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Formation professionnelle

Muriel Pénicaud met un pied dans un gros groupe de formation privé

 

L’ex-ministre du Travail, à l’origine du «big-bang de la formation professionnelle» avec sa loi de 2018, s’apprête à entrer dans le conseil d’administration d’un gros groupe du secteur.
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L'ancienne ministre du Travail Muriel Pénicaud, à l'Elysée en 2020. (Gonzalo Fuentes/REUTERS)

par Marie Piquemal

publié le 28 novembre 2022

 

Muriel Pénicaud, l’ancienne ministre du Travail, est sur le point de faire son entrée au conseil d’administration de Galileo Global Education, un énorme groupe d’enseignement supérieur privé, acteur majeur de la formation initiale et continue. En pleine expansion depuis… la loi Pénicaud de 2018.

C’est l’une des grosses réformes du premier quinquennat de Macron, portée par l’ancienne ministre qui annonçait elle-même «un big bang de la formation professionnelle». Les mots ne sont pas trop forts : depuis cette loi, les chiffres de l’apprentissage explosent, passant en quatre ans de 300 000 à 730 000. Les dépenses d’argent public pour soutenir cette politique aussi – 11,3 milliards d’euros rien qu’en 2021. La semaine dernière, Libération racontait comment une partie de cet argent public était, de fait, captée par de gros groupes de formation détenus par des fonds d’investissement. Galileo en fait partie. Le groupe, peu connu du grand public, détient une cinquantaine d’écoles privées (Cours Florent, Atelier de Sèvres, Paris school of business…) et les formations 100 % en digital de sa filiale Studi.

 

Pas de problème majeur pour la HATVP

L’entrée de Muriel Pénicaud dans le conseil d’administration de Galileo a été rendue publique lundi par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui surveille les mobilités public-privé des anciens ministres, leurs collaborateurs et les hauts fonctionnaires. La HATVP, présidée par Didier Migaud, se prononce sur leurs nombreuses reconversions professionnelles, pour lever le risque pénal de prise illégale d’intérêts. Le contrôle doit porter aussi sur la déontologie, afin de prévenir les conflits d’intérêts.

 

En l’espèce, la Haute Autorité ne voit pas de problème majeur et prononce donc son avis (en fait, une décision) : «compatibilité avec réserves». «Il ne ressort pas des éléments dont dispose la Haute Autorité que l’activité envisagée par Mme Pénicaud serait, en soi, de nature à porter atteinte à la dignité, la probité ou l’intégrité de ses anciennes fonctions publiques ou à faire naître un doute sur l’obligation de prévention des conflits d’intérêts qui s’imposait à elle dans l’exercice de celles-ci», écrit la HATVP.

L’ex-ministre, en poste de mai 2017 à juillet 2020, est tout de même priée de ne pas réaliser «toute démarche, auprès des membres du gouvernement en exercice qui l’étaient en même temps qu’elle ainsi que des personnes qui étaient membres de son cabinet lorsqu’elle était ministre et qui occupent encore des fonctions publiques.» Pas de difficulté sur ce point : ses anciens collaborateurs sont partis, en bande, à quelques rues du ministère, pour monter leur business… Un cabinet de conseil en apprentissage, Quintet. Là aussi, la HATVP n’avait pas trouvé à redire.

«On est dans un angle mort de la législation»

Kévin Gernier, de l’ONG Transparency international, est perplexe. Il fait le parallèle avec la décision rendue en avril pour Jean-Baptiste Djebbari. L’ex-secrétaire d’Etat aux transports voulait rejoindre un gros groupe spécialisé dans le transport maritime. La Haute Autorité avait mis un véto, considérant qu’au «regard de [ses] attributions, qui sont en lien direct avec les activités du groupe, et compte tenu de l’importance de celui-ci, opérateur de premier plan dans le domaine du transport maritime, le risque de mise en cause du fonctionnement indépendant et impartial de l’administration serait substantiel». Kévin Gernier a du mal à suivre. «La situation semble être la même pour Muriel Pénicaud, ou quelque chose m’échappe.» PourJean-François Kerléo, professeur d’université de droit public et vice-président de l’observatoire de l’éthique publique, «on est typiquement là dans un angle mort de la législation». Et devant la difficulté du contrôle concret de la HATVP car une fois le feu vert donné, comment s’assurer que «les réserves» seront respectées ?

Ainsi, quand «la Haute Autorité rappelle qu’il incombe à Mme Pénicaud, comme à tout responsable ou agent public, de n’utiliser aucun document ou renseignement non public dont elle aurait eu connaissance du fait de ses anciennes fonctions publiques, sans limite de durée», l’institution aura-t-elle les moyens de s’en assurer ?