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A Paris, des opérations de maintien de l’ordre en rupture avec la « méthode Lallement »

Après des années de gestion offensive du maintien de l’ordre, le nouveau préfet de police, Laurent Nunez, a entendu démarquer son action de celle de son prédécesseur.

Par Antoine Albertini, 20 janvier 2022

 

En langage administratif, cela s’appelle un « changement de posture », mais, vu au ras du cortège parisien – 80 000 personnes selon le ministère de l’intérieur, un chiffre indiscutablement sous-évalué –, la gestion du maintien de l’ordre, jeudi, a inauguré un changement d’ère. Ou, plutôt, le retour à une doctrine éprouvée, faite de mise à distance des forces de l’ordre, de cogestion avec les organisations syndicales et, lorsque la situation le réclame, d’un traitement ponctuel et quasi chirurgical des incidents.


Avec cette première manifestation d’ampleur depuis sa nomination à la Préfecture de police de Paris, au mois de juillet 2022, Laurent Nunez savait que son action et sa capacité à prévenir et à affronter d’éventuels débordements seraient scrutées, analysées, commentées. Après trois ans et demi d’une approche très offensive de cette question par son prédécesseur, Didier Lallement, il entendait s’en démarquer en opérant un retour aux fondamentaux de la stratégie française en la matière, fondée sur la dissuasion autant que sur la manœuvre.

 

De fait, pas moins de 3 500 policiers et gendarmes ont été engagés jeudi après-midi à Paris, soit trente-neuf unités de forces mobiles, renforcées par des fonctionnaires issus des compagnies d’intervention de la préfecture de police, des brigades anticriminalité (BAC) et des brigades de répression de l’action violente, les fameuses BRAV, à pied ou motorisées. Pourtant, en dépit de ce déploiement de forces, il était bien difficile d’apercevoir un seul uniforme le long du boulevard Beaumarchais, qui mène à la place de la Bastille, sur la première partie du trajet menant jusqu’à la place de la Nation.

Dialogue avec les syndicats

Discret, le dispositif n’en était pas moins présent dans la quasi-totalité des rues adjacentes, dissimulé à la vue des manifestants mais prêt à intervenir. A deux reprises au moins, il a témoigné de son efficacité ; lorsque des black blocs se sont attaqués à une agence bancaire puis à la succursale d’une compagnie d’assurances. En quelques minutes dans le premier cas, en moins de soixante secondes dans le second, des unités spécialisées appuyées par des effectifs en tenue de maintien de l’ordre sont intervenues pour procéder à des interpellations et extraire les fauteurs de troubles. « Sans compromettre le déroulement de la manifestation, alors que la présence d’éléments à risque en plein cœur du cortège compliquait considérablement la manœuvre », souligne une source policière.


Cette tactique avait également été doublée par une préparation en amont : rétablissement du dialogue avec les organisations syndicales, reçues mardi par le préfet de police, définition d’un itinéraire bis en cas de heurts – emprunté par plusieurs milliers de manifestants –, présence d’officiers de liaison de la préfecture de police dans le cortège et, en sus, plus de deux mille contrôles préventifs aux abords de la place de la République. Alors que la journée était annoncée à haut risque, le bilan de la Préfecture de police de Paris faisait état, jeudi soir, d’un total de 44 interpellations pour port d’arme prohibé, outrage et rébellion, jets de projectiles ou dégradation, et de quatre blessés légers parmi les forces de l’ordre. Sans aucun incident majeur.

Antoine Albertini