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Gérald Darmanin au JDD : « Plus aucune ZAD ne s’installera dans notre pays »

Mis en cause dans la gestion du maintien de l’ordre pendant les manifestations contre la réforme des retraites et à Sainte-Soline, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin accuse « le terrorisme intellectuel de l’extrême gauche ».

Jérôme Béglé, Sarah Paillou, David Revault d’Allonnes, Stéphane Sellami 01/04/2023 à 22:32, Mis à jour le 01/04/2023 à 22:39
Gérald Darmanin dans son bureau , place Beauvau.
Gérald Darmanin dans son bureau , place Beauvau. © Eric DESSONS/JDD

Il riposte. Et c’est du brutal. Mis en cause dans la gestion du maintien de l’ordre lors des manifestations contre la réforme des retraites, accusé par Jean-Luc Mélenchon d’avoir « organisé le désordre » lors de la manifestation interdite contre les méga bassines à Sainte Soline, samedi 25 mars, Gérald Darmanin s’est longuement défendu, vendredi après-midi face au JDD, dans son bureau de la place Beauvau. Droit dans ses bottes. Il défend becs et ongles les forces de l’ordre. Pointe la responsabilité de l’ex-candidat LFI à la présidentielle, qualifié de « pyromane ». Et annonce la création d’une « cellule anti-ZAD » au ministère de l’Intérieur, ainsi que de nouvelles dissolutions.

Peut-on encore manifester librement et en sécurité en France aujourd’hui ?
Oui. La liberté de manifester est un droit fondamental. La quasi-totalité des manifestations se déroule d’ailleurs sans aucun incident. Mais la liberté de manifester n’est pas la liberté de manifester violemment. Quand la violence, les casseurs et l’ultragauche s’en mêlent, alors il est du devoir des forces de l’ordre de dire stop. C’est du bon sens.

Le comportement récent de certains effectifs, comme des policiers de la 21e CI et de la Brav-M à Paris ou des gendarmes à Sainte-Soline, a-t-il été suffisamment sanctionné ?
Je refuse de céder au terrorisme intellectuel de l’extrême gauche qui consiste à renverser les valeurs : les casseurs deviendraient les agressés et les policiers les agresseurs. Je redis mon total soutien et mon admiration aux policiers et gendarmes. Ils sont les filles et les fils du peuple, font un travail difficile et nous protègent. Quand la police utilise la force légitime, ça peut évidemment être musclé, mais c’est pour répliquer aux attaques extrêmement violentes de casseurs professionnels, qui sont là pour détruire des biens, ou, pire, pour « tuer du flic ». Depuis le 16 mars, il y a eu 1 093 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers blessés, 2 579 incendies volontaires, 316 atteintes à des bâtiments publics et pas un mot de l’extrême gauche pour condamner ces violences. Qui trouve ça normal ?

 Je n’ai jamais eu la main qui tremble pour ceux qui déshonorent leur propre uniforme 

Que faire pour remédier aux débordements des forces de l’ordre ?
La quasi-intégralité des forces de l’ordre fait son métier avec honneur. Il peut y avoir, comme dans tout métier, des agents qui ne respectent pas le droit, la formation qui leur a été donnée ou le code de déontologie. Ils doivent être sanctionnés et ils le sont. Je n’ai jamais eu la main qui tremble pour ceux qui déshonorent leur propre uniforme. Mais voilà le genre de tracts qu’on distribue contre ces mères et pères de famille ! [Il exhibe une boule de plâtre hérissée de gros clous.] À Sainte-Soline comme dans certaines manifestations sauvages, ce n’était pas du maintien de l’ordre : c’était de la guérilla.

Vous avez assuré avoir « sanctionné beaucoup de fonctionnaires de police et de gendarmerie ». Combien précisément ?
Depuis le début du mouvement social, il y a eu 36 enquêtes judiciaires de l’Inspection générale de la Police nationale [IGPN] et deux de la Gendarmerie nationale [IGGN]. En 2020, 101 policiers et gendarmes ont été sanctionnés pour usage disproportionné de la force et 111 en 2021. On parle donc de quelques dizaines de cas sur les 250 000 policiers et gendarmes dans notre pays. J’appelle les politiques et les médias à ne pas tirer dans le dos des forces de l’ordre : ils ont un courage que beaucoup n’ont pas pour affronter la violence. Respectons-les.

Une pétition a été lancée sur les réseaux sociaux appelant à la dissolution de la Brav-M. Plus de 240 000 signatures auraient été recueillies…
Il s’agit d’une pétition politisée, relayée par La France insoumise, qui déteste la police. Personne n’est dupe de cette manipulation idéologique. Beaucoup de choses fausses circulent sur la Brav-M. La comparaison avec les « voltigeurs » des années 1980 est totalement erronée : leur moto n’est qu’un moyen de déplacement. Les journalistes qui ont suivi cette unité l’ont constaté.

 Mon devoir est de protéger ceux qui nous protègent. Je prends des coups pour eux et c’est mon rôle 

Un rapporteur spécial de l’ONU évoque « une inquiétude partagée sur la manière dont la force est utilisée en France », le Conseil de l’Europe s’alarme d’un « usage excessif de la force »… Ne faut-il pas faire évoluer la doctrine du maintien de l’ordre, largement décriée depuis des années ?
J’entends les critiques mais j’encourage leurs auteurs, plutôt que de commenter des extraits vidéos depuis New York ou Bruxelles, à venir sur le terrain. Quand on est un peu loin, on a une vision différente. Quand on est au plus proche des forces de l’ordre, comme je le suis, on voit le déchaînement de violence qu’ils subissent.​

Mediapart vous qualifie de « ministre du mensonge » après vos déclarations sur les armes utilisées à Sainte-Soline ou sur les difficultés d’intervention des secours…
Mon devoir est de protéger ceux qui nous protègent. Je prends des coups pour eux et c’est mon rôle. La violence du débat politique de l’extrême gauche mène à ces insultes. Parlons de Sainte-Soline : le sujet n’est pas la manœuvre de la gendarmerie, mais la volonté de s’emparer de n’importe quel sujet pour créer une polémique contre l’État et ses agents. À Sainte-Soline, le Samu témoigne, les gendarmes témoignent, la préfète témoigne, les pompiers témoignent… mais rien n’empêche la fake news, alors qu’il a été démontré que le médecin du GIGN a pris tous les risques et qu’il a été bombardé de projectiles tandis qu’il sauvait des blessés. Il va falloir s’habituer à ces manipulations de l’information à l’avenir.

Vous aviez affirmé qu’il n’y avait pas eu de tirs de LBD depuis des quads…
Dès que j’ai eu connaissance des deux tirs de LBD depuis les quads, je l’ai rendu public [dans C à vous]. J’ai par ailleurs demandé l’ouverture d’une enquête administrative de l’IGGN car c’était contraire aux ordres. Mais est-ce que deux tirs de LBD non réglementaires entachent l’ensemble des gendarmes qui ont pris des jets de pierres et de cocktails Molotov ? Cette manif était interdite. Si les parlementaires de l’extrême gauche ne voient pas d’où vient la violence, l’immense majorité des Français eux, l’ont vu : il suffisait de regarder la télé.

 C’est fini : plus aucune ZAD ne s’installera dans notre pays 

La gestion calamiteuse, par le passé, de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes n’a-t-elle pas été le point de départ de ces violences ?
Les hommes politiques ont manqué de fermeté face à l’extrême gauche. Par complaisance intellectuelle ou par lâcheté. Mais c’est fini : plus aucune ZAD ne s’installera dans notre pays. Ni à Sainte-Soline ni ailleurs. Nous créerons d’ailleurs au ministère de l’Intérieur une cellule anti-ZAD, avec des juristes spécialisés. L’autorité réclamée par les Français est là.

Qui sont ces « casseurs professionnels » que vous dénoncez ?​
Des gens qui comme en Grèce, en Allemagne ou en Italie, ont un projet politique réfléchi et s’organisent pour renverser nos institutions et notre démocratie. Les services de renseignements recensent en France 2 200 fichés S d’ultragauche. C’est une nébuleuse extrêmement violente et dangereuse. Et, fait nouveau, il y a désormais une complaisance très inquiétante des mouvements politiques qui ont leurs entrées à l’Assemblée nationale. Je sonne l’alarme.

Vous pointez une responsabilité de la gauche politique dans cette violence ?​
Une grande partie des électeurs de la Nupes croyaient sincèrement qu’ils votaient pour la gauche unie de Mitterrand ou la gauche plurielle de Jospin. Ils se rendent compte avoir voté pour un mouvement qui prend la pente de cette ultragauche des années 1970. Elle prend en otage la gauche républicaine, qui a toujours soutenu les forces de l’ordre ou la laïcité. Elle trahit le message courageux de Cazeneuve ou de Badinter.

Où en est-on de la dissolution du mouvement des Soulèvements de la Terre ? En envisagez-vous d’autres ?
À la demande du président de la République, on leur a notifié la dissolution ; ils ont dix jours pour présenter un argumentaire contradictoire. Nous passerons ensuite en Conseil des ministres, mi-avril, avant le Conseil d'État s’il y a recours. Nous avons identifié à Rennes un mouvement nommé Defco [pour Défense Collective], qui appelle au soulèvement. Nous allons aussi lancer sa dissolution.

 M. Mélenchon est passé de pompier pyromane à pyromane tout court 

Les attaques de la Nupes contre vous et les violences qui se multiplient ne fragilisent-elles pas votre position ?
M. Mélenchon est passé de pompier pyromane à pyromane tout court. Il ne fait qu’appeler aux manifestations interdites, déverse sa haine sur les policiers, essaie d’obtenir par le désordre ce qu’il n’obtient pas par les urnes. M. Mélenchon a un projet : c’est la révolution. Ses références à Robespierre, qui a quand même installé la Terreur, devraient d’ailleurs nous inquiéter.

Le gouvernement cible la responsabilité de La France insoumise. N’oubliez-vous pas le Rassemblement national, très discret ?
En affirmant l’autorité comme le président de la République le fait, en faisant preuve de fermeté, en soutenant les forces de l’ordre, nous montrons que l’alternative à l’extrême gauchisme n’est pas Mme Le Pen. Nous apportons une réponse concrète à la demande d’autorité des Français. Et alors que M. Mélenchon, par son comportement irresponsable, joue la politique du pire, nous nous donnons les moyens de l’éviter.

Jean-Luc Mélenchon ferait progresser Mme Le Pen ?
Incontestablement. M. Mélenchon est d’un cynisme absolu. Mais tout ceci ne doit pas impressionner les Français. L’extrême gauche, même si elle est très dangereuse, ne rassemble que quelques milliers de personnes, et LFI est très minoritaire dans les urnes. L’immense majorité des Français soutient les policiers et les gendarmes. Ils ne confondent pas agresseurs et agressés.

La Première ministre, Élisabeth Borne, doit rencontrer cette semaine les syndicats au sujet de la réforme des retraites. L’âge de départ légal fixé à 64 ans sera-t-il au menu des discussions, ou non ?
C’est une très bonne chose que l’intersyndicale rencontre la Première ministre. Mais ce serait une erreur de retirer le texte sur les retraites. Celui-ci est essentiel pour nos comptes publics, pour le régime des retraites, pour les futures réformes dont notre pays a besoin.

Quelles doivent être les nouvelles priorités de la majorité ?
À la Première ministre de le décider, mais à mon avis les Français souhaitent une meilleure répartition des richesses entre capital et travail, et que l’on rémunère mieux ceux qui travaillent par rapport à ceux qui ne travaillent pas. Je pense que ces deux sujets sont essentiels pour parler à l’électorat populaire.

Votre projet de loi sur l’immigration est-il définitivement enterré ?
Je souhaite que ce texte revienne à l’ordre du jour du Parlement le plus rapidement possible. Les mesures qu’il contient, que je suis prêt à améliorer, sont indispensables et très populaires. Il faut une politique ferme contre l’immigration irrégulière.

 Le combat parlementaire est difficile dans ce nouveau contexte fait de volonté de bordélisation de l’extrême gauche 

Pourquoi, alors, l’avoir reporté ?
Parce que le combat parlementaire est difficile dans ce nouveau contexte fait de volonté de bordélisation de l’extrême gauche. Et parce que l’on doit discuter avec les responsables des Républicains [LR], avec qui nous devons trouver un accord.

Contiendra-t-il le volet « travail », notamment le titre de séjour réservé aux métiers en tension ?
La Première ministre travaille à bâtir une majorité, je me rallierai à son arbitrage. Il faut un texte fort, à construire avec la majorité LR du Sénat et les LR de l’Assemblée nationale. C’est possible : nous n’avons avec eux que deux sujets de discussion sur 27 articles du projet de loi. Discutons-en.

Au-delà, votre politique migratoire porte-t-elle ses fruits ?
Oui. En janvier et février, on a eu 54 % d’expulsions supplémentaires. On a connu des difficultés avec l’Algérie, qui avait suspendu les laissez-passer consulaires. Ce problème est résolu : je vous annonce que les relations ont repris à 100 %, tout comme les expulsions depuis quelques jours. J’en remercie le gouvernement algérien à la suite des échanges entre les présidents Macron et Tebboune.

Faut-il aller plus loin avec LR, au moyen d’une coalition, d’un accord de gouvernement ?
Je souhaite depuis 2017 que les LR soutiennent la politique courageuse du Président. Ils doivent devenir nos partenaires, pour le bien du pays. Quand le général de Gaulle était en majorité relative, en 1958, il y avait des socialistes qui le soutenaient. Et des centristes, en 1988, avec François Mitterrand. Ce n’est pas à moi de définir sous quelle forme mais, à coup sûr, nous devons tendre la main aux LR comme le fait la Première ministre.

Combien de temps le gouvernement peut-il tenir face à la crise sociale ?
La France n’est pas à l’arrêt, la vie quotidienne des Français continue… À Tourcoing ce week-end, une dame m’a dit : « Je n’aimerais pas être à Paris en ce moment ! » C’est révélateur : les gens ne se sentent pas en prérévolution. En France, dans ses profondeurs, la vie continue : on travaille.

Élisabeth Borne n’est-elle pas irrémédiablement affaiblie ?​
Elle est une cheffe de gouvernement courageuse et forte. Elle a fait adopter la réforme des retraites, elle n’a pas été renversée alors que l’arithmétique parlementaire était contre elle… C’est une femme qui sait prendre des décisions pour servir l’intérêt général des Français, pas ses intérêts personnels. Il vaudrait mieux l’aider que de lui mettre des peaux de banane. Pour ma part, je la soutiens fortement.

 Élisabeth Borne est une cheffe de gouvernement courageuse et forte 

A-t-elle eu raison d’annoncer sa volonté de ne plus recourir au 49-3 sauf pour les textes budgétaires ?
Elle a défini sa méthode, il faut la respecter. Je n’ai pas d’autre commentaire et j’en suis solidaire.

Votre nom circule comme éventuel remplaçant. Diriez-vous oui ?
J’entends aussi ceux qui demandent ma démission [sourires]… Entre les deux, il y a le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, un poste difficile, fatigant mais passionnant. J’y suis très bien et c’est là où je pense être le plus utile.

Serez-vous donc le ministre de l’Intérieur des JO de 2024 ?
J’ai l’honneur d’être ministre de l’Intérieur depuis presque trois ans, mais personne n’est propriétaire de son ministère. Cependant, j’aimerais en effet mener à bien les efforts gigantesques que nous faisons pour bien organiser la Coupe du monde de rugby et les JO. 

 

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