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Des rues de Shanghai désertées par ses 23 millions d'habitants, des usines autour de Canton qui tournent au ralenti faute d'employés aptes à travailler, des tours de bureaux de Pékin désertés par des cols blancs restant à domicile… La flambée épidémique qui sévit en Chine paralyse l'activité de la deuxième puissance économique mondiale et met sous tension les chaînes de valeur mondiale.

Un haut dirigeant de BYD, qui a récemment détrôné Tesla au rang de premier fabricant mondial de voitures électriques, a indiqué qu'environ 20 à 30 % des ouvriers étaient incapables de travailler et s'étaient mis en quarantaine à domicile, engendrant une baisse de production de 2.000 à 3.000 véhicules par jour dans les usines de Shenzhen.

A Shanghai, William Li, le PDG et fondateur de Nio, dit le « Tesla chinois », a averti que le fabricant de véhicules électriques serait confronté à un premier semestre difficile en raison d'une érosion de la demande. Quant à Tesla, il prévoit de réduire la production dans sa gigafactory de Shanghai en janvier, prolongeant des mesures déjà prises ce mois-ci.

L'incertitude à son maximum

L'abandon de la politique « zéro Covid » a été plus brutal et plus rapide que la plupart des entreprises et des économistes l'avaient anticipé. Et alors que les principaux indicateurs d'activité de l'économie chinoise témoignaient déjà d'un net ralentissement en novembre, l'explosion (difficilement quantifiable) de l'épidémie de Covid-19 vient accentuer les difficultés économiques. La Chine devrait enregistrer une croissance du PIB autour de 3 % en 2022, sa pire performance depuis la fin de l'ère Mao.

« L'incertitude quant aux perspectives de croissance de la Chine l'an prochain est sans précédent », estimait l'économiste Alicia Garcia Herrero, dans une note pour Natixis dans la foulée de la levée des restrictions sanitaires en Chine. Or, comme l'ont écrit quatre économistes de la Réserve fédérale de New York dans une étude fin novembre, « ce qui se passe en Chine ne reste pas en Chine ».

Pénuries de médicaments

La Chine a contribué en moyenne à hauteur de 30 % à la croissance mondiale entre 2013 et 2021 et cela devrait encore être le cas l'an prochain. Des économies, comme l'Allemagne, très dépendantes du marché chinois pourraient être affectées. Au-delà, « pour l'Europe, le risque se situe d'abord dans les médicaments. Des pénuries se profilent en Chine. Or, les approvisionnements européens dépendent beaucoup des usines pharmaceutiques chinoises », juge Sophie Wieviorka, économiste chez Crédit Agricole. De nouvelles difficultés dans les chaînes de valeur mondiales ne sont pas à exclure non plus dans d'autres secteurs industriels.

« La pandémie peut aussi créer une vraie fracture générationnelle. Les personnes âgées sont peu vaccinées et, avec la politique de l'enfant unique, la pyramide des âges chinoise est déséquilibrée. Le risque social est donc important dans le pays », considère l'économiste. Sans compter que la rhétorique du gouvernement chinois depuis l'apparition du Covid-19 est basée sur le fait que l'Occident a échoué à gérer la pandémie, tandis que la Chine, elle, a réussi, grâce au verrouillage de la stratégie « zéro Covid » .

Confiance entamée

La confiance dans le régime et son leader, Xi Jinping , pourrait être sérieusement entamée par cet échec puisque les trois dernières années d'enfermement ont eu un coût économique prohibitif et n'ont servi à rien sur le plan sanitaire. Elles n'ont fait que décaler dans le temps l'inéluctable.

« Les chiffres des infections et des décès risquent d'être terribles dans les prochaines semaines. Le passage d'une stratégie 'zéro Covid' à une ouverture complète, sans préparation, dénote le cynisme et le manque de considération des autorités chinoises pour la population », juge Jean-François Huchet, professeur d'économie et président de l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).

Le gouvernement table sur une vague rapide

Mais peut-être qu'à quelque chose, malheur est bon. Les économistes estiment que la réouverture brutale de la Chine pourrait raccourcir la durée du choc économique et finalement accélérer la reprise chinoise. Le pic épidémique pourrait être atteint autour des vacances du Nouvel An chinois, fin janvier. « L'approche du gouvernement semble être de passer la forte vague d'infections aussi vite que possible », estime Yu Xiangrong, économiste chez Citigroup. « Le régime table sur une courbe des infections en V inversé, comme on l'a vu dans les autres pays, ce qui permettrait à l'économie de repartir très vite par la suite », suppute Jean-François Huchet.

Ainsi, les économistes ont commencé à relever leurs projections pour 2023 depuis que Pékin a mis fin à la politique « zéro Covid » il y a quelques semaines. La prévision de croissance du PIB chinois est déjà remontée à 4,9 % pour l'année prochaine, selon le consensus. Et la réouverture rapide de la Chine pourrait même pousser la croissance au-delà, anticipent déjà certains. « Le changement de politique est douloureux à court terme, mais bénéfique à long terme pour l'économie chinoise », estime Gary Ng, économiste chez Natixis. Beaucoup espèrent un fort rebond à partir de mars. Ce qui, revers de la médaille, pourrait relancer l'inflation dans le monde. La demande chinoise de matières premières est tellement importante que la reprise devrait tirer les prix vers le haut. L'économie mondiale n'avait en tout cas pas besoin d'un retour du Covid en 2023…