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Ce soir je rentre chez moi fredonnant les quelques notes qui me reviennent si souvent en mémoire depuis je ne sais combien de temps. Quelques notes, en boucle, accompagnées d’un rythme à la fois dansant, languissant, chaleureux et mélancolique. Cet air, je sais que je le connais, sans pouvoir exactement mettre le doigt sur ce qu’il est. Je ne connais pas les paroles et d’ailleurs il m’est impossible de me souvenir dans quelle langue elles sont chantées. A vrai dire cela m’importe peu, car la plupart du temps je ne fais même pas attention à ce refrain qui m’accompagne dans mon quotidien. 

 

Alors ce soir je monte les escaliers qui mènent à mon petit appartement. Nous sommes en mars, les jours commencent enfin à se rallonger, ce qui me remonterait le moral si cette semaine n'avait pas été si froide et grise. A l’intérieur, je m’écroule sur mon canapé sans prendre le temps d’allumer la lumière. Machinalement, je prends mon briquet et la cigarette dont j’ai rêvé dans le métro. En l’allumant, je perturbe l’obscurité, et regarde le point rouge danser en face de mon visage. Pendant un temps, je laisse mon esprit vagabonder. J’essaye désespérément de ne pas penser à ce qui me tracasse mais plus je m’efforce, plus les images se renforcent dans mon esprit. J’ouvre la fenêtre, mon salon commence à être un peu trop enfumé à mon goût et l’air frais qui saisit mon visage me fait un bien fou. Dans le reflet de la vitre, j'aperçois un objet que je n’avais pas encore remarqué. J’éteins ma clope, allume enfin la lumière et vois un carton avec un post-it posé dessus.

 

Je mets un peu de temps avant de complètement déchiffrer l’écriture peu soignée sur la note. Je reconnais tout de même la plume de mon père. Je me souviens qu’il devait me déposer quelques affaires. Des objets qui prenaient la poussière chez lui et qui me permettraient d’insuffler un peu de vie dans mes étagères qui ne contiennent qu’une poignée de romans et de DVD. J’aurai préféré le voir en personne mais nos horaires ne coïncident pas, et puis il a un double de mes clés, c’était probablement plus pratique pour nous deux. Dans le colis, je reconnais une partie des objets poussiéreux qui me sont légués. Des vieux dessins animés, des bandes dessinées de mon enfance, quelques livres ennuyeux que je devais lire pour les cours. Je range mécaniquement tous ces vieux objets jusqu’à ce que l’un d’entre eux attire mon attention tout particulièrement. Il s’agit d’un DVD qui affiche sur sa couverture, un homme qui marche dans la rue, cigarette à la bouche et en haut, une bande verte avec écrit dessus “Buena Vista Social Club”. 

 

Ce film, je m’en souviens. Plutôt, je me souviens des nombreuses fois où je l’ai aperçu. Je sais que je ne l’ai jamais vu en entier mais chaque fois que mon père faisait le ménage, il le lançait. Alors, je sortais deux minutes de ma chambre pour voir ce qui passait en boucle à la télé. Je n’ai jamais vu ce film en entier mais son souvenir morcelé est plus fort que ma dernière séance de cinéma. Plus je regarde cette boîte, plus j’entends les airs de musique cubaine, mélangés au bruit assourdissant de l’aspirateur. Je décide de lancer le disque et je reconnais dans une des chansons, cet air qui m’a tant de fois accompagné. Je fredonne et je sens sur ma peau, bien que la nuit soit noire, le soleil qui me réchauffait, pendant les nettoyages de printemps de mon enfance.

 

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