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Nucléaire : la série noire continue pour EDF 

 

L'énergéticien va mener des réparations « préventives » sur les circuits de six nouveaux réacteurs en 2023. De quoi plomber encore la production nucléaire du groupe l'année prochaine et renforcer les alertes sur l'approvisionnement énergétique.

Par Sharon Wajsbrot

Publié le 19 déc. 2022 à 17:23Mis à jour le 19 déc. 2022 à 18:37

 

 

Après avoir assuré ces dernières semaines avoir « stabilisé » la situation et « être au pic du traitement de cette affaire de corrosion », EDF fait machine arrière.

Le groupe a discrètement publié, samedi, toute une liste de nouvelles réparations lourdes à réaliser sur son parc de réacteurs en 2023. Ceci alors que l'Europe risque de traverser un nouvel hiver très tendu sur le plan de l'approvisionnement énergétique compte tenu du manque de gaz.

 

Des réparations « préventives »

EDF a décidé de réparer « préventivement » toutes les tuyauteries des lignes d'injection de sécurité des réacteurs « sensibles » à la corrosion sous contrainte qui n'ont pas encore été inspectés. « Nous optons pour ces réparations préventives, car nous avons considéré que cela ne sert en rien de passer par une étape de recherche parce que nous sommes à peu près sûrs de trouver de la corrosion », explique un porte-parole.

C'est un changement de pied radical par rapport à ce qui avait été décidé jusqu'ici et cela risque de peser sur la production nucléaire prévue pour 2023. Dans le détail, six réacteurs (Belleville 1 et 2, Cattenom 2, Golfech 2, Nogent 1 et 2) verront leurs tuyauteries découpées et réparées dès 2023 alors qu'initialement, ces réacteurs devaient seulement faire l'objet de contrôles par ultrasons au cours de l'année.

 

Toujours dans cette logique de « réparations préventives », deux réacteurs déjà en travaux - Golfech 1 et Cattenom 1 - vont aussi voir le champ de leurs réparations élargi.

Le redémarrage du premier a ainsi été repoussé de mi-février à mi-juin 2023 et, pour le second, EDF annonce un nouvel arrêt de longue durée en 2023 après un redémarrage mi-février. Enfin, à Penly, où les réparations devaient commencer, de nouvelles traces de corrosion contraignent là encore EDF à élargir le champ des travaux. Le redémarrage du réacteur a ainsi été repoussé de fin janvier à mi-juin.

Au total, cela doit porter à 19 le nombre de réacteurs qui auront fait l'objet de réparations pour corrosion ou suspicion de corrosion sur les 56 exploités par EDF en France depuis la découverte de ce phénomène fin 2021.

 

Cinq mois et demi de mise à l'arrêt pour réparer

Selon EDF, tous ces nouveaux travaux nécessitent une mise à l'arrêt de 160 jours en moyenne par réacteur, soit environ cinq mois et demi… Selon les calculs du cabinet Kpler, ces nouvelles annonces réduisent la disponibilité du parc nucléaire d'EDF, déjà historiquement très faible, de 1 GW en janvier, de 2 GW en février et de 3 à 5 GW au deuxième trimestre et au troisième trimestre 2023.

Pour l'instant, EDF n'a toutefois pas fait varier son estimation de production annuelle comprise entre 300 et 330 TWh. Un niveau qui serait déjà un deuxième plus bas historique après les quelque 280 TWh de production qui sont prévus pour cette année.

 

« Nous avions pris des marges de sécurité en allongeant la durée prévisionnelle des arrêts de nos réacteurs de 900 MW. Compte tenu du fait que ces derniers ne sont pas concernés par le phénomène de corrosion sous contrainte, cela devrait compenser les nouveaux arrêts prévus », fait valoir le groupe.

Celui-ci l'a d'ailleurs fait savoir aux marchés, indiquant sur la plateforme qui liste les indisponibilités de son parc, « réduire de moitié » les prévisions de dépassement de durée d'arrêt de 30 jours pour ses réacteurs les plus anciens en 2023.

Tension sur le réseau

De nouveaux dérapages sur ces calendriers viendraient inéluctablement renchérir les prix de l'électricité en 2023 et renforcer la tension sur l'approvisionnement sur le Vieux Continent, compte tenu de l'importance d'EDF dans la fourniture d'électricité en Europe.

Pour le moment, la nouvelle n'a pas affolé les marchés de l'électricité, qui gardent une confiance limitée dans les annonces d'EDF. « On va être dans une situation similaire à cette année, avec une production très faible au cours de l'été et des questions sur le rythme des retours des réacteurs en novembre-décembre pour affronter l'hiver », estime Emeric de Vigan, vice-président chargé des marchés électricité chez Kpler.

 

 

https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/nucleaire-la-serie-noire-continue-pour-edf-1890636