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CMA CGM offre 5 milliards d'euros à Bolloré pour sa branche logistique

Julien Dupont-Calbo, Gwénaëlle Barzic
6–7 minutes

Publié le 18 avr. 2023 à 17:52Mis à jour le 18 avr. 2023 à 18:18

La proposition, XXL, est arrivée mardi matin chez Bolloré. CMA CGM offre de racheter la branche logistique du groupe breton pour une valeur d'entreprise de 5 milliards d'euros, en excluant les liquidités présentes dans l'entité. Une « offre spontanée », selon Bolloré.

Pour permettre « une phase d'audit confirmatoire » et des discussions, ce dernier a décidé d'entrer en négociations exclusives avec l'armateur marseillais, lui donnant jusqu'au 8 mai pour remettre une promesse d'achat engageante et détaillée sur Bolloré Logistics. Si celle-ci, le cas échéant, est acceptée, il y aurait encore plusieurs mois de négociations avant un accord officiel. Dans la foulée de l'annonce, le groupe Bolloré a gagné plus de 5 % à la Bourse de Paris.

L'autre jambe de CMA CGM

Si l'affaire aboutit, ce serait un coup d'éclat supplémentaire pour CMA CGM . Et au passage, et de loin, la plus grosse acquisition de son histoire. Depuis le rachat de Ceva en 2019, l'armateur investit lourdement pour se doter d'un nouveau métier complémentaire à son activité historique, le transport de conteneurs sur toutes les mers du globe, et devenir un acteur majeur et holistique de la logistique mondiale. Aujourd'hui, seul le danois Maersk joue dans la même catégorie en termes d'intégration.

Dernièrement et parallèlement à son entrée au capital chez Air France-KLM, Eutelsat ou M6, CMA CGM s'est offert Gefco, le spécialiste de la logistique automobile appartenant jadis à Peugeot, ou encore Colis Privé, sur le front disputé du dernier kilomètre. Il se développe également rapidement dans le fret aérien.

« Notre second métier est la logistique, qui nous permet de répondre à la demande de nos grands clients d'assurer l'entreposage et le transport sur les derniers kilomètres », expliquait Rodolphe Saadé début mars, dans une interview aux « Echos », en marge de la publication de bénéfices annuels record sur le sol français - près de 25 milliards de dollars de résultat net. Un trésor qui permet sans danger quelques folies.

Jugée stratégique par le gouvernement français, l'activité transport et logistique est aujourd'hui au centre de gravité du groupe construit au fil des décennies par Vincent Bolloré, et aujourd'hui dirigé par son fils Cyrille Bolloré. L'an dernier, Bolloré avait cédé à l'italien MSC, le grand rival de CMA CGM, la partie africaine de sa branche transport et logistique , pour 5,7 milliards d'euros.

Sans l'Afrique, l'entité emploie 13.500 salariés et se montre particulièrement active dans le conseil et la prise en main de la supply-chain pour le compte de clients, un savoir-faire « d'architecte logistique » complémentaire à celui de CMA CGM.

Deux familles qui se connaissent

L'an dernier, le groupe Bolloré a profité de la période exceptionnelle du transport pour afficher des résultats en forte hausse, avec 7,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires (+ 36 % sur un an) - dont 2,6 milliards en Afrique-, et 437 millions de résultat opérationnel (+71 %). Fin décembre, la branche Logistics détenait 1,2 milliard d'euros de trésorerie nette. CMA CGM présente donc aujourd'hui une proposition plus ou moins similaire en termes de montant à celle de MSC, pour une entité dotée du double de revenus mais disposant de moins d'actifs matériels.

L'intérêt de CMA CGM pour Bolloré logistique n'est pas nouveau. Début 2022, Rodolphe Saadé avait fait part de son intérêt mais Cyrille Bolloré, qui le connaît bien, avait alors donné la priorité aux discussions avec MSC sur la cession de sa branche africaine. Rodolphe Saadé a attendu à peine quelques mois après la clôture de l'opération avec le géant italien pour revenir à la charge.

Possédant le même ADN familial, les deux groupes se connaissent de longue date et ont vu leurs destins s'entrecroiser par le passé. En 2005, Bolloré avait cédé sa flotte maritime issue du rachat de l'armateur Delmas à CMA CGM, puis mis à profit le produit de l'opération pour accélérer son expansion en Afrique.

Selon une source bancaire qui connaît bien le groupe breton, ce dernier était plutôt dans une logique d'expansion de son activité de logistique et a des acquisitions en vue. Ce qui ne l'empêcherait pas de faire preuve d'opportunisme en cas d'offre « à prix canon », comme pour les actifs africains.

Bolloré à l'heure des choix

Sans cette division, la physionomie de la galaxie Bolloré serait largement modifiée - une nouvelle fois-, avec l'actif Vivendi en guise de ligne principale. Ce serait toutefois un choix radical, l'activité logistique étant l'oeuvre phare de Vincent Bolloré : à partir du rachat de la Scac en 1986, à l'époque pour 150 millions de francs, il a bâti un empire international pesant désormais 18 milliards d'euros en Bourse.

Mais aujourd'hui, Bolloré est à l'heure des choix : s'il veut persévérer dans la logistique mondiale, il devra investir massivement pour suivre le rythme effréné de la consolidation d'un secteur rempli de mastodontes internationaux. Avec le produit de la cession, Bolloré pourrait par ailleurs renforcer son emprise sur Vivendi et le sortir de la cote, une opération régulièrement évoquée par les analystes financiers.