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Plus d’une espèce d’arbre sur trois est menacée d’extinction à travers le monde

La liste rouge établie par l’Union internationale pour la conservation de la nature et mise à jour à l’occasion de la 16ᵉ conférence mondiale sur la biodiversité, organisée à Cali, en Colombie, alerte sur les pressions pesant sur les arbres.

Par Perrine Mouterde (Cali (Colombie), envoyée spéciale)

 

Marronnier d’Inde, ou marronnier commun, au parc des Buttes-Chaumont, à Paris, en 2022.

Marronnier d’Inde, ou marronnier commun, au parc des Buttes-Chaumont, à Paris, en 2022. BERTRAND GUAY / AFP

 

Ce chiffre pourrait presque résumer, à lui seul, l’enjeu des négociations en cours à Cali, en Colombie, où se tient la 16e conférence mondiale sur la biodiversité (COP16) : plus d’une espèce d’arbre sur trois est aujourd’hui menacée d’extinction.

Le sorbier de Legré, endémique des Alpes-de-Haute-Provence ; le chêne Hinckley, qui appartient au groupe des chênes blancs ; plus de la moitié des essences de magnolias ; le marronnier d’Inde, pourtant largement répandu en Europe… Les arbres sont, eux aussi, frappés de plein fouet par les activités humaines qui entraînent un effondrement de la biodiversité. A Cali, les négociateurs de quelque 200 pays doivent dire, d’ici au vendredi 1er novembre, comment ils entendent mettre en œuvre leurs engagements visant à « faire la paix avec la nature ».

 

La mise à jour de la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), publiée lundi 28 octobre, constitue la plus vaste évaluation de l’état de santé des arbres. Pour la première fois, la majorité des quelque 64 000 espèces connues ont été inscrites sur ce registre mondial : sur les 47 282 essences évaluées, au moins 16 425 (38 %) sont en danger d’extinction, c’est-à-dire classées dans l’une des trois catégories allant de « vulnérable » à « en danger critique ». Cette évaluation, qui résulte de la collaboration d’un millier d’experts mobilisés depuis plusieurs années, confirme le résultat d’une étude publiée en 2021 par l’association britannique Botanic Gardens Conservation International.

« Un rôle majeur pour les écosystèmes »

« Les arbres jouent un rôle majeur pour les écosystèmes et les populations, souligne Eimear Nic Lughadha, la responsable de l’évaluation et de l’analyse de la conservation aux jardins botaniques royaux de Kew. Nous espérons que cette statistique effrayante incitera à une action urgente et sera utilisée pour éclairer les plans de conservation. »

 

La liste rouge, l’inventaire mondial le plus complet de l’état de la faune et de la flore, est l’un des instruments permettant de prendre le pouls de la biodiversité. Née il y a tout juste soixante ans, elle répertorie désormais plus de 166 000 espèces végétales et animales, parmi lesquelles 46 337 sont menacées. Le nombre d’espèces d’arbres risquant de disparaître est deux fois plus important que celui de toutes les espèces d’oiseaux, de mammifères, de reptiles et d’amphibiens menacées réunies.

A chaque fois que des arbres disparaissent, des milliers d’autres espèces de plantes, d’animaux ou de champignons sont à leur tour fragilisées. « Plus des deux tiers des espèces d’oiseaux menacées à l’échelle mondiale dépendent des forêts, rappelle Cleo Cunningham, responsable du climat et des forêts à l’organisation non gouvernementale (ONG) BirdLife International. Ce rapport doit être pris au sérieux pour les populations locales et les peuples autochtones qui dépendent des forêts. »

Les populations humaines utilisent au moins 7 000 essences différentes pour se nourrir, se chauffer, se soigner ou disposer de matériaux de construction. Les arbres jouent également un rôle-clé dans le cycle de l’eau, des nutriments, du carbone, pour la régulation du climat et la formation des sols. Maintenir des forêts diversifiées et en bonne santé est essentiel à la fois pour la biodiversité et pour lutter contre le dérèglement climatique.

Plusieurs menaces se cumulent : déforestation – pour le développement urbain et les activités agricoles –, espèces invasives, maladies, conséquences de la crise climatique avec la montée du niveau de la mer et des tempêtes plus fréquentes, particulièrement sous les tropiques… Selon cette nouvelle évaluation, les arbres situés sur des îles sont les plus à risque. Le baobab de Grandidier, par exemple, la plus grande des six espèces de baobabs endémiques de Madagascar, souffre à la fois de la surexploitation de son écorce et de ses fruits et de la perte de son habitat en raison de défrichements, de l’artificialisation des sols et du réchauffement.

Mais le phénomène est global. En Amérique du Sud, où se trouve la plus grande diversité d’arbres au monde, le déboisement au profit de l’agriculture et de l’élevage constitue la menace principale. C’est le cas notamment en Colombie, où 45 % des espèces endémiques sont en danger. « Réduire le taux de changement d’affectation des terres est l’un des moyens les plus efficaces pour réduire la perte de biodiversité », rappelle une étude publiée en janvier 2023 dans le bimensuel en ligne Plants, People, Planet.

 

« Aucune excuse pour ne pas passer à l’action »

Malgré les engagements des Etats à y mettre un terme, la déforestation se poursuit dans plusieurs régions du monde. Pour les arbres natifs du continent européen, les espèces invasives sont considérées comme la première cause de déclin, suivies par la déforestation, l’exploitation forestière et l’étalement urbain.

« Avec cette évaluation, nous savons désormais où agir pour lutter efficacement contre la crise d’extinction qui frappe les arbres dans le monde, insiste Jean-Christophe Vié, directeur général de la Fondation Franklinia, une ONG de conservation. Il n’y a aucune excuse pour ne pas passer à l’action. Avec un si grand nombre d’espèces d’arbres menacées, la tâche est immense. »

Certains projets portent leurs fruits : dans le pays hôte de la COP16, par exemple, des universités, les autorités et le secteur privé sont mobilisés pour tenter de sauver le baobab colombien, une essence endémique du canyon du Chicamocha, en protégeant son habitat et en travaillant à sa réintroduction. Outre la conservation et la restauration des espaces naturels, l’UICN appelle aussi à développer des projets de conservation de ces espèces en dehors de leur aire de répartition, grâce à des banques de graines ou des collections dans les jardins botaniques.