La Ciivise dans la tourmente après une plainte pour agression sexuelle contre sa vice-présidente
La nouvelle Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a annoncé la mise en retrait de la docteure Caroline Rey-Salmon, visée par une plainte pour « agression sexuelle par personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction ».
Par Solène Cordier
Caroline Rey-Salmon, médecin légiste et pédiatre, lors de la présentation de la nouvelle feuille de route de la Ciivise, à Paris, le 5 février 2024. EMMANUEL DUNAND / AFP
La nouvelle Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) vit décidément des débuts difficiles. Au surlendemain de l’installation de ses travaux, la Ciivise 2, déjà marquée par des polémiques en raison de l’éviction de l’équipe précédente par le gouvernement, a annoncé le « retrait total » de sa vice-présidente, visée par une plainte pour « agression sexuelle par personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction ».
La docteure Caroline Rey-Salmon, pédiatre et experte judiciaire, est accusée par une jeune femme de l’avoir agressée sexuellement lors d’un examen gynécologique faisant suite à une réquisition judiciaire. La médecin légiste, qui a participé à la création de la première unité médico-judiciaire pour mineurs, en 2003, à l’hôpital Armand-Trousseau, à Paris, exerce désormais à l’unité médico-judiciaire de l’Hôtel-Dieu, à Paris.
C’est là que se seraient produits les faits dénoncés par la plaignante, selon l’Agence France-Presse, qui a pris connaissance de la plainte révélée dans un premier temps par Franceinfo. La plainte a cependant d’abord été déposée à Marseille, a appris Le Monde auprès du parquet de Marseille, mercredi 7 février. Elle porte sur la manière dont s’est déroulé un examen gynécologique effectué en 2020, dans le cadre d’une procédure judiciaire pour des faits d’inceste, selon les dires de la plaignante, qui a présenté le récit des faits sur son compte Instagram. Contactées, ni Mme Rey-Salmon ni la jeune femme qui l’accuse n’ont donné suite aux sollicitations du Monde.
La docteure Rey-Salmon se retire de ses fonctions
Orientée par la brigade des mineurs dans le cabinet de Mme Rey-Salmon, après une plainte pour viols subis dans son enfance, la jeune femme, 20 ans à l’époque, affirme que sa parole a été « remise en question » après un premier examen gynécologique. Elle indique que la médecin aurait alors tenté, avec insistance, de faire revivre les sensations à la patiente, provoquant une réitération de son traumatisme. « Elle a posé ses doigts sur moi, a fait des mouvements de va-et-vient et m’a demandé de fermer les yeux et d’imaginer que c’était le pénis de l’agresseur, afin de me souvenir du mouvement exact qu’il faisait », écrit-elle. « J’étais tellement dissociée que j’ai oublié la fin de l’examen et les jours qui ont suivi », ajoute-t-elle.
La plaignante affirme s’être résolue à déposer une plainte après avoir découvert que Mme Rey-Salmon rejoignait la nouvelle direction de la Ciivise. Plusieurs publications précédant celle-ci montrent qu’elle déplorait, depuis plusieurs semaines, le départ contraint du juge Edouard Durand de la tête de la Commission, créée en 2021. Son témoignage a d’ailleurs été partagé sur les réseaux sociaux par plusieurs anciens membres, qui accusent la nouvelle direction, dont les travaux ne font que commencer, de ne pas mettre la parole des victimes au centre de leurs travaux.
Lors de la présentation de sa nouvelle feuille de route et de sa nouvelle équipe, lundi, au ministère des solidarités, la direction avait tenu à rassurer en saluant ses prédécesseurs et en indiquant que la doctrine « on vous croit, on vous protège » était toujours la sienne, avec un ajout : « on vous accompagne ».
Quelques heures après la médiatisation de la plainte, la Ciivise a indiqué que Mme Rey-Salmon avait pris la décision de se mettre en retrait de ses fonctions. Le président de l’instance, Sébastien Boueilh, confirme qu’il s’agit d’une « mise en retrait totale des travaux de la Commission tout le temps de l’enquête ». « Ce retrait est indispensable à la sérénité des travaux de la Commission. Les personnes victimes ainsi que les associations qui les représentent doivent pouvoir conserver leur entière confiance dans la Commission », précise le communiqué de la Ciivise.