JustPaste.it

« Une France ultralibérale ? La bonne blague ! », titre l’éditorialiste des Echos Dominique Seux, le 28 mars dernier. La raison ? « Un pays qui assume des dépenses publiques équivalentes à 58,1 % du PIB et des ponctions fiscales et sociales aussi considérables reste un pays largement socialisé. » Le tournant néolibéral de la France ? Un « mythe » pour l’économiste Elie Cohen le 17 mai dernier, qui plus est « ressassé ad nauseam » alors que « l’argument est parfois indigent ».

Les libéraux usent et abusent régulièrement de l’idée : un haut niveau d’imposition, de dépenses publiques, de protection sociale, de redistribution, de déficits budgétaires et de dette publique serait la preuve que la France n’a pas connu d’évolution vers un fonctionnement toujours plus marqué par le libéralisme économique.

Libéralisme à tous crins

C’est pourtant bien ce qui s’est passé depuis une quarantaine d’années. Les libéraux sont focalisés sur les impôts et les dépenses publiques, en fait sur la remise en cause de la protection sociale qui nourrit les prélèvements obligatoires et les dépenses, parce que c’est leur dernière cible. Tout ce qui faisait par ailleurs l’intervention de l’Etat dans la période d’après-guerre a été progressivement remis en cause. Et la liste est longue.

Ce sont les sept péchés capitaux du libéralisme économique français : une finance libéralisée, le libre-échange, un marché du travail libéralisé, des privatisations, une contre-révolution fiscale au service des plus riches, une chute des investissements publics, une domination de la lecture libérale du monde, à l’université et dans les médias. Libéralisation économique, il y a bien eu donc. Et le bilan, négatif, de toutes ces dynamiques, est impressionnant.

Une fois la main mise dans l’engrenage libéral, le bras y passe, et le reste de l’économie aussi, dans une dynamique difficilement arrêtable

Le cadre général a été porté par des évolutions mondiales vers le libre-échange et la libéralisation financière dans lesquelles la France s’est engouffrée vite et fort. Une fois la main mise dans l’engrenage libéral, le bras y passe, et le reste de l’économie aussi, dans une dynamique difficilement arrêtable.

La libéralisation financière entraîne la mise en concurrence des régimes fiscaux qui obligent à baisser les impôts sur les acteurs les plus mobiles, les riches et les grandes entreprises.

Ces dernières profitent de la liberté de circulation des marchandises pour s’implanter à l’étranger et de celle des capitaux pour mobiliser des actionnaires étrangers qui poussent à donner plus de place aux dividendes qu’à l’investissement.

Recul de l’Etat

Des défaillances de marché, qui justifiaient l’intervention de l’Etat, on passe aux défaillances de l’Etat qui justifient de donner toute la place au marché. Il faut alors réduire l’intervention publique directe dans l’économie. L’investissement public chute : depuis les années 1990, il a été divisé par six, il représente aujourd’hui moins d’un quart de point de PIB.

Concrètement, au nom de la baisse des dépenses publiques et des recettes fiscales des collectivités locales, les écoles, les routes, les universités, etc., ne reçoivent plus les moyens nécessaires à leur développement.

L’enseignement supérieur français craque de partout et ouvre la voie à un school business privé qui ne profite qu’à ceux qui en ont les moyens. Sans oublier les conditions de travail précarisées d’une partie des enseignants et des personnels administratifs.

L’Etat intervenait également directement dans l’économie par l’intermédiaire des entreprises publiques. Droite et gauche confondues ont mené un long et important processus de privatisations aux lourdes conséquences.

Les entreprises rendues au privé se sont engagées dans une course au rendement qui a eu plusieurs conséquences néfastes

Les entreprises rendues au privé se sont engagées dans une course au rendement qui a eu plusieurs conséquences néfastes : moindre effort de recherche que dans les autres pays, internationalisation plus poussée qu’ailleurs, désintérêt pour le développement des sites de production sur le territoire, priorité donnée aux actionnaires sur l’investissement, course à la baisse des prélèvements et à la hausse des subventions, à la précarisation des contrats de travail. On a là la combinaison fatale de la désindustrialisation française.

Quant aux privatisations, ou au recul de l’Etat, dans les entreprises concernées par les services publics, le résultat n’a pas été meilleur. Des prestations plus chères, de moins bonne qualité, avec des conditions de travail dégradées pour les personnels.

Tout cela est porté par un climat intellectuel dans lequel think tanks, économistes et éditorialistes libéraux occupent une place de plus en plus sans partage.

Certes, même avec tout cela, la France n’est pas devenue un enfer ultralibéral. L’Etat social fait de la résistance en dépit de toutes ces attaques, et heureusement !

Les temps semblent même commencer à changer : on reparle politique industrielle, taxation des riches, juste effort fiscal des multinationales, souveraineté économique, protectionnisme, etc. Il est temps : la France libérale est dans l’impasse.

https://www.alternatives-economiques.fr/7-peches-capitaux-de-france-liberale/00107264