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Parcoursup : comment des écoles privées partent à l’assaut des candidats déçus

Par Eric Nunès  et Camille Gagne Chabrol Publié le 06 juillet 2023 Alors que la phase d’admission principale se termine le 7 juillet, les incertitudes de certains candidats représentent un effet d’aubaine pour beaucoup d’établissements privés qui recrutent en dehors de la plate-forme.

« Tous mes vœux sont en attente sur Parcoursup », reconnaît Ziyn, 18 ans, en réorientation après une première année ratée en licence accès santé à l’université Paris-Est-Créteil. Dans quel établissement sera-t-il à la rentrée 2023 ? Il n’en a aucune idée. Alors, ce samedi 24 juin, il traîne son spleen, à la recherche d’un plan B, dans les allées du Salon des études supérieures de Paris, rue de Charenton, où près d’une centaine d’établissements sont venus offrir leurs services. Pour ces écoles, pour la plupart privées, Parcoursup est une aubaine. Mieux encore, la phase d’admission complémentaire, lorsque des centaines de milliers de lycéens scrutent l’avancement de leur place dans les files d’attente, une période idéale pour susurrer aux oreilles des plus anxieux.

 

Combien sont-ils, un mois après les premiers résultats de la plate-forme d’orientation, encore sur le bas-côté d’un système qui avance sans eux ? Selon le ministère de l’enseignement supérieur, 86 % des lycéens ont reçu, mi-juin, au moins une proposition d’admission. Il demeure que 130 000 jeunes n’ont reçu aucune proposition, et beaucoup d’autres ont été admis dans une formation pour laquelle ils ont candidaté par défaut. Ces jeunes et leurs familles deviennent un énorme marché à conquérir pour les entreprises de l’enseignement supérieur privé, et ce dès les premières semaines de l’été.

 

« L’admission se fait hors Parcoursup » : le même message clignote sur les sites Internet de Digital Campus, Delta Business School et consœurs. Afficher un recrutement hors de la moulinette de la plate-forme d’orientation vers l’enseignement supérieur devient un argument commercial. « Si tes vœux ne sont pas exaucés, il t’en reste toujours un »,ose l’Iscom, un réseau d’écoles de communication privées, avec en arrière-plan la lampe d’Aladin… Pas de vacances pour les services de recrutement de ses établissements. « Nous sommes en plein boost auprès de nos prospects », déclare Magali Guiramand, directrice de la communication et du développement de l’établissement. Sur les cinq cents étudiants de première année qui commenceront en septembre sur l’un des dix campus de l’école, 20 % sont recrutés après avoir reçu des résultats décevants sur Parcoursup, qu’ils soient néo-bacheliers ou en réorientation. « Nos sessions d’admission ne ferment pas de l’été jusqu’en septembre, et on ne cesse de communiquer avec ces jeunes », poursuit Magali Guiramand.

Cibler les réseaux sociaux

Avec son réseau d’établissements privés de près de quinze mille étudiants, répartis sur toute la France, le Collège de Paris, qui rassemble des écoles de commerce, de communication, du numérique, etc., est également à la recherche de ses clients : cinq mille nouveaux élèves à recruter chaque année. « Pour ce faire, nous avons nécessairement une stratégie très offensive en communication digitale. Nous allons parler aux jeunes là où ils sont, c’est-à-dire sur les réseaux sociaux », expose Aline Destaillats, directrice nationale enseignement supérieur au Collège de Paris. Mais pas seulement. Ces écoles écument les salons tout au long de l’année scolaire, beaucoup parviennent aussi à s’introduire dans les lycées pour se présenter et convier les futurs bacheliers à des journées portes ouvertes. « Nous allons même les chercher dans les maisons de quartier et les maisons locales d’insertion », précise Mme Destaillats. Une fois l’information délivrée au potentiel étudiant, les écoles attendent patiemment que les lycéens deviennent des « déçus de Parcoursup », dit la directrice. Commence alors la phase de recrutement.

Parmi ces jeunes, « il existe de bons profils », estime Sébastien Dhérines, président d’Hexagone, une jeune école d’informatique privée créée en 2020, deux années après la mise en service de la plate-forme d’affectation. Avant la phase d’admission complémentaire, l’école a déjà fait signer 70 % de ses nouveaux étudiants. « Ceux qui sont restés sur le carreau de Parcoursup, se sont souvent entêtés à maintenir des vœux qui n’étaient pas atteignables, et qui, plutôt que de choisir une orientation par défaut, vont regarder ce qui se fait dans le privé », détaille le jeune patron. C’est dans ce « vivier » que l’établissement versaillais finit de remplir ses classes.

 

Mais que valent tous ces diplômes et les formations de ces écoles ? Dans les couloirs du Salon des études supérieures de Paris, Alia, 17 ans, lycéenne à Courbevoie (Hauts-de-Seine), déambule à la recherche d’une école. Sur Parcoursup, tous ses vœux sont en attente. La jeune fille se voit bien s’orienter vers l’immobilier. Le stand de l’ESPI, une école privée spécialiste du secteur, lui est grand ouvert. Une conseillère lui présente ses formations. « Ça m’a bien plu, la conseillère est sympa, ça donne envie d’y aller », témoigne Alia. Quid de la valeur des diplômes ? « La conseillère m’a rassurée, elle dit que l’école est en contrat avec l’Etat », témoigne la future bachelière. Si les diplômes de cet établissement sont bien enregistrés au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) du ministère du travail, aucun n’est « visé » (reconnu) par le ministère de l’enseignement supérieur.

« Aucune garantie de qualité »

Dans un communiqué publié le 2 juin, au lendemain de l’ouverture de la phase d’admission principale de Parcoursup, la Conférence des grandes écoles (CGE) a donné un conseil inhabituel à l’intention des familles et des lycéens, concernant les formations qui ne bénéficient d’aucune reconnaissance par l’Etat : « Fuyez ! Ce sont en général des formations pour lesquelles il faudra que l’étudiant débourse des milliers d’euros sans aucune garantie de qualité, ni d’insertion, ni d’ailleurs de bénéficier de cours sur l’intégralité du cursus annoncé, laissant les étudiants démunis avec parfois de lourdes dettes. »

 

Pour obtenir un agrément du ministère de l’enseignement supérieur, la procédure est lourde et les contrôles contraignants. Véronique Daubenfeld, directrice de Sup de vente à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), le décrit : « Nous sommes audités par une commission sous la tutelle du ministère. Tous les cinq ans, nous devons déposer un dossier conséquent, deux auditeurs viennent sur site pour contrôler les éléments déclarés. Nous passons devant une commission composée de chefs d’établissement et d’enseignants-chercheurs. Ils vérifient la qualité de nos enseignements, celle du campus. Les partenaires économiques, les professeurs, les alumni sont interviewés… C’est dense, mais c’est la garantie pour les familles d’une qualité pédagogique », résume la directrice.

 

Pour esquiver le contrôle du ministère de l’enseignement supérieur tout en affichant une reconnaissance de l’Etat, nombre de ces écoles privées se sont tournées vers le ministère du travail et France Compétences, l’organisation de certification professionnelle de celui-ci. Pour obtenir l’inscription d’une formation, « il faut justifier qu’elle répond à des besoins économiques et qu’elle est utile pour s’insérer dans le milieu professionnel », précise René Bagorski, directeur de la certification de France Compétences. Les diplômes délivrés sont des diplômes d’école souvent intitulés bachelor (bac + 3) et mastère (bac + 5). Ils n’ont pas valeur de grade universitaire.

Exigences du ministère contraignantes

Ces établissements s’efforcent néanmoins de rassurer sur la valeur des titres qu’ils accordent. « Ce n’est pas parce que c’est visé que c’est mieux. Nos diplômes répondent au projet professionnel d’un étudiant pour une intégration immédiate sur le marché du travail », assure Mme Destaillats, pour le Collège de Paris. A en croire Armand Derhy, directeur de Paris School of Technology and Business (membre du groupe Galileo Global Education), la lourdeur des exigences du ministère de l’enseignement supérieur empêcherait les établissements de faire évoluer leurs formations et d’être en phase avec les besoins des entreprises. « Lorsqu’on prépare des étudiants aux métiers du futur dans des spécialités comme l’intelligence artificielle, la blockchain, la cybersécurité, il faut être super réactif. Ces compétences ne sont pas déployées dans la sphère académique, il n’est pas possible d’avoir 50 % d’enseignants-chercheurs dans ces domaines comme l’exige le ministère, et nous faisons donc appel à des experts professionnels dans leur secteur. »

 

Les inscriptions au RNCP, moins exigeantes, seraient une garantie d’agilité pour les établissements formateurs. Elles sont d’autant moins strictes qu’elles se monnaient. Delta Business School ouvrira son bachelor en septembre. Pour pouvoir obtenir une inscription RNCP, l’école privée devrait attendre 2026 pour avoir fait passer trois cohortes d’étudiants. Mais le jeune établissement peut déjà légalement afficher sur son site le logo du ministère du travail. Car rien n’empêche les établissements qui n’ont pas formé un seul élève de « louer » les certifications RNCP à d’autres établissements déjà détenteurs des titres, charge à ces derniers de contrôler les contenus des formations.

Pour obtenir cette inscription, les écoles versent entre 5 % et 15 % de leur chiffre d’affaires aux organismes détenteurs d’un titre RNCP. « Certains se sont constitués comme “franchiseurs”, reconnaît M. Bagorski, c’est la loi du marché. » Le business de la certification de la reconnaissance de l’Etat tourne à plein régime. « Le système a été complètement dévoyé », regrette Laurent Champaney, président de la CGE.

Les victimes sont bien les étudiants. En 2022, ils sont 330 à avoir fait un signalement concernant la qualité de leur établissement auprès de France Compétences. Sur cette seule année, 180 contrôles ont été effectués, donnant lieu à 112 mises en demeure d’établissements, et trois agréments de certificateur ont été retirés. Quels sont ces établissements ? France Compétences refuse de répondre et garde le secret.

 



L’enseignement supérieur privé, un marché devenu lucratif et illisible

Alors que des sociétés commerciales investissent la filière de l’apprentissage postbac, le ministère de l’enseignement supérieur annonce au « Monde » la mise en place, courant 2024, d’une plate-forme répertoriant les formations reconnues par l’Etat.

Par Soazig Le Nevé

Publié le 13 juillet

Dans la communauté universitaire, on les surnomme les « marchands de formations ». Pour recevoir du public, certains n’ont eu qu’à solliciter une autorisation d’ouverture auprès de la préfecture. Pour prendre leur essor, ils ont profité de l’explosion des contrats d’apprentissage qui leur a permis de recruter des étudiants facilement tout en touchant de l’argent public, à hauteur de 6 000 euros par apprenti. Ces établissements savent aussi capter les candidats déçus de Parcoursup, pour lesquels ils constituent la dernière chance de poursuivre des études postbac quand leurs candidatures n’ont trouvé aucune issue favorable sur la plate-forme gouvernementale.

Management, informatique, ingénierie, communication, sciences politiques, arts… l’offre est des plus vastes au sein de grands groupes comme Omnes (détenu par le fonds d’investissement britannique Cinven) et Galileo (détenu par le fonds de retraite canadien CPPIB et Téthys, la holding de la famille Bettencourt Meyers).

Au côté de ces mastodontes qui créent de la valeur en rachetant des écoles en France et à l’étranger, une kyrielle de petites entreprises tentent également d’obtenir une part du gâteau, en se spécialisant dans des thématiques porteuses censées coller aux attentes de la société, à l’instar de la transition écologique.

 

En l’absence de régulation, les pouvoirs publics ne parviennent pas à préciser, parmi les 25 % d’étudiants qui suivent leur cursus dans le secteur privé, combien s’inscrivent dans l’orbite de ces sociétés commerciales. Soucieuse de cette tendance, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a lancé, le 5 juillet, une mission d’information autour des députées Béatrice Descamps (Nord, LIOT) et Estelle Folest (Val-d’Oise, MoDem).

Employabilité immédiate

Dans un univers devenu illisible, le ministère de l’enseignement supérieur veut reprendre la main. D’ici 2024, une plate-forme permettra de répertorier les formations publiques et les formations privées bénéficiant d’une reconnaissance par l’Etat, détaille auprès du Monde Anne-Sophie Barthez, directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle. « Nous rendrons un véritable service aux candidats et à leurs familles en apportant plus de lisibilité sur l’offre de formations, prévoit-elle. Nous commencerons avec les formations qui ont déjà été évaluées et bénéficient déjà d’une reconnaissance par l’Etat. »

 

L’essor du « privé lucratif » redessine un paysage composé depuis plusieurs siècles par les universités et les grandes écoles. Son principal vecteur n’est autre que le ministère du travail, dont il dépend, puisque les formations dispensées relèvent non pas de diplômes du ministère de l’enseignement supérieur, mais de « titres » inscrits au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), synonymes d’employabilité immédiate. Ces formations représentaient 35 % des effectifs en apprentissage dans l’enseignement supérieur en 2021, soit 200 000 étudiants.

La nuance, de taille, entre grade et titre, est bien souvent invisible pour les candidats et leurs parents, rassurés par les seules mentions de « qualification » et de « reconnaissance par l’Etat ». « Ces écoles utilisent les outils d’évaluation du ministère du travail, mais les critères de la voie professionnelle et de l’enseignement supérieur ne sont pas les mêmes, a souligné Laurent Champaney, président de la Conférence des grandes écoles dans un entretien au Monde, le 10 juillet. On n’accompagne pas un néobachelier, dans ses difficultés et ses choix, comme on forme un salarié adulte. »

 

Au ministère, Anne-Sophie Barthez assure que la future plate-forme précisera clairement les choses : « En entrant le nom d’une formation, le candidat verra en un clic si elle est reconnue par l’Etat et quelle est la nature et l’équivalence de cette reconnaissance : un titre RNCP du ministère du travail et/ou un grade du ministère de l’enseignement supérieur, par exemple. » Un cycle de discussions s’ouvrira à la rentrée pour définir les critères que le ministère de l’enseignement supérieur exigera d’une formation professionnalisante privée. « Nous jouerons notre rôle pour garantir la qualité d’une formation en apportant un regard qui diffère de celui qu’apporte le ministère du travail car nos lectures sont différentes mais complémentaires », souligne-t-elle, écartant l’idée d’un label commun aux deux ministères.

Un « privé » associatif

Dans cette nouvelle compétition, un autre « privé » tente de se faire entendre, au statut associatif, en contrat avec l’Etat. Avec ses 180 000 étudiants et apprentis dans 64 écoles, il représente près d’un quart du secteur privé et bénéficie, depuis 2013, d’un statut à part, celui d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig). Ceux-ci ont des obligations, dont celle d’être contrôlés par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

 

« La ligne de partage, c’est l’inscription dans une mission de service public. C’est la défense de la non-lucrativité », a rappelé Philippe Choquet, président de la Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif, qui rassemble 28 écoles, soit 80 000 étudiants, à l’occasion d’un colloque, le 28 juin, à l’Assemblée nationale.

François Germinet, directeur du pôle connaissances au secrétariat général pour l’investissement, a encouragé les Eespig à se rapprocher des universités en créant des doubles diplômes. Pour se distinguer, « il faut mettre un pied dans la porte de la recherche et les universités sont vos relais », a poursuivi l’ex-président de CY Cergy Paris Université. Et de prévenir : « La qualité très variée des formations au sein du secteur privé vous fait du tort et il faut que vous restiez du côté du bon grain. »

 

 

 

Comme tant de ministres avant elle :

 

La rectrice de Versailles rejoint un groupe privé d’enseignement supérieur

Nommée en 2018 grâce à un assouplissement des règles permettant de devenir recteur, Charline Avenel revendique une âme d’entrepreneuse. Elle quitte ses fonctions pour diriger le groupe privé lucratif Ionis, qui compte 35 000 étudiants.

Par Soazig Le Nevé

Publié le 13 juillet 2023
La rectrice de l’académie de Versailles, Charline Avenel, et le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), le 23 mai 2022.<img src="https://jpcdn.it/img/0be39cc037f9ba91caceb6bef31daa29.jpg" alt="La rectrice de l’académie de Versailles, Charline Avenel, et le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), le 23 mai 2022."><span class="Apple-converted-space"> </span> La rectrice de l’académie de Versailles, Charline Avenel, et le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), le 23 mai 2022. GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Son arrivée avait fait grand bruit, son départ en fait tout autant. A l’issue du conseil des ministres, jeudi 13 juillet, Charline Avenel, rectrice de Versailles, quitte ses fonctions pour rejoindre la direction générale d’un groupe d’enseignement supérieur privé lucratif nommé Ionis. Un transfert d’autant plus remarqué qu’il s’inscrit dans une journée particulière, où la fonction publique fête les 40 ans de la création de son statut, par la loi Le Pors du 13 juillet 1983.

 

Née en 1978, l’énarque assume sa différence, voire la cultive, depuis sa nomination par Emmanuel Macron – tous deux sont issus de la même promotion de l’ENA – à la tête de la plus grande académie de France, en octobre 2018. « Quand je suis arrivée, je n’étais pas comme la plupart des recteurs : une femme plutôt plus jeune que la moyenne et avec quelques traits d’humour !, relate Charline Avenel. Tout cela en ayant un profil de connaisseur de l’éducation, puisque mon premier poste était au ministère des finances, en charge du budget de l’éducation et de l’enseignement supérieur, avant de rejoindre le cabinet de Valérie Pécresse au ministère de l’enseignement supérieur, puis le secrétariat général de Sciences Po. »

 

Pour rendre possible cette entrée dans la fonction de recteur, un décret, fort commenté, avait été pris en conseil des ministres trois semaines plus tôt, permettant de porter de 20 % à 40 % les postes de recteur pouvant être occupés par des personnels non titulaires de l’habilitation à diriger des recherches – le plus haut diplôme universitaire. Le décret avait supprimé au passage une autre condition, que ne remplissait pas Charline Avenel : justifier de dix ans d’expérience dans l’éducation, la formation ou la recherche, ou de trois ans d’expérience comme directeur d’administration centrale, ou avoir exercé les fonctions de secrétaire général de ministère.

« Une continuité plus qu’une rupture »

Forte d’une expérience de quatre ans et demi passés à Versailles, la haute fonctionnaire aurait naturellement pu embrasser la fonction dans une autre académie, à l’occasion du mouvement de recteurs décidé par le président de la République ce jeudi. Mais telle n’était pas sa volonté. « Ce que j’ai accompli était au plus de ce que je pouvais faire dans l’action publique, explique-t-elle. J’ai eu de jolies propositions du président de la République pour des fonctions territoriales, mais je n’y ai pas souscrit car je ne suis pas mobile en dehors de l’Ile-de-France. On fait des choix, y compris quand on a des carrières à forte visibilité, qui sont motivés par le sens des priorités et il est important de pouvoir le dire publiquement. »

Pour rejoindre Ionis, groupe fondé en 1980 qui compte 35 000 étudiants dans 29 écoles – notamment dans les secteurs de l’ingénierie, de l’informatique et du commerce (Epita, Epitech, ISG) –, l’ex-rectrice a obtenu l’aval de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qui a rendu un avis favorable le 30 mai, excluant tout conflit d’intérêts. Ce transfert apparaît comme « une continuité plus qu’une rupture », poursuit Mme Avenel, qui se sent « l’âme d’une entrepreneu[s]e » même si « [son] cœur est à l’action publique et à l’intérêt général ». « Je n’exclus pas de faire encore des allers-retours, c’est ça une fonction publique moderne », conclut-elle.

 

Au titre de son bilan, outre le fait d’avoir « appliqué les priorités ministérielles », l’ex-rectrice revendique d’avoir « incubé le logiciel présidentiel » et passé outre les silos qui caractérisent l’administration de l’Etat. « J’ai occupé les interstices des politiques publiques en ouvrant l’école à autre chose qu’elle-même », résume-t-elle en citant l’exemple du campus « patrimoine et artisanat d’excellence » de Versailles, où enseignent côte à côte des artisans et des professeurs de lycée professionnel, de centre de formation des apprentis et d’université. « Etre un facilitateur, dans une conception managériale, n’est peut-être pas très répandu dans l’administration française, mais c’était ma logique », ajoute Mme Avenel.

 

Au sein du groupe Ionis, on se félicite d’accueillir une nouvelle recrue de ce rang qui était apparue « en quête d’un nouveau souffle ». « Le passage d’une rectrice du public au privé est une bonne chose », affirme Fabrice Bardèche, vice-président exécutif du groupe dont l’actionnariat est quasi entièrement familial, 80 % des titres étant détenus par le fondateur, Marc Sellam, le reste par ses proches, dont M. Bardèche. « Cela permet de mieux se connaître, mais aussi de mieux se respecter, poursuit-il. Le monde des fonctionnaires a beaucoup évolué, il n’y a plus de statut de fonctionnaire à vie, mais en CDI, en CDD, à mission… Ce qui va porter les carrières à se faire d’un côté, à se poursuivre de l’autre, à revenir de l’un à l’autre. On aboutit à quelque chose qui est sans doute plus sain qu’une confrontation de type clanique. »

« Tout un symbole »

A l’heure où l’enseignement supérieur public pâtit d’un manque de moyens face à un accroissement de 20 % du nombre d’étudiants en dix ans, le fait qu’un grand commis de l’Etat quitte le navire ne doit pas être perçu tel un abandon, selon M. Bardèche. « Je n’ai pas le sentiment de faire un hold-up car ce n’est pas les hauts fonctionnaires qui manquent ! Si l’enseignement public en a besoin, il saura où les trouver », estime le vice-président de Ionis.

Recteur de Versailles entre 2004 et 2012, Alain Boissinot voit dans ce transfert « tout un symbole ». « Autrefois, devenir recteur était le couronnement d’une carrière, une consécration universitaire, rappelle-t-il. Un recteur s’inscrivait dans une tradition de haute fonction publique et restait recteur jusqu’à la retraite ou bien jusqu’à rejoindre un grand corps de la fonction publique comme le Conseil d’Etat ou la Cour des comptes. »

S’il ne conteste pas l’élargissement du vivier, engagé par paliers depuis 2015, il constate qu’être rectrice « n’a pas été pour Charline Avenel la consécration d’une carrière, mais simplement un job qu’on peut quitter pour un autre plus lucratif ». Son expérience antérieure, au sein de ministères et à Sciences Po, était « purement administrative », ce qui pourrait, selon lui, expliquer un « moindre attachement » à la fonction de recteur, qui est éminemment pédagogique.

 

Après les récents recrutements par un autre groupe privé lucratif, Galileo, de l’ancienne ministre Muriel Pénicaud, de l’ancien directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris Martin Hirsch, mais aussi de l’ancien président de la SNCF Guillaume Pepy et de l’ex-directeur de cabinet du premier ministre Edouard Philippe, Benoît Ribadeau-Dumas, l’appétit des groupes privés d’enseignement supérieur pour les hauts fonctionnaires se confirme. Pour Aurélien Casta, docteur en sociologie et chercheur associé à l’université de Lille, spécialiste de ce secteur, « on peut y voir, pour ces groupes, une façon de se légitimer ».

Un recteur, compte tenu de son niveau de connaissances personnelles et institutionnelles, constitue « un niveau pertinent de recrutement » qui suscite néanmoins des questions, ajoute-t-il, « du fait de la mobilisation à des fins privées de ressources capitalisées dans le public, au premier titre, le réseau de connaissances » : « Si ce type de transferts venait à se renouveler, conclut-il, il faudrait peut-être interroger plus finement les critères utilisés par la HATVP. »

 

 

 

L’appétit de l’enseignement supérieur privé pour les grands commis de l’Etat

L’ancienne ministre du travail Muriel Pénicaud intègre Galileo Global Education, un groupe d’enseignement privé lucratif qu’a rallié aussi Martin Hirsch, ex-patron des hôpitaux de Paris

Par Soazig Le Nevé

Publié le 01 décembre 2022

Le groupe Galileo Global Education a réalisé un doublé. Le 28 novembre, cet empire de 200 000 étudiants dans seize pays, qui se décrit comme le leader « européen » – parfois même « mondial » – de l’enseignement supérieur privé, annonçait l’arrivée au sein de son conseil d’administration de Muriel Pénicaud, ancienne ministre du travail d’Emmanuel Macron. En septembre, c’est Martin Hirsch, ex-directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui faisait son entrée, au poste de vice-président exécutif.

Dans les deux cas, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a rendu un avis de « compatibilité avec réserve », chacun devant s’abstenir de toute démarche auprès de ses anciens collaborateurs et des cercles gouvernementaux.

 

Galileo s’est lié aussi à Guillaume Pepy, ancien patron de la SNCF, qui a pris les rênes du conseil de surveillance de l’EM Lyon, le 23 novembre. A la faveur d’une recapitalisation de l’école – devenue société anonyme –, le groupe Galileo détient désormais 80 % d’un consortium titulaire de 47 % des parts au capital.

 

Pour en arriver là, le groupe a gagné ses galons au fil d’opérations financières plus qu’étrangères au monde académique français. Depuis 2011, il était la propriété du fonds d’investissement Providence Equity Partners, qui, neuf ans plus tard, a cédé ses parts (pour un montant secret) à un nouvel attelage qualifié d’« investisseurs de long terme » : le fonds de retraite canadien CCPIB et Téthys, la holding de la famille Bettencourt-Meyers.

Critère de l’employabilité

Eclectique avec son portefeuille d’écoles aussi diverses que la Paris School of Business, le Cours Florent et l’Atelier de Sèvres, Galileo rachète des établissements tous azimuts. Dernier en date, en juin : la Liverpool Media Academy, spécialisée dans les médias, la musique et les arts du spectacle, détenue à 20 % par le chanteur Robbie Williams.

A chaque fois, le critère de l’employabilité est mis en avant comme un mantra par Marc-François Mignot Mahon, président du groupe. « L’employabilité et la professionnalisation sont nos raisons d’être, indique-t-il dans un communiqué saluant l’arrivée de Muriel Pénicaud. Nous défendons l’idée que l’accès à une formation de qualité débouchant sur un emploi est un droit pour tous nos jeunes », en particulier ceux qui « se sentent un peu loin de la sélection académique ».

 

L’enseignement supérieur privé lucratif est demeuré longtemps confidentiel dans un univers certes marqué par la dichotomie entre universités et grandes écoles, mais soucieux de garantir une reconnaissance de ses diplômes par son ministère de tutelle. Depuis la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, portée par Muriel Pénicaud en 2018, deux leviers lui ont permis de percer : l’apprentissage, auquel les formations d’enseignement supérieur recourent largement, et le soutien des collectivités locales, qui voient dans ces écoles privées un moyen de réinvestir des bâtiments pour y faire venir une population active.

 

Des trois commis de l’Etat recrutés, seul Martin Hirsch a expliqué au Monde ses motivations. « Mon sujet n’est pas d’être dans un groupe privé pour affaiblir le secteur public, explique le conseiller d’Etat, ex-haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Je me demandais comment m’y prendre pour répondre aux besoins immenses de professionnels de santé dans le monde, et Marc-François Mignot Mahon m’a dit qu’il me laissait les mains libres pour développer des formations. »

Son « sujet » est aussi de voir « quel type de synergies sont jouables ». « Le schéma grandes écoles-universités est en train de bouger sous la pression du classement de Shanghaï, estime celui que l’ancienne ministre Frédérique Vidal avait chargé d’une mission sur la diversité sociale et territoriale dans l’enseignement supérieur. Il y a une restructuration à imaginer, comme celle qui a mené à la création des IUT », qui a marqué l’essor de l’enseignement technique à partir de la fin des années 1960.

Ce dessein n’est pas partagé par tous, notamment par le syndicat Snesup, qui voit dans la nomination de Muriel Pénicaud « une consécration pour celle qui a tant fait pour mettre en concurrence les formations professionnelles publiques et privées, et préparer le passage de l’enseignement professionnel sous la cotutelle du ministère du travail ».

 

 

Les investissements tentaculaires des écoles privées sur le marché de l’immobilier

Les établissements privés ont entrepris un maillage du territoire pour capter une nouvelle génération d’étudiants, engageant des sommes considérables dans la pierre.

Par Eric Nunès

Publié le 29 novembre 2022

C’est sur les berges de la Seine à Suresnes (Hauts-de-Seine), à quelques minutes de Paris la Défense, que Skema Business School a posé son campus francilien. Le bâtiment et ses 1 500 mètres carrés de terrasse font face au lac de verdure du bois de Boulogne et à la tour de Gustave Eiffel. Les étudiants croisés dans le dédale de verre et de métal en conviennent en peu de mots : « C’est beau ». « C’est la Ferrari des campus », ajoute, satisfait, Allal, 23 ans, étudiant en master 2 d’audit et contrôle de gestion. Au début du XXe siècle, le site portait sur son sol les usines aéronautiques de l’industriel Louis Blériot. Moderne et scintillant, l’écrin accueille désormais 2 500 étudiants franciliens.

Cette construction de 15 000 mètres carrés à 100 millions d’euros – partiellement financés par un emprunt sur vingt ans – symbolise la bonne santé des écoles de commerce, soulignée par une étude publiée en octobre par CBRE, groupe de conseil en immobilier d’entreprise. Marginale il y a seulement quelques années, la part de l’enseignement supérieur atteint aujourd’hui 12 % des grandes transactions immobilières (en volume d’affaires) en Ile-de-France et 30 % en région.

 

C’est la démographie qui explique cette montée en puissance des projets immobiliers des établissements d’enseignement supérieur privés. La forte natalité française entre 2000 et 2015 se traduit chaque année par des flux d’étudiants importants, un phénomène qui devrait s’étendre jusqu’en 2025, au moins. Si l’université absorbe la plus grande part des nouveaux bacheliers, c’est dans l’enseignement privé que la hausse est la plus forte. En vingt ans, les inscriptions d’étudiants dans ces établissements ont doublé, tandis qu’elles ont augmenté de 17 % seulement dans l’enseignement public. Et depuis 2017, la croissance est encore plus rapide, avec des hausses d’effectifs de l’ordre de 7 % par an. Le secteur rassemblait 592 600 étudiants à la rentrée 2020, selon les données du ministère de l’enseignement supérieur.

Une demande qui ne faiblit pas

L’essor de la mobilité internationale implique aussi une manne de nouveaux clients pour les écoles. En 2020, ils étaient plus de 370 000 étudiants étrangers à faire le choix d’un établissement français pour poursuivre leurs études, soit une hausse de 23 % en cinq ans, selon Campus France. Pour accueillir ce flux, « il y a un besoin croissant d’immeubles consacrés à l’enseignement privé, avec des sites plus grands et modulables pour optimiser l’espace », observe Thierry Molton, directeur des actifs immobilier d’entreprise au sein du groupe immobilier La Française Real Estate Managers.

 

Les écoles doivent donc se doter de campus attractifs pour conquérir ces nouveaux clients et élèves. Le bâtiment de Skema est modulable au gré des besoins des enseignements et des étudiants ; les salles de travail aux mobiliers bigarrés, individuelles et collectives, sont entrelacées d’espaces de détente. Ici un piano, là une salle de sieste, plus loin un restaurant et une cafétéria. « Le campus est un endroit de vie, les espaces libres ne sont pas perdus, c’est aux étudiants de s’en emparer selon leur envie et besoin », décrit Patrice Houdayer, vice-président de Skema.

 

Les écoles d’enseignement supérieur poussent en Ile-de-France tout comme dans les autres régions. L’EM Lyon fait construire son futur campus dans le cœur de la cité des gones, prévu pour 2024 : l’école a investi 100,5 millions d’euros pour un bâtiment d’une surface de 30 000 mètres carrés. A Reims (Marne), c’est 109 millions d’euros que débourse Neoma Business School pour construire un nouveau navire amiral de 35 000 mètres carrés espéré pour la rentrée 2025, avec l’objectif d’accueillir 4 700 étudiants – soit une hausse de 25 % des effectifs. Depuis 2019, 14 établissements en France hexagonale se sont lancés dans une acquisition immobilière, et la demande ne faiblit pas, selon le groupe CBRE.

Une tête de pont dans la capitale

Un maillage géographique est nécessaire pour diversifier les sources de recrutement et engranger de nouvelles recettes. En six ans, l’ESTP Paris, école d’ingénieurs, s’est dotée de trois nouveaux campus en région : Troyes en 2017, Dijon en 2019 et Orléans qui devrait voir le jour en 2023. Une assise territoriale qui permet d’attirer une clientèle plus large, car le « coût d’exploitation d’une école entre les métropoles et Paris est de 1 à 3. Cela permet de créer des offres alternatives et moins onéreuses », constate Stanislas Leborgne, directeur exécutif régions chez CBRE.

 

Inversement, les écoles en région ont aussi besoin d’une tête de pont dans la capitale. L’EM Normandie, historiquement installée au Havre (Seine-Maritime) et à Caen, a ouvert un campus parisien en 2013. Trop petit, il a déménagé à Clichy (Hauts-de-Seine) en 2022, dans un site flambant neuf de 15 000 mètres carrés susceptible d’accueillir 3 000 étudiants. L’école, qui s’est positionnée en priorité sur un recrutement postbac, avait besoin pour se développer « de se rapprocher du dynamisme du marché francilien et du bassin d’entreprises de la région capitale », fait valoir Elian Pilvin, son directeur général.

Le campus parisien sert de produit d’appel, indispensable pour les étudiants internationaux

Il en est de même pour Neoma Business School. Connue pour ses campus de Reims et Rouen, l’école s’est dotée d’un campus de 6 500 mètres carrés en plein Paris (13e), pouvant abriter 1 500 élèves. « Nos étudiants commencent leurs études à Paris et poursuivent à Reims ou Rouen en fonction de leur cursus », explique Delphine Manceau, directrice générale. Le campus parisien sert ainsi de produit d’appel, indispensable pour les étudiants internationaux qui ne connaissent de la France que sa capitale.

« Une visibilité facile à identifier »

L’afflux constant d’étudiants garantit la bonne santé financière des établissements et en fait des clients recherchés par les promoteurs, comme par les bailleurs. « L’éducation est le dernier poste de dépense que les familles vont réduire. Nous avons auprès des banques cet attrait d’être des emprunteurs dont le risque est extrêmement faible », se félicite le vice-président de Skema, Patrice Houdayer. « Les investisseurs voient derrière ces établissements des grands groupes fiables avec de beaux chiffres d’affaires, confirme Stanislas Leborgne. Lorsqu’un étudiant s’engage dans un cursus, c’est pour une durée de trois à cinq ans, cela représente une visibilité facile à identifier. » Enfin, l’emprunt contracté pour l’acquisition du bâtiment est similaire au coût du loyer dont l’école devait s’acquitter précédemment. « L’impact sur les frais de scolarité des étudiants et leurs familles est inexistant », assure l’école.

Certains groupes ont même fait entrer des fonds d’investissement à leur capital, comme Galileo dans l’EM Lyon : « Des investisseurs solides et regardants qui assureront un contrôle des choix stratégiques de l’entreprise », analyse Caroline Nachtwey, directrice bureaux grands projets chez CBRE.

Si la démographie française promet aux écoles une demande forte pour encore plusieurs années, « le marché français va atteindre un plateau d’ici huit ans », observe Elian Pilvin, patron de l’EM Normandie. D’où la nécessité de recruter hors de France, en attirant des étudiants étrangers avec des établissements « de classe internationale », selon les termes du directeur.

Insertion rapide et rémunératrice

Avec des exigences communes sur un marché concurrentiel mondialisé, les écoles ne lésinent pas pour séduire leur clientèle. « Elles veulent que les bâtiments fassent un effet “waouh” ! Qu’ils aient une architecture remarquable et attractive dont les étudiants soient fiers. Et toutes les écoles s’y mettent », décrypte Adrien Blanc, président d’Altarea Entreprise.

Le clinquant architectural d’un campus peut-il peser dans le choix d’une école ? La réponse est non selon les étudiants rencontrés sur le campus de Skema. C’est la réputation internationale de son master product management qui a conduit Albert (le prénom a été modifié), étudiant indien de 24 ans, à terminer ses études en France. La qualité de la formation et la promesse d’une insertion rapide et rémunératrice restent les critères premiers pour l’ensemble des étudiants interrogés.

 

Toutefois, les étudiants attendent des conditions d’études agréables. « Nous passons beaucoup de temps dans notre école, on veut pouvoir y travailler confortablement, déclare Perrine, 22 ans, en master 2 finance durable. Etre étudiant en école de commerce, cela a un coût, nous sommes en droit d’attendre une qualité de service. » « Vu ce que j’ai payé [34 000 euros pour deux ans], je n’en attendais pas moins », renchérit Albert, natif de Hyderabad (Inde).

Les étudiants recherchent également une centralité maximum et des connexions faciles à tous les réseaux de transports. Mais, à Paris, le marché immobilier intra-muros est surchargé et ne dispose que de peu d’espaces susceptibles d’accueillir des campus de plusieurs milliers de mètres carrés. Allal habite Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) : une heure de transport en commun le sépare de son école. Il relativise : « En Ile-de-France, c’est la norme ! » Mais pour Samuel (le prénom a été modifié), 23 ans, originaire de Calcutta, en master 2, la surprise a été de taille. C’est depuis l’Inde qu’il a loué une chambre dans l’est de Paris… Il goûte désormais chaque jour aux aléas des transports parisiens. Là où ils étudient, à Skema, sur le fronton de l’établissement francilien, c’est bien « Campus Grand Paris » que l’on peut lire – et non pas Suresnes. Question de prestige.