JustPaste.it

Le ton est policé, le langage factuel et technique, mais nul besoin de surinterpréter le contenu de la dernière publication de la Cour des comptes, « La situation et les perspectives des finances publiques », pour y lire un réquisitoire contre la gestion des finances publiques des sept dernières années.

Bien entendu, l’institution répète à longueur de pages que pour maîtriser ses déficits budgétaires et réduire sa dette, la France devrait s’attaquer à la baisse de ses dépenses publiques. Mais calée sur sa fonction d’expert-qui-ne-fait-pas-de-politique, elle ne nous dit pas lesquelles il faudrait réduire ni ne mesure les conséquences macroéconomiques et sociales de ce choix. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs…

Plus intéressant est le bilan de la politique fiscale que propose le document. On sait que le déficit budgétaire a dérapé l’an dernier pour s’établir à 5,5 % du PIB. Le manque de recettes y a joué pour beaucoup. En partie car le lien entre progression du PIB et progression des recettes fiscales est redevenu plus normal, après avoir été extraordinairement élevé en 2022.

 

Mais la Cour pointe également l’effet amplificateur des baisses d’impôts de 2023 pour 10,7 milliards dont la majorité (60 %) relève de suppressions pérennes de recettes (baisse des impôts de production, suppression de la taxe d’habitation…).

Sur un temps plus long, entre 2018 et 2023, c’est au total 62 milliards d’euros de recettes que Bruno Le Maire, futur ex-ministre des Finances, a jeté par les fenêtres, l’équivalent de 2,2 points de PIB, estime la Cour. Toutes choses égales par ailleurs, sans cette idéologie antifiscale, le déficit budgétaire serait légèrement supérieur à 3 %...

Et ce n’est pas tout. La Cour souligne un point rarement mis en avant : la structure de nos prélèvements a été fragilisée. La part de la TVA dans les recettes totales a diminué (de 36 % en 2017 à 21 % en 2023). Or c’est une ressource bien plus stable que les autres impôts (sur le revenu, sur les bénéfices) car relativement moins sensible aux variations conjoncturelles.

Non seulement la politique macroniste a tué les recettes fiscales mais elle en a sapé la solidité, l’ensemble contribuant largement aux dérapages du déficit et à la progression de la dette.

A lire L'Economie Politique n°103 - 08/2024

 

Une trajectoire bancale 

L’analyse de la Cour ne se contente pas de faire le diagnostic des soucis causés par la politique suivie depuis sept années. Elle alerte également sur la situation à venir.

Sur le programme de stabilité budgétaire prévu par le gouvernement qui prévoit un retour du déficit vers les 3 % du PIB à l’horizon 2027, le message est clair :

« Cette nouvelle trajectoire est peu crédible. »

Côté recettes, on découvre finalement qu’en dépit du discours gouvernemental sur l’impossibilité d’augmenter les impôts « la trajectoire du programme de stabilité intègre donc des mesures de hausses d’impôts d’ampleur, à hauteur de 15 milliards d’euros en 2025 (0,5 point de PIB) et de 6,2 milliards d’euros en 2026 (0,2 pt de PIB), soit 21,2 milliards à cet horizon. »

Certes, l’extinction du bouclier tarifaire y contribuera en 2025 mais seulement pour 4 milliards. Le bon sens semble donc l’emporter pour tenter de réduire les déficits ? Sauf que si un chiffre est fourni, on ne sait rien des mesures envisagées !

Le gouvernement revient à un déficit maîtrisé à l’horizon 2027 avec une hypothèse de maîtrise des dépenses publiques qui « impliquerait un effort d’économie sans précédent ». Qui plus est, « cet effort inédit n’est pas documenté » !

En résumé, la politique budgétaire du gouvernement nous a conduits directement dans une situation de dérapage des finances publiques avec un déficit de 5,5 points de PIB en 2023, au même niveau en 2024. Et la Commission européenne prévoit qu’il soit du même ordre en 2025. Les baisses d’impôts y ont contribué pour plus de 2 points de PIB. La trajectoire de maîtrise à l’horizon 2027 repose sur du sable.

Des perspectives inquiétantes

Cerise sur le gâteau, la Cour rappelle en fin de document que toutes ces analyses ne prennent pas en compte les effets macroéconomiques et budgétaires du réchauffement climatique. Il va falloir des dépenses publiques supplémentaires, la moindre consommation d’énergies fossiles va diminuer les recettes dans une proportion plus grande que ce que rapportera le surcroît de consommation d’électricité, la croissance sera plus faible du fait de l’impact de la décarbonation.

Résultat : un surcroît de dette publique de l’ordre de 7,5 points de PIB. Ce n’est pas si élevé et facilement absorbable par une économie à la dette maîtrisée.

Ce n’est malheureusement pas le cas de la France. Les experts de la Cour ont tenté de mesurer l’ampleur du risque que fait peser le n’importe quoi budgétaire du gouvernement. Ils ont calculé où se trouveraient le déficit et la dette française si, d’ici 2027, la croissance était de 1 % par an, la dépense publique en volume augmentait de 1,1 % par an et les prélèvements obligatoires restaient stables.

« Le cumul de ces trois scénarios porterait la dette sur une trajectoire ascendante qui excéderait de plus de 7 points de PIB en 2027 la prévision du programme de stabilité tandis que le déficit atteindrait 5,9 points de PIB à cet horizon. »

Un dérapage très sérieux qui placerait la France dans une position budgétaire très délicate et une dette au bord de l’immaîtrisable. Tel est le bilan de sept ans de macronisme.