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Une étude prône de réduire drastiquement la place accordée à la voiture pour promouvoir un « système alternatif de mobilité »

Avec 1 million de kilomètres de routes, la voiture est à son aise sur le territoire français. Le Forum vies mobiles suggère d’en rendre 23 % aux transports en commun, et d’en réserver 20 % aux mobilités douces.

Par Jonathan Parienté

 

Le boulevard périphérique parisien à hauteur de la porte d’Asnières, le 12 septembre 2024.

Le boulevard périphérique parisien à hauteur de la porte d’Asnières, le 12 septembre 2024. ED JONES/AFP

 

 

Malgré l’urgence à décarboner nos déplacements, malgré son coût, malgré les politiques destinées à limiter son usage, la voiture demeure le mode de transport ultradominant en France, avec une part estimée à 80 % des kilomètres parcourus. Dans une étude publiée mardi 16 septembre, le Forum vies mobiles, un think tank financé par la SNCF, se prend à rêver à un « système alternatif de mobilités », où la voiture devrait rendre aux piétons, cyclistes et transports en commun 43 % du réseau routier actuel.

Cette étude part du postulat que la prédominance automobile est davantage subie que voulue par les Français. Ces derniers auraient toutes les raisons du monde − pécuniaires, notamment − de faire autrement, mais ne le peuvent pas, faute d’infrastructures et de services adaptés. Ce « tout voiture » laisse aussi au bord de la route le tiers de Français qui ne conduisent pas et tous ceux qui n’ont pas les moyens de posséder ou d’utiliser un véhicule.

 

Deuxième postulat, selon les mots de Sylvie Landriève, directrice du Forum vies mobiles, « il existe un défaut de représentation de l’élite : elle réfléchit comme si toute la France n’était composée que de Paris et de la campagne ». Entre la grande ville et la pleine campagne, il y a les zones périurbaines, les communes intermédiaires, les zones rurales, etc. dont les habitants sont de fait dépendants de la voiture.

Pas de propositions révolutionnaires

Et pourtant, les politiques destinées à favoriser les transports en commun, le vélo, la marche ou encore le covoiturage sont nombreuses. Mais elles sont menées « sans vision systémique pour le territoire. Si on pense les systèmes séparément, il y a forcément des ruptures. Et quand il y a des ruptures, on prend sa voiture », résume Tom Dubois, pilote du projet et porte-parole du Forum vies mobiles. Comment procéder pour que la voiture ne soit plus la seule option ? Les propositions de l’étude ne sont pas en elles-mêmes révolutionnaires : davantage de pistes cyclables, de trains de proximité, des cars et des bus cadencés pour que « 80 % des habitants résidant hors agglomération [soient] desservis par un transport collectif à moins de 2 kilomètres de leur domicile ». « En réalité, tout ce qui est proposé [dans le rapport] existe déjà par petits bouts, mais jamais organisé de manière systémique, ni globale. »

 

Le « système alternatif de mobilités » imaginé et chiffré par le Forum vies mobiles s’inspire à la fois du cadencement des transports en commun suisses et de la politique cyclable néerlandaise. Pourtant, dans ces deux pays, 70 % des déplacements se font encore en voiture. « Dix points de moins qu’en France, c’est déjà beaucoup, mais c’est toujours insuffisant. Pour aller plus loin, il faut prendre de la place à la voiture », estime Mme Landriève.

Avec 1 million de kilomètres de routes, la voiture est à son aise sur le territoire français. Les auteurs de l’étude suggèrent d’en rendre 23 % aux transports en commun et d’en réserver 20 % aux mobilités douces. Ce seraient donc 43 % de « routes déclassées » qui seraient interdites à la circulation automobile, à l’exception des riverains.

« Il ne s’agit pas d’une utopie »

Pour crédibiliser ces propositions, qui sans nul doute seront accusées d’être irréalistes, le Forum vies mobiles a fait appel à deux bureaux d’études, Vizea et BL Evolution, qui ont calqué les grands principes du « système alternatif de mobilités »sur la réalité de sept départements choisis pour être représentatifs de l’ensemble du territoire. Cette simulation permet de donner une estimation du coût.

 

Contrairement à de nombreux projets liés aux transports, les coûts d’investissement sont relativement limités étant donné les ambitions du système ainsi présenté. Il n’est pas question de grands travaux, mais de réaffectation d’infrastructures existante à d’autres usages. Ainsi, les pouvoirs publics devraient investir 177 milliards d’euros auxquels il faudrait ajouter 55 milliards d’euros de fonctionnement par an.

En ces temps de fortes tensions budgétaires, il est probable que le projet fasse tousser Bercy. Mme Landriève l’estime pourtant « tout à fait raisonnable, comparé au coût du “système voiture”, estimé à plus de 300 milliards d’euros annuels pour les Français ». « Il ne s’agit pas d’une utopie, mais d’un scénario concret, conçu à partir des réalités territoriales, et prêt à être expérimenté », conclut le rapport.

Jonathan Parienté