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Il n’y a pas que les prix qui augmentent, les profits aussi et les deux ne sont pas sans rapport. Si le niveau d’inflation diminue légèrement, la profitabilité des entreprises fran­çaises, elle, a bondi au deuxième trimestre de cette année. Le taux de marge des sociétés non financières a augmenté de 1,5 point, pour atteindre 33,2 %.

Selon l’Insee, cela s’explique notamment par la baisse du prix de l’énergie. Après l’envolée de 2022, les prix de l’énergie et des matières premières ont diminué cette année, sans pourtant retomber à leur niveau d’avant la crise. Mais les entreprises françaises n’ont globalement pas répercuté cette baisse de leur facture dans leur prix de vente, faisant mécaniquement augmenter leur marge.

D’importantes disparités sectorielles

 

 

Derrière le niveau de marge moyen, se cachent évidemment d’importantes disparités. Certains secteurs ressortent nettement, comme les branches énergétiques et l’industrie agroalimentaire. Le cas de cette dernière est scruté, car l’inflation s’est déplacée depuis le début de l’année sur le front alimentaire.

La hausse des prix des produits alimentaires explique actuellement quasi la moitié de l’inflation totale. Après avoir chuté en 2021, la marge brute de l’industrie agroalimentaire s’est hissée au deuxième trimestre 2023 à 48,5 %. Un niveau historique, puisqu’il faut remonter à 1994 pour trouver pareille profitabilité.

Des marges record pour l’industrie agroalimentaire

Evolution de la marge des entreprises de l’industrie agroalimentaire et de l’ensemble des sociétés non financières, en %
Source : Insee

Cette hausse explique-t-elle pour autant l’inflation ? Pour tenter d’y répondre, l’économiste Eric Dor a calculé pour chaque secteur l’origine de la hausse des prix. Entre les deuxièmes trimestres 2022 et 2023, les prix de sortie d’usine de l’industrie agroalimentaire ont progressé de 12,2 %. Une augmentation imputable en premier lieu à la hausse des marges (pour 6,7 %), puis à celle des consommations intermédiaires, de l’énergie aux céréales (pour 4,6 %), et plus faiblement à celle de la masse salariale (pour 1,1 %).

Pour le secteur industriel dans son ensemble, les prix de sortie d’usine ont augmenté sur un an de 5,7 % et la contribution de la hausse des marges à cette inflation se chiffre à 5,3 %, soit la quasi-totalité. Cette tendance ne se vérifie cependant pas pour tous les secteurs, la marge des entreprises de services est par exemple en baisse par rapport à 2022 et encore inférieure à son niveau moyen des années 2010.

Un pouvoir de marché

Comment expliquer que les entreprises de certains secteurs puissent se permettre de répercuter plus que la hausse de leurs coûts ? La faute à une faible concurrence, engendrant un pouvoir de marché, selon une étude d’Axelle Arquié et Malte Thie. Les deux économistes du Cépii ont ainsi étudié pour chaque secteur d’activité l’exposition au choc énergétique entre janvier 2020 et février 2023 et la répercussion dans le prix de vente.

« Les industries alimentaires sont le secteur le moins concurrentiel avec un taux de transmission estimé de 110 % », écrivent Axelle Arquié et Malte Thie.

L’industrie alimentaire a plus que répercuté ses hausses de coûts dans son prix de vente

Taux de transmission des prix de l'énergie aux prix de vente, par secteur
Source : Axelle Arquié, Malte Thie, Cepii

Cela signifie que ces entreprises ont répercuté l’entièreté de la hausse des coûts qu’elles ont subie, et même 10 % supplémentaires. Si cette industrie compte de nombreuses PME, les grands groupes et entreprises de taille intermédiaire concentrent 75 % du chiffre d’affaires du secteur, une proportion plus importante que chez nos voisins européens. Les bénéfices des géants de l’alimentaire expliquent donc en partie l’inflation actuelle.