JustPaste.it

Le document sénatorial qui torpille la généralisation du SNU de Macron

Le document sénatorial qui torpille la généralisation du SNU de Macron

 

La secrétaire d’État Sarah El Haïry a présenté « deux scénarios de généralisation du SNU » à un rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat. Mais ce dernier alerte sur les risques d’une telle décision, dans un document que publie Mediapart.

 

Antton Rouget et Ellen Salvi

9 mars 2023 à 15h28

 

 

Pour le gouvernement, l’information tombe au plus mauvais moment, comme l’a écrit Challenges. L’hebdomadaire d’information économique a révélé, mercredi 8 mars, l’existence d’un rapport sénatorial qui dresse un bilan salé des premières années d’expérimentation du SNU (service national universel), cet objet non identifié, à la frontière entre la colonie de vacances et le service militaire, dans lequel le gouvernement a déjà englouti des milliards d’euros d’argent public, et qu’il envisage de généraliser.

 

L’hypothèse a été ravivée la semaine passée à la suite de la révélation, par Politis, d’un document interne du ministère de l’éducation nationale qui évoque un SNU « progressivement obligatoire », après une expérimentation « à la rentrée scolaire 2023/2024 dans six départements »

 

Le cabinet de Sarah El Haïry a réagi en indiquant que la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du SNU « continue de travailler sur les deux hypothèses qui tiennent la corde : celle d’une éventuelle généralisation sur le temps scolaire », qui a sa préférence, et « celle d’un SNU qui ne serait pas généralisé sur le temps scolaire et resterait volontaire, mais inclurait des dispositifs incitatifs comme l'obtention du permis de conduire ou du Bafa ». « Surtout, elle attend l’arbitrage du président », a ajouté le cabinet auprès de l’AFP. La décision pourrait intervenir « cette année scolaire », entre mars et juin, mais « rien n’est acté à ce stade ».

 

Cette mission sénatoriale a été conduite pendant un an par le sénateur socialiste Éric Jeansannetas, membre de la commission des finances de la chambre haute qui a adopté le rapport mardi matin. Les conclusions auxquelles l’élu est parvenu à la suite de son contrôle budgétaire du SNU ne risquent pas d’apaiser les critiques contre le dispositif, régulièrement taxé de « mascarade » :

  • L’expérimentation du SNU s’est déroulée « de manière bien plus lente que prévu ». En 2022, 32 416 jeunes ont participé, bien loin des 50 000 attendus.
  • Elle n’a pas rempli ses objectifs initiaux en matière de « représentativité sociale » – 33 % des participants en 2022 ont au moins un parent qui travaille dans les corps en uniforme, alors qu’ils ne représentent que 2 % de la population générale.
  • D’après les « retours de terrain », le sénateur explique que le SNU fait également face à une difficulté de taille : le manque de « centres d’hébergement disponibles en été ».

Autrement dit, pour paraphraser Emmanuel Macron pendant la crise sanitaire, le SNU, quatre ans après son lancement, « ce n’est pas un échec, mais ça n’a pas marché ».

 

En conclusion, le rapporteur spécial « propose de surseoir le projet de généraliser le séjour de cohésion à l’ensemble d’une classe d’âge ». « Cette suspension devra permettre de lever des incertitudes et d’obtenir plus d’informations sur la généralisation du service national universel », considère-t-il, en estimant le coût d’un SNU généralisé à l’ensemble d’une classe d’âge de 2,4 à 3,1 milliards d’euros par an, comme l’avait déjà conclu un rapport des inspections générales remis au premier ministre en 2018.

 

« Dans un contexte où le gouvernement tente de redresser la situation budgétaire, comme on le voit avec la réforme des retraites, les discussions avec Bercy risquent d’être compliquées », souligne Éric Jeansannetas auprès de Mediapart. S’il ne nie pas les « effets positifs » du SNU sur la base du volontariat, le sénateur craint un problème d’acceptation en cas d’obligation, y compris du côté des professeurs des écoles, qui ont déjà du mal à boucler leur programme, et à qui l’on retirerait encore quinze jours de cours, en cas de généralisation sur le temps scolaire.

Une nouvelle audition de Sarah El Haïry sera organisée dès lors qu’Emmanuel Macron aura exprimé son avis sur le sujet.

 

https://s3.documentcloud.org/documents/23699506/essentiel_snu.pdf