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Salles de shoot : à Marseille, le préfet bloque le projet du centre-ville

Le refus d’une implantation d’une salle de halte soins addictions, jeudi 25 septembre, interroge sur la volonté de l’Etat de soutenir ces expérimentations, qui, pour l’heure, doivent prendre fin en décembre.

Par Gilles Rof (Marseille, correspondant)

 

Des produits servant à la consommation de drogue, à Marseille, le 17 novembre 2024. 

 Des produits servant à la consommation de drogue, à Marseille, le 17 novembre 2024. SYLVAIN ROSTAING / « LE PICTORIUM » / MAXPPP

 

Il n’y aura pas de halte soins addictions (HSA) dans le centre-ville de Marseille. Le préfet des Bouches-du-Rhône a, jeudi 25 septembre, sèchement enterré ce dossier en discussion depuis plus d’une décennie dans la deuxième ville de France.

 

Interrogé en marge d’une conférence de presse sur l’activité de la préfecture de police, dont il est également responsable, et notamment sur la lutte contre le trafic de stupéfiants, Georges-François Leclerc a stoppé net l’hypothèse de l’implantation d’une troisième salle de consommation de drogue à moindre risque en France, après celles de Paris et Strasbourg. « Je ne souhaite pas de HSA dans le centre-ville de Marseille. Si vous en créez une, cela vient à dire que vous n’interpellez pas de consommateurs dans la zone. (…) Le traitement médical est important mais la priorité va à la répression », a expliqué le représentant de l’Etat, qui a érigé la reprise en main sécuritaire du centre de Marseille comme une de ses priorités.

 

Alors que la période d’expérimentation nationale qui permet d’ouvrir des HSA prend fin en décembre, la fin de non-recevoir du préfet Leclerc est un coup de massue pour les nombreuses associations qui œuvrent sur le terrain. Et notamment dans le quartier Belsunce (1er), où la consommation de drogue dure se fait depuis près de deux ans à ciel ouvert, au grand dam des habitants.

 

« La situation s’est aggravée tout au long de l’été, avec de plus en plus de personnes en situation de précarité catastrophique, et notamment des femmes, très éloignées du soin et de l’accès aux droits », constate Maela Lebrun, directrice du Bus 31/32, un des plus anciens acteurs de la prévention des risques à Marseille. Au cours de l’été, la file active de cette structure – qui suit plus de cinq cents personnes – a augmenté de plus de 10 %, entraînant un phénomène de saturation des équipes.

Une évaluation positive

A la fin de juillet, après une réunion avec l’agence régionale de santé (ARS) et la préfecture, les associations travaillant dans le centre de Marseille ont senti le vent tourner. Dans un communiqué commun, elles ont alors dénoncé la responsabilité de l’Etat dans la situation, relevant son « incapacité chronique à répondre aux besoins primaires d’un public marginalisé que personne ne veut voir » et exigeant « des moyens supplémentaires adaptés à la réalité des besoins ». Les associations demandaient aussi « la reprise des discussions concernant la HSA », après l’échec d’un premier projet, en janvier 2024. Une dernière requête réglée de façon radicale par le préfet Leclerc.

Choquée elle aussi par une annonce qu’elle n’attendait pas, la première adjointe et adjointe à la santé, Michèle Rubirola, dit avoir entamé immédiatement un dialogue avec Georges-François Leclerc. « J’espère le faire revenir sur sa décision.Pour l’instant, on n’a marché que sur le pied de la répression, et on voit bien que les résultats ne sont pas là », explique l’ex-maire écologiste, dont le programme électoral en 2020 promettait l’ouverture d’une telle structure. Mme Rubirola compte convaincre la préfecture, dans une réunion programmée vendredi 26 septembre, d’implanter une salle de consommation supervisée dans une zone plus éloignée de l’hypercentre.

 

La décision du préfet des Bouches-du-Rhône survient au moment où l’avenir des HSA est en balance. L’expérimentation, ouverte en 2016 par la ministre de la santé socialiste Marisol Touraine, et prolongée pour trois ans en 2022, arrive à son terme en décembre 2025. Sans que l’on sache si elle sera ou non prolongée. Une évaluation commandée à l’inspection des affaires sociales et à l’inspection de l’administration, révélée par Le Monde en novembre 2024, recommande « d’inscrire dans le droit commun » les HSA, « afin de prévoir, en droit, la possibilité d’ouvrir de nouveaux espaces de consommation supervisée ».

Les consommateurs ciblés

Ce rapport dresse un bilan positif de ces salles où les usagers trouvent, outre un lieu sécurisé pour consommer, la possibilité d’accéder à un suivi social et médical qui peut leur permettre de sortir de la spirale de la précarité. Il confirme également que ces structures « améliorent la tranquillité publique » en diminuant les consommations de rue, conformément aux conclusions d’une étude scientifique menée par l’Inserm en 2021.

 

Le sujet, porté l’ancien ministre de la santé Olivier Véran lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, n’a pourtant plus guère de défenseurs à la tête de l’Etat. Le ministre de l’intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, juge ainsi que « les salles de shoot créent plus de problèmes qu’elles n’en règlent », comme il l’a déclaré au JDNews. Comme Gérald Darmanin avant lui, le pensionnaire de Beauvau souhaite cibler les consommateurs : « Fumer un joint ou prendre un rail de coke, c’est avoir du sang sur les mains », déclare-t-il dans le même entretien.

Seul le ministre de la santé démissionnaire, Yannick Neuder, interrogé en avril 2025 par la sénatrice écologiste de Paris Anne Souyris sur l’avenir des HSA, s’est dit « plutôt favorable » à la poursuite de leur activité. « Je ne souhaite pas que des centres qui ont de bons taux de satisfaction ferment. Ce ne sont pas de vulgaires salles de shoot ! », a répondu le ministre, par ailleurs médecin. Sensibilisé au cas marseillais par Michèle Rubirola, Yannick Neuder rappelle toutefois que « l’acceptabilité de ces structures peut poser problème ». Après la démission du gouvernement Bayrou, la question de l’avenir des HSA devra être rapidement tranchée entre le prochain ministre de la santé et le Parlement.