recrudescence de menaces, harcèlements et intimidations, dont aurait été à nouveau victime Houria Aouimeur, mais aussi, ce qui n'avait pas été le cas jusque-là, certains de ses proches collaborateurs.

Contre-offensive

Pour leurs avocats, Me William Bourdon et Bertrand Repolt, qui ont déposé une plainte ce vendredi, tout cela relève « d'une contre-offensive pour salir, nuire et discréditer Houria Aouimeur et ses collaborateurs » et « ainsi les empêcher de révéler au juge les pratiques de l'ancienne direction ». Les audits ? « Un véritable coup monté sans contradictoire. » « Il n'y a jamais eu l'ombre d'une réserve ou recommandation sur ces frais qui ont baissé de 40 % entre 2018 et 2022 », ajoutent-ils, pointant « les enjeux juridiques et réputationnels pour une communauté d'intérêts compte tenu des présomptions de détournements massifs ».

Pour certaines parties prenantes au dossier, cette plainte serait le véritable contre-feu dans le cadre du bras de fer avec l'Unédic. Quoi qu'il en soit, l'ambiance est à ce point délétère que plusieurs des membres de la direction de la DUA, dont sa directrice nationale, sont en arrêt maladie.

Dernier événement en date, un grand cabinet - PWC selon nos informations - a été mandaté. « Un audit général est en cours, qui doit apporter des éléments objectifs sur la situation au sein de la DUA », confirme le Medef. Du sort donné aux conclusions de ce rapport pourraient dépendre le calendrier, voire l'issue, du projet de transfert des équipes de la DUA de l'Unédic vers l'AGS, à moins de six mois de l'échéance normalement prévue . Le patronat y tient pour contrôler totalement un dispositif entièrement financé par les entreprises.

À noter

L'U2P a rejoint le conseil d'administration de l'AGS aux côtés du Medef, de la CPME et de la CNMCCA.

 

 

  • 20230208

https://www.lesechos.fr/economie-france/social/exclusif-la-cpme-claque-la-porte-de-lags-lassociation-patronale-de-garantie-des-salaires-1904849

 

La CPME claque la porte de l'AGS, l'association patronale de garantie des salaires

Le président de la CPME, François Asselin, reproche au Medef, majoritaire au conseil d'administration de l'AGS, son opacité qui ne lui permet pas, selon lui, d'« assumer ses responsabilités ».

 

Par Alain Ruello

Publié le 8 févr. 2023 à 18:55Mis à jour le 9 févr. 2023 à 13:09

 

L'AGS s'enfonce dans la crise. Alors que le sort de sa directrice nationale, Houria Aouimeur - convoquée à un entretien préalable de licenciement - est suspendu à un rapport d'audit du cabinet PwC , la CPME a décidé de claquer la porte de cette association patronale très connue du monde économique car elle prend en charge les salaires des entreprises défaillantes. Dans le collimateur de l'organisation représentative des PME, le Medef est pointé du doigt pour l'opacité dans laquelle sont prises les décisions.

Dans un courrier daté du 7 février adressé au président de l'AGS, Christian Nibourel, le patron de la CPME, François Asselin ne mâche pas ses mots. « Par courrier daté du mois de juillet 2021, j'ai alerté le président du Medef, organisation majoritaire au sein du conseil d'administration de l'AGS, sur le fait que la délégation CPME au sein de cette instance était tenue à l'écart de la plupart des décisions », commence-t-il par rappeler dans la lettre à laquelle « Les Echos » ont eu accès.

« Assurances verbales »

« Des assurances verbales nous avaient alors été apportées », poursuit François Asselin, l'amenant à mandater début décembre de la même année un certain nombre de membres de la CPME pour représenter l'organisation au conseil d'administration et à la commission de contrôle de l'AGS.

Les « assurances verbales » du Medef n'ont visiblement pas été tenues. « Au vu des derniers événements donnant lieu à la convocation de plusieurs conseils d'administrations extraordinaires, je suis au regret de constater aujourd'hui que notre organisation, minoritaire au sein du conseil d'administration, ne dispose ni des moyens ni des éléments d'information lui permettant d'assumer ses responsabilités […] », déplore François Asselin qui a donc retiré les mandats de ses représentants.

Dossier malsain

Contacté, le Medef a fait part de son « incompréhension », mais renvoie à la CPME pour détailler les raisons de sa décision de pratiquer la politique de la chaise vide. Egalement contactés, les présidents de la CPME et de l'AGS n'ont pas donné suite à nos demandes de réaction.

Les conseils d'administration auxquels François Asselin fait allusion dans sa lettre ont eu trait, au moins pour l'un d'entre eux, à différents audits sur le fonctionnement de la DUA AGS, c'est-à-dire de l'équipe opérationnelle de l'AGS logée au sein de l'Unédic et dirigée par Houria Aouimeur. Se mêlent dans ce dossier très malsain rempli de manipulations suspicions de train de vie anormal de la direction de la DUA, de règlements de compte, ou encore de harcèlement moral et physique, plainte devant la justice à la clé.

Opacité

Les motifs invoqués par la CPME pour retirer toute sa délégation étonnent certains proches du dossier qui pointent que l'organisation représentative des PME, siégeant au comité d'audit de l'Unédic, est au courant des reproches à l'encontre de la directrice nationale de la DUA, même si les audits ne sont pas encore terminés. Quoi qu'il en soit, la décision de François Asselin intervient alors qu'un conseil d'administration extraordinaire de l'AGS a été convoqué ce lundi pour examiner les premiers éléments du rapport de PwC, selon nos informations.

L'opacité reprochée au Medef semble être aussi nourrie par l'attitude de l'organisation dirigée par Geoffroy Roux de Bézieux sur une autre affaire, bien plus importante. Houria Aouimeur a, en effet, été nommée en 2019 pour nettoyer les pratiques de l'ancienne direction de la DUA auprès d'un certain nombre d'administrateurs ou de liquidateurs judiciaires.

De l'avis général, le travail a été bien fait, mais les soupçons de détournement sont tels que deux plaintes ont été déposées dont une par l'AGS, l'Unédic le Medef et la CPME. Mais François Asselin ne supporte visiblement plus de n'être pas du tout tenu au courant de l'évolution de ce dossier potentiellement explosif.

En attendant l'ambiance s'est encore plombée sur le dossier : trois sources différentes affirment que Houria Aouimeur a été convoquée, et le sait, pour un entretien préalable en vue de son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. Contactée ce jeudi matin, la Directrice nationale de la DUA affirme « n'avoir encore rien reçu en ce sens à ce jour ».

 

  • 20230209

https://www.lesechos.fr/economie-france/social/garantie-des-salaires-graves-dysfonctionnements-a-lags-selon-lunedic-1905257

 

Garantie des salaires : graves dysfonctionnements à l'AGS, selon l'Unédic

Rompant le silence dans un dossier très complexe, l'Unédic a fait état ce jeudi soir « de graves manquements aux règles et aux procédures internes en vigueur » au sein de l'AGS, l'association patronale qui prend en charge les salaires des entreprises défaillantes.

 

Par Alain Ruello

Publié le 9 févr. 2023 à 18:52Mis à jour le 9 févr. 2023 à 19:43

 

Affaire AGS suite. Après la CPME qui a claqué la porte du conseil d'administration de l'association patronale qui prend en charge les salaires des entreprises défaillantes, c'est au tour de l'Unédic de rompre le silence dans un dossier complexe qui met en émoi les organisations d'employeurs s'agissant d'une entité essentielle au fonctionnement de l'économie.

Désireux de mettre fin à des « amalgames », l'Unédic a annoncé ce jeudi soir que des audits internes non encore terminés ont révélé « un certain nombre de dysfonctionnements dans la gestion et de manquements aux procédures internes » au sein de la direction nationale de la DUA, l'entité opérationnelle de l'AGS, historiquement logée au sein de l'association qui gère le régime d'assurance-chômage.

Mesures conservatoires

En attendant les rapports définitifs, « les mesures conservatoires nécessaires ont été prises ». Le communiqué de presse ne précise pas lesquelles. L'une d'entre elles concernerait la directrice nationale de la DUA, Houria Aouimeur, qui a été convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire, affirme-t-on de sources concordantes. Contactée ce jeudi matin par « Les Echos », l'intéressée a indiqué « n'avoir encore rien reçu en ce sens à ce jour ».

Les choses seraient banales s'il s'agissait d'une entreprise « lambda ». Ce n'est pas le cas de l'AGS, qui a versé 1,2 milliard d'euros l'année dernière, soit 300 millions de plus en un an. L'augmentation du nombre de défaillances de grosses entreprises dans le commerce notamment présage d'une année 2023 encore chargée.

Audit externe

Pour mémoire, Houria Aouimeur a été nommée en 2019 pour nettoyer les pratiques de l'ancienne direction de la DUA en matière de recours à des prestataires de services (avocats principalement), ce qui a entraîné à l'époque le dépôt d'une première plainte par l'AGS, l'Unédic, le Medef et la CPME. L'autre partie du travail, la plus importante, a porté sur les versements des fonds et surtout leur récupération auprès des administrateurs et liquidateurs judiciaires. Une deuxième plainte s'en est suivie quelques mois plus tard en 2019, portée par l'AGS et l'Unédic, confiée depuis au juge d'instruction Vincent Lemonier .

De l'avis général, le nettoyage a été bien fait par Houria Aouimeur et ses équipes. Mais les choses se sont envenimées en juin dernier. Dans le cadre d'un plan décidé fin 2021 par ses instances de gouvernance, l'Unédic a lancé cinq audits auprès de ses opérateurs (Pôle emploi par exemple), ainsi qu'un audit interne. « Interne, c'est clair, ça signifiait DUA incluse puisqu'il s'agit d'un établissement de l'Unédic », rappelle-t-on de source proche du dossier.

Les premiers éléments qui remontent, sur des notes de frais notamment, éveillent les soupçons de train de vie trop généreux de la nouvelle direction, et surtout en contradiction avec les procédures internes. Cet audit interne « n'a pas pu être mené à son terme sur la totalité de son périmètre, en particulier du fait d'un manque de collaboration pour la conduite de la mission », confirme l'Unédic.

Le bras de fer qui se serait instauré entre Houria Aouimeur et la Direction générale de l'Unédic pousse cette dernière à engager une mission de contrôle externe, auprès de PWC selon nos informations, pour confirmer ou non les « constats préliminaires ». « De premiers éléments de l'audit externe ont été remis à la direction de l'Unédic le 31 janvier, confirmant l'existence de graves manquements aux règles et aux procédures internes en vigueur », poursuit l'Unédic. Ils seront d'ailleurs présentés ce lundi lors d'un conseil d'administration extraordinaire de l'AGS .

Faits accablants

Se retranchant derrière la législation, l'Unédic ne détaille pas la nature des manquements mais visiblement cela dépasse le problème des notes de frais dispendieuses. « Si ce n'était que cela, le problème aurait été réglé en famille. Ce qui est épinglé est accablant. L'Unédic ne peut pas rester sans réagir s'agissant en plus d'un organisme de protection sociale », affirme sous couvert d'anonymat une source ayant connaissance de l'audit.

Dans l'entourage d'Houria Aouimeur, on dénonce depuis une campagne de harcèlement moral et physique, qui l'a amenée à déposer plainte et à saisir le Défenseur des droits. Tout cela serait motivé par la volonté de l'Unédic et du Medef d'empêcher la justice de démontrer les soupçons de détournement de certains administrateurs et liquidateurs judiciaires.

Pas de lien avec les instructions

Démentant cet argument, l'Unédic a tenu à rappeler que l'audit « qui relève d'un exercice interne classique, n'a aucun lien avec l'affaire en cours d'instruction depuis plusieurs années […] L'Unédic et l'AGS ont été entendues par le juge en octobre dernier et apportent leur pleine coopération en qualité de victimes des agissements en cause. »

En réaction, les avocats de la Directrice nationale de la DUA et de son équipe, Maîtres William Bourdon et Jérôme Karsenti, ont regretté « tant sur la description des procédures utilisées que sur le fond, le caractère tantôt inexact, tantôt mensonger des assertions émises ». « Ce communiqué, comme les travaux auxquels il se réfère, n'a d'autre objet que de nuire et porter atteinte à l'intégrité et la probité des équipes au service du seul régime AGS », ont-ils ajouté.

De son côté, le Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ) a réfuté les accusations de remboursement de l'AGS avec retard ou de gonflement de leurs frais pendant des années.

 

  • 20230503

https://www.nouvelobs.com/justice/20230503.OBS72876/face-au-scandale-ags-anticor-se-constitue-partie-civile-l-ampleur-des-detournements-est-considerable.html

 

Face au scandale AGS, Anticor se constitue partie civile : « L’ampleur des détournements est considérable »

 

Face à l’ampleur des détournements au sein des AGS, un fonds de garantie patronale, Anticor, l’association de lutte contre la corruption, a décidé de se constituer partie civile. Son avocat Jérôme Karsenti s’en explique auprès de « l’Obs ».

Propos recueillis par Matthieu Aron
· Publié le 3 mai 2023 à 8h00

 

A l’origine de cette plainte, un scandale majeur. Il touche une institution, l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés (AGS), peu connue du grand public mais qui joue un rôle essentiel. Grâce à une cotisation patronale d’environ 1,5 milliard d’euros par an, les AGS permettent de rémunérer les salariés au moment où leur société est placée en liquidation judiciaire. De 2012 à 2022, plus de 2 millions d’employés dans 240 000 entreprises en faillite ont pu bénéficier des avances faites par ce fonds de garantie pour un montant total de 18 milliards d’euros. Or, au fil du temps, l’organisme est devenu une véritable pétaudière : management opaque, factures exorbitantes, contrôles quasi inexistants… Les détournements de fonds se chiffreraient en dizaines, voire en centaines de millions d’euros.

Fin 2018, une nouvelle directrice, Houria Aouimeur, avait été nommée à la tête des AGS pour y faire le ménage. Mission remplie. Peut-être trop parfaitement. Les révélations faites par cette juriste expérimentée devant le juge d’instruction chargé de ce dossier ont visiblement déplu. Au point que la directrice générale a fini par être licenciée au mois de mars. Ses avocats ont saisi la Défenseure des Droits, Claire Hédon, pour que son statut de lanceuse d’alerte soit reconnu. Ce mercredi 3 mai, l’association de lutte contre la corruption Anticor se constitue partie civile dans ce dossier. Selon son conseil, Jérôme Karsenti, cette affaire devrait permettre de lever le voile sur certaines pratiques des mandataires judiciaires qui gèrent les liquidations des sociétés en difficulté.

A la suite d’une plainte déposée en octobre 2019, une instruction est en cours pour chiffrer l’ampleur des détournements dont a été victime l’AGS et pour déterminer quels en sont les auteurs. Pourquoi Anticor se constitue partie civile aujourd’hui ?

Jérôme Karsenti Anticor se constitue partie civile car l’ampleur des détournements est considérable. Les mandataires ont une mission qui relève de l’intérêt général. L’argent qu’ils distribuent provient de fonds destinés à se substituer aux carences des entreprises en liquidation dans le paiement des rémunérations des salariés. Or il apparaît que d’importantes études de mandataires ne distribuaient pas l’intégralité des salaires ou qu’elles délivraient de faux certificats d’irrécouvrabilité permettant de mettre des sociétés en liquidation judiciaire durant de très longues années avec des logiques prédatrices.

Il n’est pas acceptable que des professionnels du droit, investis d’une mission confiée par la loi et les tribunaux, utilisent leur fonction dans leur propre intérêt et pour en tirer un profit. Anticor estime que ces détournements relèvent d’une atteinte grave à la probité. Les tribunaux de commerce sont, de leur côté, assez peu regardants sur le rôle des mandataires et les procureurs à l’audience également. Il est temps que la justice s’intéresse un peu au fonctionnement d’une justice qui est une justice privée. Les magistrats des tribunaux de commerce sont des commerçants qui jugent leurs pairs ou leurs concurrents, donnant tout pouvoir à des mandataires qui souvent ont davantage intérêt à la liquidation d’une entreprise qu’à sa survie.

Il semble que plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de millions d’euros aient été détournées. Par quels biais certains mandataires judiciaires auraient-ils pu conserver dans leurs études une partie des sommes destinées aux salariés ?

Il faut savoir que l’ancienne direction des AGS avait labellisé certaines études qui sur simple demande et sans aucun justificatif pouvaient obtenir des avances très importantes au titre des remboursements de frais, et ce sous 48 heures. A l’évidence, ce dispositif n’a pas été assez contrôlé. Ensuite, alors que les mandataires sont censés rembourser aux AGS une partie des sommes sur les actifs récupérés après la liquidation des entreprises, l’utilisation de faux certificats d’irrécouvrabilité a permis aux mandataires de conserver une partie de ces sommes. Enfin, plusieurs études, et pas des moindres, ne versaient tout simplement pas aux salariés l’intégralité des sommes qui leur étaient dues.

Si ces pratiques ont pu prospérer, c’est que l’ancienne direction des AGS n’avait pas mis en place les vérifications indispensables pour éviter de tels détournements. Il appartiendra à la justice de vérifier s’il s’agit d’une complicité ou d’une négligence qui a pu profiter à des mandataires peu scrupuleux.

La directrice nationale des AGS, Houria Aouimeur, nommée fin 2018, avait dénoncé ce scandale. Elle a été récemment licenciée. De quoi est-elle la victime ?

Houria Aouimeur est parvenue à mettre en place des procédures pour empêcher la poursuite de ces détournements. Lorsqu’elle a constaté leur importance, elle a déposé plainte au nom des AGS. Deux informations judiciaires ont été ouvertes, puis jointes afin d’être instruites au pôle financier de Paris pour des faits de corruption, prise illégale d’intérêt, abus de confiance et faux. Plus de deux ans après la plainte, elle a été entendue en sa qualité de partie civile et elle a apporté des éléments complémentaires utiles à l’information judiciaire. Ces révélations ont déplu, tant à l’Unédic qu’aux mandataires judiciaires, le tout dans un contexte de renouvellement de la direction du Medef [l’organisation patronale doit élire début juillet le successeur du président sortant, Geoffroy Roux de Bézieux, NDLR].

Le fait qu’Houria Aouimeur ait dénoncé des turpitudes anciennes et installées chez les mandataires judiciaires a fortement contrarié certains intérêts puissants. Au prétexte de diligenter des audits internes sur le fonctionnement organisationnel de l’AGS, son employeur, l’Unédic, a alors engagé une véritable chasse aux sorcières contre elle pour la décrédibiliser et la déstabiliser afin de la licencier. Ce type de procédure-bâillon reste une arme puissante. Nous avons sollicité la Défenseure des Droits pour que le statut de lanceuse d’alerte d’Houria Aouimeur soit reconnu, et pour que le juge des référés soit saisi afin d’annuler son licenciement.

Comprenez-vous l’attitude de l’Unédic, qui a préféré se séparer de sa directrice plutôt que de la soutenir ?

Comme je l’indiquais, Houria Aouimeur a dérangé une petite coterie bien organisée qui utilisait les procédures collectives comme une source évidente de lucre et d’enrichissement. L’Unédic a été contrainte dans un premier temps de soutenir sa directrice. Mais avec ses dernières déclarations et révélations faites devant le juge d’instruction, elle mettait en péril trop d’intérêts. Il fallait la faire taire et faire cesser ce que l’Unédic devait considérer comme du désordre.

Les acteurs de la probité sont toujours présentés par les institutions comme dérangeants, atypiques, hypersensibles, caractériels, etc. Ce qui est une façon de décrédibiliser leur action et d’inverser la présentation des faits. On tente de faire des lanceurs d’alerte le problème des institutions auxquelles ils appartiennent, alors même qu’ils œuvrent fondamentalement à leur survie et leur pérennité. C’est un vrai sujet de société.

De tels détournements de fonds ont-ils été possibles sans que les organismes de tutelle, représentants du patronat ou syndicats de salariés, n’aient jamais été alertés ?

On peut s’interroger sur une forme d’omerta. J’ai de mon côté défendu de nombreux petits entrepreneurs qui étaient placés en liquidation judiciaire par les tribunaux de commerce et qui se sont battus bec et ongles contre des mandataires, jusqu’à tenter d’engager leur responsabilité professionnelle devant les tribunaux. J’ai vu des pratiques de liquidation judiciaire qui duraient vingt ans. J’ai quelques procédures au pénal contre des mandataires qui se terminent par des non-lieux sans que le juge n’ait procédé à la moindre investigation.

Il y a une sorte de consensus mou autour de ces professionnels du droit qui, finalement, rendent un service judiciaire minimum, mais dont chacun a conscience qu’ils sont très difficiles à toucher et à bouger. Lorsque Arnaud Montebourg [ancien ministre de l’Economie, NDLR] avait tenté il y a près de vingt ans de s’attaquer aux tribunaux de commerce, nous avons eu droit à un mouvement de protestation de près d’un an des juges consulaires qui ont la possibilité de faire grève de manière illimitée puisqu’ils exercent cette fonction en plus d’une autre activité professionnelle. Ils ont donc une capacité de nuisance considérable sur le fonctionnement de la justice.