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Quatre militants d’extrême droite relaxés à Angers

Des membres de l’Alvarium, un groupuscule identitaire dissout, étaient poursuivis pour participation à « un groupement en vue de préparer des violences » lors des émeutes de juin et juillet. Le tribunal a estimé qu’ils étaient en « état de nécessité ».

Par Christophe Ayad(Angers, envoyé spécial)

 

La rue du Cornet, à Angers, dans la soirée du 2 juillet 2023.

 La rue du Cornet, à Angers, dans la soirée du 2 juillet 2023. OUEST FRANCE / PHOTOPQR

 

Angers n’est pas près d’en avoir fini avec l’Alvarium et ses militants identitaires et d’extrême droite. Le tribunal correctionnel de la ville a relaxé, jeudi 10 août, les quatre militants de cette mouvance qui étaient poursuivis en renvoi de comparution immédiate pour des faits survenus lors des émeutes urbaines de la fin du mois de juin et du début de juillet.

Seul l’un d’entre eux, Côme J. de P., a été condamné à une peine de trois mois de prison avec sursis pour des violences volontaires commises à l’encontre d’un militant antifasciste qui participait, lors de l’épisode d’émeutes urbaines de fin juin, à une manifestation devant le local de l’association dissoute depuis 2021 par décret gouvernemental, tout comme le Bastion social et Génération identitaire dont il était proche.

 

Cependant l’ex-Alvarium poursuit ses activités à la même adresse – rue du Cornet, dans le centre-ville d’Angers – et avec les mêmes individus sous le couvert du Rassemblement des étudiants de droite (RED). Cela occasionne de fréquents affrontements avec le mouvement antifasciste d’Angers.

Ainsi, lors des émeutes qui ont suivi la mort de Nahel N., tué par un policier à Nanterre, la mouvance antifa de la ville avait appelé à manifester devant la mairie puis devant les locaux du RED. Quelques jeunes émeutiers issus des banlieues s’étaient mêlés au cortège. Plusieurs soirs de suite, des manifestants s’étaient approchés du 31, rue Cordier ou s’étaient attaqués à la porte du local, s’attirant des répliques des militants d’extrême droite barricadés à l’intérieur avec coups de gourdins et jets de bouteilles. Les affrontements s’étaient produits durant les soirées du 30 juin au 3 juillet.

C’est dans ce contexte que s’inscrivent les faits pour lesquels étaient renvoyés les quatre militants de l’ex-Alvarium, dont le fondateur et leader emblématique, Jean-Eudes G.

Identifiés grâce à des caméras de vidéosurveillance, ils ont tous été convoqués début juillet et placés en garde à vue puis déférés au parquet qui les a renvoyés en comparution immédiate pour avoir « participé sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens ». Le délit est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende selon l’article 222-14-2 du code pénal. Le procès était renvoyé à un mois plus tard.

 

Des jeunes gens insérés socialement

Même si plusieurs membres de l’ex-Alvarium ont été condamnés dans le cadre de violences envers les antifas, il est rare que quatre d’entre eux comparaissent ensemble pour des faits qui illustrent la continuation des activités du groupuscule malgré sa dissolution. Celle-ci étant toujours en cours d’examen devant la justice administrative, le RED n’a encore jamais été poursuivi pour « reconstitution de ligue dissoute » alors qu’il est un duplicata de l’Alvarium. Mais ce n’était pas l’objet du procès de jeudi.

La question du jour était la suivante : les militants du RED s’étaient-ils rassemblés à leur local avec des armes par destination (battes, manches à balai, etc.) dans le but d’en découdre avec les antifas en sachant pertinemment que des affrontements auraient lieu ?

Les quatre militants d’extrême droite comparaissaient tous libres. Ils sont sagement alignés en jean et chemises claires, chacun se distinguant par sa touche capillaire. Coupe de premier communiant pour Jean-Eudes G., traiteur, le plus âgé avec ses 28 ans. Cheveux rasés sur les tempes, frange sur le côté et fine moustache pour Côme J. de P., 23 ans et ramoneur au civil. Cheveux longs et barbe à la Jésus-Christ chez Théodore R., 23 ans, concepteur d’applications, déjà condamné en 2020 pour des fais similaires et le port d’une matraque télescopique. Enfin, coupe de chanteur de variétés et barbe de trois jours pour Gaspard B., étudiant en droit et le plus jeune de la bande puisqu’il a 20 ans. Ce sont des jeunes gens insérés socialement. Jean-Eudes G., qui a candidaté sans succès à plusieurs reprises à des élections sous l’étiquette Rassemblement national ou en indépendant, est le père de trois enfants dont le dernier est né pendant sa garde à vue.

 

Sous la présidence amusée mais attentive et parfois pédagogique de Guillaume Bocobza-Berlaud, les débats sortent régulièrement du cadre fixé par la prévention. Qui a attaqué qui le premier ? Les prévenus assurent tous qu’ils ne savaient pas qu’il y avait un appel à manifester contre le local du RED le 30 juin. Ils s’y seraient retrouvés par habitude, pour se protéger de l’insécurité ambiante. Mais alors, pourquoi amasser des objets contondants ? Les débats s’enlisent et tournent en rond. Côme J. de P., qui souffre d’un bégaiement léger, bafouille de plus en en plus à mesure que le président souligne ses contradictions. Chacun se présente comme une victime de la rage antifasciste, qui empêcherait les militants identitaires de se promener sans danger dans Angers.

 

Défendre leur « refuge »

Après une suspension destinée à télécharger des vidéos de télésurveillance, on observe un changement d’attitude : les prévenus assument d’être venus rue du Cornet au local du RED pour défendre leur « refuge » alors qu’il était menacé.

La projection de la vidéo vaut toutes les explications, comme le fait remarquer la procureure, Béatrice Nectoux, dont la ressemblance frappante avec la première ministre Elisabeth Borne n’était pas la moindre incongruité de ce procès. On voit sur les images les militants de l’ex-Alvarium guetter l’arrivée de manifestants hostiles puis, à leur vue, sortir en force pour les repousser hors de la rue du Cornet. S’ensuit un ballet d’avancées et de reculs de chaque camp, avec un bref épisode où un antifa, venu foncer dans le tas, se retrouve isolé et se fait frapper au visage puis au sol à coups de pied par Côme J. de P.

 

Dans son réquisitoire, Béatrice Nectoux insiste sur le moment où les militants de l’ex-Alvarium sortent ensemble du local : « C’est là que se forme le groupement en vue de commettre des violences. » Elle balaie l’argument de la « légitime défense » brandi par la défense. « On ne se défend pas en attaquant. » Et insiste : « Frapper un homme au sol, c’est de la vengeance ! » Elle désigne Jean-Eudes G. comme le « leader ». Elle réclame un an de prison, dont six mois avec sursis contre Côme J. de P., huit mois dont quatre avec sursis contre Théodore R., la même peine pour Jean-Eudes G. et enfin six mois avec sursis à l’encontre de Gaspard B. Pour tous, elle réclame une interdiction de paraître de deux ans à Angers. Stupeur dans la salle remplie d’un peu plus de vingt sympathisants d’extrême droite, tous très jeunes.

Parmi les quatre avocats, l’un plaide la « légitime défense », l’autre la « dissuasion », un troisième tempête contre l’article 222-14-2, « une résurgence de la loi anticasseurs » des années 1970. Deux avocats, Mes Pierre-Marie Bonneau et Alain Belot, invoquent « l’état de nécessité » qu’aurait causé l’attaque des antifas. Bingo ! C’est l’argument que le tribunal a retenu pour justifier la relaxe, estimant que l’agression subie n’avait pas entraîné une agression supérieure « à ce qui était nécessaire ». Rendez-vous au prochain affrontement.